« Loin de Douala » de Max Lobe (Zoé, 2018)

Cela fait plusieurs mois que je souhaite découvrir Max Lobe et, parmi sa bibliographie, ce roman était celui que je voulais absolument découvrir en premier.

Quatrième de couverture : « Jean et Simon sauront-ils retrouver Roger ? Ce dernier a fui une mère colérique pour courir après un rêve, devenir une star du football. Quitter Douala, passer par le Nigeria pour finir en Europe : cela s’appelle faire le boza. Les péripéties de Jean et Simon aux trousses de Roger ont tout du voyage initiatique : ils découvrent le Nord du Cameroun, une région à la nature somptueuse, quoique sinistrée par Boko Haram et la pauvreté, goûtent aux fêtes. Mais le petit Jean se confronte aussi à l’éloignement d’avec la mère et à l’apprentissage d’une identité sexuelle différente. Max Lobe, avec sa gouaille et son humour, excelle à donner la parole à ses personnages, à restituer les atmosphères qui règnent dans la rue, les trains, les commissariats, les marchés ou les bars mal famés. »

Impression post-lecture à chaud : je suis ravie d’avoir été au bout de mon envie et je compte bien poursuivre ma découverte des romans de Max Lobe. La promesse de sa Phall’Excellence, paru en 2021, est au chaud dans ma PAL.

Roger, jeune homme camerounais, fugue de son foyer et sa vie familiale conflictuelle et meurtrie pour rejoindre l’Europe réaliser son rêve de devenir footballeur. Son frère, Jean, et un ami proche, Simon, partent à sa recherche sur les routes du boza. En arrière-plan du périple qui sera aussi un voyage initiatique pour Jean : les exactions du groupe terrorisée Boko Haram font chaque jour un peu plus de victimes, la découverte de premiers émois sexuels.

Un roman actuel, plein d’une gouaille savoureuse et d’une langue imagée, qui nous emmène saisir l’énergie de villes camerounaises et l’ambiance d’un pays vivant mais qui est aussi en proie au terrorisme, à la corruption, au départ de ses jeunes et, pour une partie de la population, à la manipulation spirituelle par intérêt pécunier.

En suivant ces deux jeunes, nous découvrons un pays et différentes forces en présence, des jeux de pouvoir et – ce que j’ai particulièrement aimé – une vitalité folle, notamment des personnages féminins.

Je ne peux qu’attirer votre attention sur la photographie de couverture. Si la couverture joue rarement un rôle dans mes envies de lecture, cette photographie m’a totalement attirée au premier regard. Il s’agit d’un portrait d’Omar Victor Diop, photographe sénégalais qui se met en scène autour de différentes thématiques, dont celle de la diaspora – ici en lien avec des rêves de ballon rond.
Vous pouvez découvrir son travail sur son site internet ou en vous offrant son livre (disponibles aux éditions 5 Continents, paru en 2021). Un travail magnifique.

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Et vous, quel·le auteur·ice camerounais·e conseillez-vous ?

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« Vies volées. Buenos Aires, Place de Mai » de Matz et Mayalen Goust (Rue de Sèvres, 2018)

Les éditions Rue de Sèvres créent souvent l’effusion avec leurs publications, pourtant, je ressors très souvent partagée de mes lectures. Après réflexion sur ma frustration personnelle – que je vis cependant bien – j’en arrive à une conclusion : j’ai passé l’âge. Alors, oui, il n’y a pas forcément d’âge pour lire tel ou tel livre surtout dans le rapport que peut entretenir un•e adulte avec la littérature jeunesse. Je suis d’accord. Pour autant, certains procédés narratifs et certaines informations – en prenant de plus en compte les différents niveaux d’information – n’impactent pas de la même manière selon l’âge, les expériences et les connaissances lors de la lecture. Et c’est le principal reproche que j’ai à formuler à l’encontre de ce roman graphique, qui a par ailleurs de nombreuses qualités. Il ne m’a pas surprise, je n’ai rien appris et j’ai presque tout anticipé. Du coup… le plaisir de lecture a été plutôt limité.

Quatrième de couverture : « De 1976 à 1983, la dictature militaire qui régit l’Argentine fait disparaître près de 30 000 opposants politiques. Parmi eux, des jeunes femmes enceintes auxquelles leurs enfants seront arrachés à la naissance. Depuis 1977, leurs grands-mères recherchent ces 500 bébés volés… »

Cela fait un bon moment que je souhaitais découvrir ce roman graphique mettant en avant l’histoire des enfants volés sous la dictature militaire en Argentine (1976-1983) – il faut dire que je n’en ai lu que du bien. Visuellement magnifique, cet ouvrage mêle un scénario rythmé agrémenté de suspens à des propos clairs pour les lectorats cibles de la maison d’édition : adolescents et jeunes adultes.

Dans cette histoire qui se positionne dans notre époque, deux amis vont voir leur monde bouleversé du jour au lendemain : alors que sont aujourd’hui médiatisés les vols d’enfants d’opposant politiques par le régime dictatorial durant les années 1970-80 – notamment rendus publics grâce à la lutte soutenue des Grands-mères de la place de Mai – ils vont décider pour différentes raisons de réaliser chacun un test ADN. Ces tests ne seront que le début de questionnements sur ce qui fut, ce qui est, ce qui aurait dû être et ce qui ne sera jamais. Autour d’eux, plusieurs personnages illustreront les différentes douleurs associées à ces actes inhumains, dont les plaies sont aujourd’hui encore ouvertes.

Plutôt bien mené – même si le suspens a peu fonctionné avec moi – cet album sensibilise à l’une des grandes injustices de l’histoire contemporaine argentine et montre les vies brisées, volées, et l’impact du crime sur la durée. Une injustice qui perdure, de nombreuses familles et enfants enlevés restants sans réponses.

C’est un roman graphique que je trouve particulièrement remarquable au niveau des illustrations. Le scénario, même s’il est intéressant, n’a pas réussi à me convaincre pleinement ni à me surprendre – sauf peut-être à la toute fin. Un album qui s’adresse parfaitement à un lectorat assez jeune (15-20 ans) ou à un public n’ayant pas du tout connaissance de cette époque tragique et ne cherchant pas un livre aux contenus théoriques et historiques trop poussés.

J’aime les romans graphiques qui frôlent le reportage illustré et ici nous sommes dans de la fiction marquée par des faits historiques, une nuance qui a son importance pour moi car j’ai vraiment manqué de données factuelles, presque documentaires. C’est un peu le fossé qui était apparu lors de ma lecture de Les indésirables alors que j’avais été subjuguée par Nous étions les ennemis, beaucoup plus pointu au niveau de son contenu.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : A venir…

Et vous, quel•s livre•s sur ce sujet conseillez-vous ?

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👁 « Prête-moi une fenêtre » & « Ce peu de vie » de Hala Mohammad (Bruno Doucey, 2018 ; Al Manar, 2016)

Lors de la préparation de ce mois thématique, plusieurs recueils de poésie se sont imposés à moi. Comme une évidence. Ces deux recueil d’Hala Mohammad en font pleinement partie et, depuis que je les ai lus, je les ouvre et les réouvre régulièrement. Je découvre et redécouvre sa voix, faite de lumière pour éclairer les ombres. Ce deux recueils sont présentés dans une édition bilingue arabe-français.

Née à Lattaquié, en Syrie, en 1958, Hala Mohammad a été amenée à fuir son pays pour trouver refuge en France.

« Ce peu de vie »

Quatrième de couverture : « Les papillons / Emigrant avec les familles / Sur les ballots / Sur les fleurs des robes des filles / Dans les poches des grands-mères / Dans les supplications des mères, / A la frontière / Ils ont ôté leurs couleurs / Et sont entrés dans leur exil / Photo souvenir / En noir et blanc. »

Premier recueil de Hala Mohammad publié en français, vingt-cinq poèmes qui disent l’absence, les lieux quittés, les joies passées, les violences qui perdurent dans la patrie perdue. L’autrice mêle aux mots emprunts de douceur, aux espaces de l’enfance et de la maison, la réalité crue. Elle crée un espace qui se déchire entre espoir et quotidien qui le malmène.

Un recueil qui nous parle d’humanité et de la Syrie dévastée. Parfait pour une première découverte de l’autrice et pour découvrir, en même temps, la maison d’édition Al Manar que je ne connaissais pas.

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« Prête-moi une fenêtre »

Présentation de l’éditeur : « La maison a beaucoup changé après ton départ… Les mots par lesquels s’ouvre le recueil d’Hala Mohammad laissent entendre qu’il y a un avant et un après, un ici et un ailleurs. Plus encore, un billet aller qui ne donne à l’exilée que peu d’espoir de retrouver indemne le pays qu’elle a laissé derrière elle. De poème en poème, l’auteure cartographie l’absence et son cortège de chagrins. Une révolution orpheline. La guerre. Les routes de l’exil. Les dures conditions de vie des gens qui ont parfois tout perdu mais qui continuent à vivre et à aimer. Car ce sont eux qui intéressent la poète-documentariste qui progresse caméra au poing. Avec un sens inné du court-métrage, elle défie la peur et nous livre un texte d’une force rare contre la géographie de la tyrannie. Sois la bienvenue, Hala : cette maison d’édition aux fenêtres ouvertes sur le monde est la tienne ! »

C’est avec le même ton que Hala Mohammad compose ce second recueil avec les éditions Bruno Doucey. A la fois dans l’évocation personnelle et tournée vers l’autre, l’autrice nous parle de son quotidien, de ses souvenirs, de ses proches, de l’adaptation à une nouvelle vie qui crie l’absence, de ce qui ne passe jamais, de la guerre, de la tyrannie, de l’effort pour l’oubli ne serait-ce que quelques minutes, d’autres personnes déracinées, des disparu·e·s.

C’est un recueil extrêmement dense et percutant. Certains poèmes sont gravés en moi, notamment lorsqu’elle parle d’être une gardienne de cimetière – ce dernier n’étant pas celui qu’on s’imagine – ou lorsqu’elle dépose des fleurs sur des tombes, au hasard, espérant que quelqu’un en déposera une sur celle de sa mère, sous l’olivier, en Syrie. Ce sont des pensées à la fois quotidiennes, que chacun·e de nous peut saisir, et en même temps complexes que partage Hala Mohammad.

On sent puissamment la déchirure et les voyages mentaux qu’elle réalise dans la maison de son enfance, probablement détruite depuis. Elle pense à la porte, au seuil, aux murs, aux détails qui faisaient un lieu réconfortant et unique pour elle, dans lequel ont déambulé des êtres chers. Ces pensées ont eu beaucoup d’écho chez moi, alors même que je ne peux en aucune manière comparer mon parcours au sien. Mais là est aussi la puissance de l’universalité de certaines expériences, comme celle des chansons de l’enfance qui s’inscrivent, se tatouent, en nous pour la vie.

Si j’ai été plus sensible à certains aspects qu’à d’autres, chaque poème est fort et porte une voix que je vous invite à lire et dire à voix haute à votre tour, pour qu’elle s’envole librement et qu’elle touche, peut-être, d’autres personnes encore. De mon côté, je vous donne rendez-vous très vite pour vous reparler de cette autrice, même s’il m’est toujours difficile de rassembler mes idées pour vous parler de poésie.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas de chroniques trouvées pour le moment.

Et vous, quelle est votre dernière découverte poétique ?

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👁 « Le silence des esprits » de Wilfried N’Sondé (Actes Sud, 2010 ; Babel, 2018)

L’un de mes petits défis de ces dernières semaines a été de trouver un roman parlant d’exil et comprenant le mot silence dans son titre afin de participer au challenge Un mot, des titres du blog Les lectures d’Azilis. Ce fut l’occasion de découvrir Wilfried N’Sondé et je ne le regrette pas une seule seconde. J’ai été chamboulée par son énergie et sa poésie.

Quatrième de couverture : « Ils se sont rencontrés dans un train de banlieue. Clovis Nzila, émigré clandestin sans ressources ni abri, a sauté dans le wagon pour échapper à un contrôle de police. Il s’installe sur une banquette en face de Christelle, aide-soignante qui rentre du travail, triste et fatiguée. Il suffit d’un échange de regards pour que l’un et l’autre se reconnaissent dans leur solitude, leur fragilité. Elle lui tend la main et lui propose de l’héberger pour la nuit. Dans le modeste appartement, ils créent une bulle de confiance et de tendresse, se racontent, tentent de réécrire leur histoire et de s’offrir une seconde chance.

De la violence d’une guerre civile en Afrique à la morosité d’un quotidien de banlieue parisienne, Wilfried N’Sondé habille notre époque d’espoir et de sensualité au fil d’une douce ballade mélancolique. »

Clovis arpente les rues de la ville à la recherche d’un endroit où se poser, quelques minutes ou quelques heures. Christelle traverse les couloirs de l’hôpital, prenant soin de tous ses patients. Clovis a fui son pays, Christelle fuit ses pensées. Tous les deux essaient d’échapper à leurs souvenirs et traumatismes, tous les deux vont prendre le même train et se rencontrer.

Leur recontre est de celles qui changent une vie.

A travers Clovis nous découvrons l’histoire d’un pays martyrisé par la colonisation et dont il fut victime de différentes façons, toujours terribles. Un pays ravagé par la guerre qui n’épargne pas les enfants. Il nous ouvre une fenêtre sur l’histoire de son enfance et celle de sa soeur, Marcelline – qu’il voit dans ses rêves -, son ultime lieu de recueillement également habité par l’esprit Nzambi A Mpoungou. Christelle, de son côté, témoigne des violences familiales et déceptions amoureuses.

Du trauma colonial aux violences contemporaines envers les personnes en situation dite irrégulière, Wilfried N’Sondé invoque des douleurs et des blessures avec puissance et comme pour les exorciser. Si cela est possible. A la fois hors du temps et ancré dans le présent, ce roman montre à la fois beauté de la renaissance et la violence d’une société du rejet.

Deux vies abîmées qui se rencontrent et se pansent. Une fulgurante envie de vivre qui renaît sous les cendres. Un roman puissant en ce qu’il révèle des vies passées et présentes, du visible et de l’invisible.

Le nouveau mot du challenge est sorti, il s’agit de jamais. Étant donné que j’adore faire des recherches bibliographiques et des listes (imaginez l’ambiance folle de mes soirées) je me suis amusée à sélectionner neuf potentielles lectures. Vous pouvez les découvrir ci-dessous :

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas de chroniques trouvées pour le moment.

Et vous, quel est votre roman préféré de Wilfried N’Sondé ?

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❤ « Toutes les choses de notre vie » de Hwang Sok-yong (Picquier poche, 2018)

Si tous les autres romans que j’ai lus de Hwang Sok-yong concernent des vies d’adultes ou des adultes repensant à leur enfance et leur jeunesse, ici nous suivons des enfants qui décryptent le monde à hauteur de leurs yeux et de leurs expériences. Et que j’aime ça ! Un mélange de candeur et de clairvoyance (un peu inquiétante) sur le monde des adultes.

Quatrième de couverture : « Gros-Yeux a quatorze ans lorsqu’il arrive avec sa mère dans l’immense décharge à ciel ouvert de Séoul. Là vivent pas moins de deux mille foyers, en une société fortement hiérarchisée dont le moindre aspect – travail, vêtements, nourriture, logement – provient des rebuts du monde extérieur.

Gros-Yeux se lie d’amitié avec un garçon disgracié, un peu simple d’esprit, qui lui fait découvrir les anciens habitants du site, ou plutôt leurs esprits bienveillants, lorsque l’île de la décharge était encore une terre vouée aux cultures agricoles et aux cultes chamaniques. Car ce sont les êtres démunis, abandonnés des hommes, enfants, marginaux, infirmes, qui entretiennent l’étincelle du vivant et communiquent avec l’invisible.

Hwang Sok-yong ne donne pas de leçons, non, il donne à voir. A l’opposé d’une logique marchande où les choses sont destinées à une rapide destruction, les images qu’il suscite ne s’altèrent pas, continuent à briller dans notre imaginaire. »

Gros-yeux est un garçon de quatorze ans élevé seul par sa mère depuis que son père a été arrêté et envoyé dans un camp de rééducation. Un jour, un ami de son père leur rend visite et fait une proposition à la mère de Gros-yeux : un nouveau travail financièrement intéressant qui implique un déménagement sur l’Ile aux fleurs. Un joli nom pour une réalité inversement moins douce : une décharge à ciel ouvert dans laquelle des milliers de personnes trient au quotidien les déchets qui viennent de la ville.

C’est dans ce contexte que nous allons découvrir une communauté discriminée, cachée et pourtant bien réelle. A la fois une analyse du consumérisme induit par l’explosion de l’industrialisation des biens, une fable métaphysique liant le passé des lieux au présent tout en explorant les croyances chamaniques ancrées dans la culture coréenne, une critique sociale visant à rendre visibles les laissés pour compte, les foyers pauvres toujours repoussés plus loin à la périphérie des villes et les empois invisibles à risque tout en dénonçant certaines hypocrisies, une observation de ce que l’homme fait à la nature… Pour faire court, ce roman m’a brisé le coeur autant qu’il m’a passionnée.

Des aventures de deux jeunes garçons infiniment attachants c’est un monde très particulier qui se dessine dans notre esprit et nous amène à nous interroger sur beaucoup de choses : des pratiques politiques de la Corée du Sud jusqu’à ce que nous achetons puis jetons dans nos poubelles. Contextualisé et basé sur des faits réels, ce roman n’en perd pour autant pas sa portée universelle. Il nous interroge sur la notion de jetable et sur l’invisibilisation ou la marginalisation de certaines populations, sur notre rapport aux humains, aux animaux et aux objets et sur les choses de notre vie.

J’ai maintenant lu tous les livres de Hwang Sok-yong en ma possession, il va donc falloir que je refasse le plein au cours du mois de mai (parce que pour avril, j’ai bien explosé mon budget) ! Une chose est sûre : le Challenge coréen 2021-2022 verra fleurir de nouvelles chroniques consacrées à cet auteur et à son oeuvre, avec comme objectif ultime de découvrir son autobiographie Le Prisonnier parue au début de l’année.

Cette lecture entre dans le cadre du Challenge coréen organisé par le blog Depuis le cadre de ma fenêtre.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas de chroniques trouvées pour le moment.

Et vous, si vous deviez citer quelques objets auxquels vous êtes sincèrement attachés, lesquels seraient-ils ?

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« En montant plus haut » d’Andrea Salajova (Gallimard, 2018)

Je me suis tournée vers ce roman pour approcher la Tchécoslovaquie communiste des années 1950 ainsi que la mise en littérature de la lutte pour la liberté sous un régime autoritaire. Un sujet que je vais sûrement approfondir dans les mois à venir.

Quatrième de couverture : « Tchécoslovaquie, 1955. Le pouvoir communiste en place charge Jolana Kohútová d’une mission aussi difficile que délicate : mettre au pas un village de montagne rétif à la collectivisation des terres agricoles. On lui adjoint dans cette tâche un de ses vieux amis de la résistance au nazisme, un Tzigane aussi suspect qu’elle aux yeux du régime. Ils savent l’un et l’autre que cette mission est une mise à l’épreuve, qu’ils ne peuvent la refuser et qu’ils seront sous surveillance. Leur liberté et leur vie sont en jeu. A moins de réussir à convaincre le village, comment pourront-ils échapper au piège tendu par les commissaires politiques lancés à leurs trousses ? »

Quel est le prix de la liberté ? Jolana Kohútová va devoir se poser la question à plusieurs reprises. Envoyée dans des champs de pommes de terre au milieu de nulle part pour son opposition au régime, elle se fait une raison sur sa situation précaire. Jour après jour, elle s’épuise dans les champs, parmi d’autres femmes qui se méfient d’elles, certaines bienveillantes, d’autres provocantes et acquises au système. Cette vie, jamais elle ne s’est battue pour, et pourtant elle fit partie de la résistance durant la Seconde Guerre mondiale. La liberté d’après guerre a un goût amer.

Un jour, une voiture arrive, elle contient un homme et un message à l’attention de Kohútová. Lui, Olšanský, est presque un fantôme du passé. Brimé comme Kohútová, discriminé car Tzigane, il l’a retrouvée pour lui proposer un accord : soumettre un village à l’idéologie et aux principes de mutualisation des terres du parti pour prouver leur fiabilité et ainsi recouvrir une liberté de mouvements. Quitter les champs pour vivre des rêves qui n’étaient jusqu’alors plus imaginables. En venant la chercher sous la surveillance de membre du parti, il ne lui laisse en fait pas vraiment le choix.

L’essentiel du roman va alors se dérouler dans un village isolé et récalcitrant à la mutualisation. Pour mener à bien la mission, il va falloir désamorcer les résistances, convaincre à tout prix. Entre surveillances, manigances et pressions, Andrea Salajova explore un labyrinthe inextricable dont l’issue est la liberté. Mais sa propre liberté vaut-elle de soumettre tout une communauté ? Est-on libre quand on joue le jeu de l’oppresseur allant à l’encontre de nos convictions profondes ?

Entre les enjeux des deux amis du passé, les villageois qui oscillent entre leurs volontés propres, la menace et l’autorité des gros exploitants, les membres du parti qui observent, il y a aussi de jeunes gens convaincus par la politique du régime. Les yeux et les oreilles sont partout, le risque est permanent mais le temps et les échanges font que l’empathie ne peut pas rester endormie.

En plus d’une rélfexion sur la liberté individuelle et les libertés collectives, sur l’autoritarisme, Andrea Salajova nous parle de la liberté d’une femme qui affronte regards en biais, remarques désobligeantes et actes violents. Une femme qui témoigne aussi de l’histoire alors extrêmement récente, la Shoah. J’ai beaucoup apprécié son caractère indépendant, combatif malgré elle, qui refuse les carcans de façon épidermique. Un caractère aussi admiré par Olšanský bien qu’il le fasse souffrir tout au long du roman. Une relation qui m’a tenue en haleine tant elle était complexe et douloureuse, désespérément suspendue.

Un livre intéressant et prenant dont on n’arrive pas à imaginer l’issue tant le piège se met en place pour se refermer petit à petit. Un roman qui confirme que la liberté a un prix que l’on peut oublier en temps paisibles.

Sur l’aimable invitation de Patrice du blog Et si on bouquinait un peu ?, cette chronique rentre dans le challenge Le mois de l’Europe de l’Est. N’hésitez pas à le découvrir !

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Passage à l’Est !

Et vous, quel•s roman•s sur cette période conseillez-vous ?

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❤ « Les mauvaises herbes » de Keum Suk Gendry-Kim (Delcourt, 2018)

Ce roman graphique dort depuis des mois et des mois dans ma bibliothèque. Je l’ai commencé une première fois mais je n’ai pas réussi à aller très loin car son sujet s’aborde avec un certain esprit, du temps, de la disponibilité, du calme. Il faut être entièrement à sa lecture. Un beau livre pour la mémoire, un impressionnant roman graphique de presque 500 pages et dont pas une seule n’est de trop.

Je l’ai repris et lu cette semaine suite à une actualité que souhaitais partager ici avec vous, par soutien pour ces femmes (vivantes comme décédées) qui demandent et méritent justice, reconnaissance des préjudices et à qui on refuse les excuses :

C’est un jugement lourd à l’impact diplomatique retentissant. Ce vendredi 8 janvier, un tribunal sud-coréen a jugé que Tokyo devait dédommager les victimes d’esclavage sexuel durant la Seconde Guerre Mondiale. C’est la première fois qu’une telle sanction est prononcée.

RFI, « Corée du Sud : Tokyo condamné pour esclavage sexuel durant la Seconde Guerre mondiale » 8 janvier 2021

Quatrième de couverture : « 1943, en pleine guerre du Pacifique, la Corée se trouve sous occupation japonaise. Oksun, seize ans, est vendue par ses parents adoptifs comme esclave sexuelle à l’armée japonaise basée en Chine. Après avoir vécu 60 ans loin de son pays, Oksun revient sur sa terre natale.

Cet ouvrage, témoignage à la fois bouleversant, documenté et objectif d’une femme par une femme, retrace non seulement le parcours d’une vie, mais à travers lui tout un pan de l’histoire moderne de la Corée du Sud. »

Dans toute guerre le ventre des femme devient un territoire à conquérir comme un autre. Si les femmes et les jeunes filles sont les principales victimes de ces crimes, hommes et enfants de tout sexe n’y échappent pas.

Ce roman graphique est un témoignage difficile mais nécessaire : Keum Suk Gendry-Kim a ressenti un besoin profond et urgent de parler de ces femmes. Elle s’est rendue dans une maison de partage en Corée, lieu dans lequel vivent d’anciennes femmes de réconfort (comprenez officiellement esclaves sexuelles) dès lors qu’elles ont pu quitter la Chine pour retrouver leur pays de naissance. C’est lors d’une de ses visites que l’auteure a rencontrée Lee Oksun qui a accepté, petit à petit, de lui confier son histoire afin que l’oubli ne fasse pas son oeuvre, afin qu’on n’oublie pas ces femmes qui on connu le même sort qu’elle (leur nombre est estimé à 200 000 selon les historiens).

Oksun revient sur son enfance marquée par la pauvreté, la faim, la colonisation japonaise, le début de la guerre, la séparation d’avec sa famille et son exploitation par des adultes. Vient ensuite sa jeunesse. Une adolescence (puis une vie) déplacée en Chine, brisée par le viol et l’esclavage sexuel au cours de la Seconde Guerre mondiale. Les jeunes coréennes étaient trompées, enlevées ou achetées puis envoyées près des stationnements militaires, par et pour les militaires japonais.

A travers ses mots et ses souvenirs elle explique la peur, sa déportation en Chine, l’horreur de ses conditions de détention – prisionnière d’un couple – violentée durant plusieurs années par les soldats japonais. Et dans son témoignage éprouvant pour elle, une place est aussi faite à d’autres jeunes filles qu’elle a connues. Viendra la fin de la guerre et alors la question se pose : qu’allons-nous devenir ? Qu’allons-nous faire ? Est-ce que quelqu’un nous attend quelque part ? Vers où aller ? Comment continuer à vivre ?

Oksun montre l’impact psychologique encore vif de ces années de guerre et de supplices physiques, intimes. Sa voix porte lors des rassemblements pour demander justice : que le Japon reconnaisse sa responsabilité dans l’établissement de nombreuses maisons de passe pour les soldats, qu’il reconnaisse les femmes qui y étaient envoyées de force et exploitées des victimes de guerre, des victimes de leurs soldats.

J’ai été très émue de lire ce roman graphique au regard de l’actualité, même si le verdict du tribunal de Séoul implique des tensions diplomatiques avec le Japon. Je suis d’une grande naïveté mais j’ai toujours du mal à comprendre pourquoi il est si difficile pour un État de reconnaître ses torts alors même que s’excuser est l’une des premières choses que l’on apprend à un enfant.

Concernant le travail graphique, nous reconnaissons immédiatement le style de Keum Suk Gendry-Kim, entre les traits tendres et les encrages forts, entre la douceur qu’elle porte à ses personnages et le traitement pudique et respectueux mais marquant des moments traumatiques, comme on peut beaucoup le retrouver dans Jiseul. Une identité artistique que j’apprécie beaucoup et que je vais continuer à découvrir avec plaisir et émotion.

Cette lecture entre dans le Challenge coréen organisé par Cristie du blog Depuis le cadre de ma fenêtre.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué  : Les critiques de YuyineSambaBDInstantané

Et vous, quel•s livre•s avez-vous lu•s sur ce sujet ?
Aimez-vous lire des oeuvres en lien avec l’actualité ?

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❤ « L’enfant et le maudit – Tomes 1 à 8 » de Nagabe (Komikku, 2017-2020)

Alors que le huitième tome de cette série vient de paraître, je me suis replongée dans cette série que j’avais un peu laissée de côté à tort. Si à la première lecture j’avais eu quelques réserves, la seconde m’a complètement conquise. Voilà donc une chronique coup de cœur.

Quatrième de couverture : « Il existe deux mondes : l’Intérieur, où vivent les humains, et l’Extérieur qui est le repaire de créatures maudites. Quiconque serait touché par l’un de ces monstres serait maudit à tout jamais et chassé du pays des hommes.

C’est pourtant dans ce monde sombre que vit la petite humaine prénommée Sheeva. Elle a été recueillie par une créature non humaine qu’elle appelle le Professeur.

Il veille sur elle et lui interdit tout contact avec les autres créatures de l’Extérieur. Il lui cache la terrible vérité de son abandon et n’ose lui dire que personne ne viendra la chercher…

Ils sont aussi différents que le jour et la nuit… Et malgré tout ce qui les sépare, malgré les ténèbres qui les entourent, ils vont écrire petit à petit une fable tous les deux… »

Si vous avez du mal à rester en suspens entre deux tomes, nul doute que l’attente au cours de cette série aura un impact sur vos nerfs. Autant dire qu’il faut savoir prendre son mal en patience. Mais ce huitième tome sonne comme la fin d’une première période de l’histoire, donc si vous souhaitez commencer la série, c’est le moment !

D’un autre côté, cette patience est chaque fois récompensée avec des tomes aux graphismes superbes, à la fois sombres et doux, un peu comme ce qui distingue de prime abord les deux personnages principaux. L’histoire n’est pas en reste : un monde médiéval coupé en deux et à l’ambiance fantastique, l’amitié entre une enfant et un être de l’Extérieur, des menaces qui demandent courage et loyauté pour être repoussées, un mystère qui se dévoile petit à petit, tome après tome…

La petite Sheeva a été trouvée à l’Extérieur par le Professeur qui l’a recueillie. Tous deux vivent dans une petite maison, dans l’espace abandonné des humains. Pourquoi la petite fille s’est-elle retrouvée dans ce lieu ? Qui est le professeur et quelle est la malédiction qui touche ce monde étrange ? Où sont les humains, comment vivent-ils à l’Intérieur et quel est leur rapport à l’Extérieur et à la malédiction qui les touche ? Beaucoup de questions sont posées dès le premier tome et l’envie d’avoir les réponses rend ce manga tout simplement addictif, sans compter la magnifique relation qui se noue entre les deux protagonistes principaux et les épreuves qu’ils devront surmonter ensemble. En résumé : vivement la suite !

Cette série est une merveille et je ne peux que vous la recommander chaudement, à conseiller à partir de l’adolescence car l’atmosphère reste assez sombre. Une pépite parmi les pépites !

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Et vous, avez-vous déjà préféré un livre ou une série lors de sa seconde lecture ?

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« Chasseurs de dents » de Cho Won-hee (Cambourakis, 2018)

Chasseurs de dents

Cela faisait longtemps que je n’avais pas chroniqué d’album jeunesse et le challenge coréen de Cristie m’en a redonné l’occasion. Cette oeuvre de Cho Won-hee est purement percutante et montre – presque sans texte – la brutalité et la barbarie du braconnage et des trafics liés.

Quatrième de couverture : « Cet album choc, couronné au festival de Bologne 2017, dénonce la violence faite aux animaux en prenant un parti pris très radical : ici ce sont les éléphants qui chassent les hommes, pour extirper de leurs bouches les dents dont l’ivoire viendra garnir les étals de commerces de luxe…

Présenté comme le cauchemar d’un enfant, ces grandes gouaches muettes, aux cadrages saisissants, tendent un terrible miroir à notre humanité. »

Je milite pour une littérature jeunesse qui dit les choses avec sincérité et qui prend les enfants au sérieux. Cet album le fait et montre, inversant les rôles, des éléphants armés et humanisés, chasser un enfant pour lui prendre ses dents. L’échange des positions entre chasseurs et proies est extrêmement efficace, les illustrations fortes et puissantes. J’ai moi-même été remuée par certaines planches.

L’histoire est simple mais sa force réside dans le sentiment qu’elle nous laisse et l’invitation qu’elle adresse à chaque lecteur : raconter le cauchemar du garçon, parler. Alors je vais l’amener à mes neveux cet été afin de pouvoir avoir leurs retours et ainsi compléter cette chronique qui manque de regards d’enfants, le public cible. Je peux cependant conseiller d’accompagner l’enfant à la première lecture de cet album qui soulèvera, je n’en doute pas, de nombreuses questions et des moments d’échanges. Quand la littérature sensibilise en même temps qu’elle se fait opportunité de partages qui font grandir les grands et les petits.

Une découverte très marquante dont chaque double page laisse une trace dans les esprits, pour ajourd’hui et demain.

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Challenge coréen


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Et vous, connaissez-vous le catalogue jeunesse des éditions Cambourakis ?

 

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🌩️ « La danse de la méduse » de Stefanie Höfler (Hachette Romans, 2018)

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J’ai lu ce roman adolescent il y a peu de temps et je dois avouer qu’il n’a pas laissé beaucoup de marques dans ma mémoire si ce n’est de l’agacement. Un profond agacement. Voulant déconstruire des stéréotypes et dénoncer des dicriminations, il me semble qu’il n’a pas atteint son objectif.

Quatrième de couverture : « Sera, 14  ans, est la plus jolie fille de sa classe et a quantité d’amies et d’admirateurs. Nik, 14  ans, est  seul, isolé, souvent victime de moqueries et de farces douteuses, parce qu’il est trop gros. Les cours d’éducation physique, le football ou la piscine, sont sa hantise car son rapport à l’espace est difficile. Il est lourd, maladroit et emprunté.  Sera est populaire, Nik n’a que deux amis. Petit à petit, tous deux s’apprivoisent. Sera est déroutée par ce garçon trop gros à l’imagination fertile, troublée aussi par ses jolies fossettes et ses yeux verts. Nik est fasciné par cette jolie fille sensible, et, en dépit de sa corpulence, se sent devenir plus léger… »

Deux stéréotypes principaux se confrontent ici : la jolie fille populaire que l’on voudrait enfermer dans son rôle esthétique et de copine de rêve pour les garçons ; le garçon gros tantôt que l’on invisibilise, tantôt que l’on harcèle (car il ne s’agit pas de farces douteuses comme le dit le résumé mais bien d’un acharnement extrêmement dangereux). Ces deux adolescents vont être amenés à apprendre à se connaître et à s’apprécier, à faire bouger des lignes qu’ils pensaient figées. Sur le papier, ça me plaît, dans le texte, j’émets des réserves.

Car, si Sera a récemment été émue par le sort de Nik au collège, elle va commencer à le voir davantage quand il la sortira des griffes d’un ado qui n’a aucune connaissance quant à la notion de consentement (sujet intéressant que je souligne). S’en suit la découverte d’un garçon à l’imaginaire débordant, original, sensible, poétique et porté sur l’auto-dérision (évidemment). L’air de rien, je commence sérieusement à me poser des questions. Il faut ensuite expliquer pourquoi il est gros. Et là, il faut une raison familiale assez solide, il faut que le poids vienne d’un traumatisme. Je vous accorde le fait que ça puisse être une cause (parmi d’autres très nombreuses), mais ce qui me dérange profondément c’est le fait que l’auteure se sente obligée de justifier le surpoids en faisant, au passage, verser quelques larmes.

Très franchement, je n’arrive pas à être d’accord. A mes yeux, c’est un traitement justement stéréotypé du personnage de Nik. Bien sûr qu’il est attachant et touchant, mais est-ce que la grossophobie devient plus injuste quand elle est dirigée vers une personne adorable comme Nik ? Faut-il un passé familial traumatique pour mieux faire accepter un poids toujours mal admis en société ? Faut-il le justifier, tout simplement ? Faut-il avoir un caractère original pour le faire oublier ? Faut-il, finalement, prouver quoi que ce soit pour légitimer sa place parmi les autres ? Comme si la victime devait en plus rendre des comptes.

Parmi le traitement maladroit de la thématique, certains aspects m’ont davantage convaincue, notamment le fait d’enfermer une adolescente dans la case de sa beauté, le soutien silencieux mais complice d’autres élèves de la classe face aux situations de harcèlement, la peur et le courage de se désolidariser d’un groupe, la responsabilité des institutions éducatives (même si, en l’occurence, c’était un poil caricatural). J’ai enfin apprécié le procédé narratif qui alterne à chaque chapitre les points de vue de Sera et de Nik, rendant les propos plus personnels ; et, malgré tout, les interrogations qui entourent un premier amour quand on manque de confiance en soi.

En conclusion, je ne pense pas que les regards sur les poids puissent évoluer en inscrivant d’autres clichés qui font appel à la pitié ou qui figent l’idée que gros = gentil au cœur d’or. La question n’est pas de savoir si telle personne est sympa ou pas, en fait. La question c’est que le poids, comme nombre d’autres critères physiques (pour ne rester que sur ce sujet), n’a pas à être source de jugements, de violences, de dénigrements, de mépris, de moqueries, de harcèlements oculaire ou scolaire, de mise au rebut de la société. Ce poids qui devient une prison par les injonctions d’une société du paraître (qui n’est pas être) dont nous nous faisons parfois les complices.

Vous l’aurez compris, je ne me sens pas de vous recommander cette lecture, mais n’hésitez pas à aller lire d’autres chroniques sur ce livre car il semblerait que je sois la plus remontée à son sujet.

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Et vous, quel roman adoré par beaucoup de lecteurs•trices a fait exploser votre tension artérielle ?

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« Carolina » de Sirlene Barbosa et João Pinheiro (Presque Lune, 2018)

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Ce roman graphique m’avait été chaudement recommandé par mes libraires et je dois dire qu’elles avaient raison. Sirlene Barbosa et João Pinheiro rendent ici hommage à une femme, Carolina Maria de Jesus, dont la vie a été marquée par la pauvreté, le quotidien dans une favela et le racisme. Une vie également marquée par la puissance de la littérature.

Quatrième de couverture : « Avant de devenir un véritable phénomène littéraire dans le Brésil des années 1960, Carolina Maria de Jesus (1914-1977) a connu la misère et l’exclusion, élevant seule ses trois enfants dans la favela de Canindé, l’une des premières de l’État de São Paulo. Mais, en femme de caractère, avec courage et détermination, elle a surmonté les obstacles et les préjugés liés à ses origines sociales et à la couleur de sa peau.

Avec ses romans, ses poèmes et ses chroniques, Carolina a fait plus que dénoncer les injustices. Elle a su donner ses lettres de noblesse à une écriture de chiffonnier, produite par ceux qui, relégués aux marges de la société, n’acceptent plus de se taire. »

Carolina s’épuise au quotidien pour survivre et apporter de quoi manger à ses enfants. Pour cela, elle ramasse dans les rues de São Paulo les déchets qui peuvent être recyclés. Et quand elle trouve un livre ou des journaux abandonnés dans ces détritus, elle ne peut s’empêcher de les lire. Carolina est avide de lecture. Et quand elle trouve des papiers en bon état sur les trottoirs des rues, elle les récupère. Carolina a un besoin viscéral d’écrire.

Tous les jours durant des années, elle a écrit son quotidien, sa vie dans la favela de Canindé avec ses réalités, ses tensions, ses rivalités et les discriminations qui l’habitent aussi. Ce sont ces textes qui seront un jour découverts et qui seront publiés. Le succès sera au rendez-vous, l’écriture changera sa vie. Mais ce n’est pas pour autant une belle histoire dans laquelle tout fini bien.

J’ai énormément apprécié découvrir ce parcours de femme et je vous invite, si vous en avez l’occasion, à découvrir ce roman graphique qui nous parle de la société brésilienne au coeur du 20ème siècle. Une société qui a toujours ses terribles favelas (Canindé a cependant été déconstruit) et ses tensions racistes.

J’espère pouvoir lire d’ici peu Le dépotoir : le jounal intime de Carolina Maria de Jesus, publié en 1962 aux éditions Stock afin de découvrir cette voix courageuse qui a marqué son temps au-delà des frontières avant de retomber dans l’oubli.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas de chronique trouvée pour le moment.


 

Et vous, quelle biographie graphique conseillez-vous ?

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« Deuils » d’Eduardo Halfon (Quai Voltaire, 2018 ; Le Livre de Poche, 2020)

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J’ai entendu parler de cet auteur il y a maintenant plusieurs mois et j’avais hâte de le lire. J’ai rencontré une plume qui m’a très vite touchée, un sens de l’enfance et du questionnement des origines marquant.

Quatrième de couverture : « Il s’appelait Salomón. Il est mort à l’âge de cinq ans, noyé dans le lac d’Amatitlán. C’est ce qu’on me racontait, enfant, au Guatemala.

Le narrateur éponyme d’Eduardo Halfon voyage au Guatemala à la recherche de secrets qui le hantent. Il tente de démêler le vrai du faux parmi les histoires contradictoires et interdites de la famille de son père. Et plus particulièrement l’histoire de son oncle Salomón qui s’était noyé, enfant, dans le lac Amatitlán. De quoi Salomón est-il vraiment mort ? Plus il avance, plus le narrateur comprend que la vérité réside dans son propre passé enfoui, dans la brutalité du Guatemala des années 1970 et son exil en Floride.

Un roman profond et émouvant, qui appuie la réputation de son auteur, un de ces écrivains qui savent dire beaucoup en peu de mots. »

Une histoire muette habite la famille de l’auteur : le décès d’un enfant de cinq ans. Cet enfant, s’il ne s’était pas noyé serait devenu son oncle. D’une photographie trouvée alors qu’Eduardo était enfant à la recherche de réponses de l’âge adulte, l’auteur appelle les souvenirs, les impressions, les convictions et les zones d’ombres de la mémoire.

Ce roman est la recherche de la vérité en même temps qu’une quête familiale. Il s’agit de donner une histoire plus concrète à ce disparu qui fut un sujet tabou pour la famille, une douleur quotidienne, un silence qui pouvait en dire beaucoup.

Entre les moments remontés du passé et le présent de la recherche, Eduardo va trouver des réponses à ses questions mais également celles qu’il ne se posait pas. D’un enfant, la mémoire disparus tragiquement est convoquée.

L’auteur nous parle d’un sujet qui touche de nombreuses familles : les tabous et les histoires couvertes d’un voile, confuses pour les générations qui suivent et pour qui il manque les pièces de l’arbre généalogique. Il nous parle aussi de ce que l’on croit comprendre lors de l’enfance, des confusions, des constructions de vérités, du glanage d’informations pour recréer la vie de l’absent.

Entre douceur et une franchise à l’humour parfois mordant, Eduardo Halfon nous invite dans un roman intimiste, passionnant. Inutile de vous préciser que je vais me jeter sur ses autres romans. Ma priorité, celui qui m’a fait connaître son nom : Le boxeur polonais.

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Et vous, quelle enquête familiale avez-vous aimée ?

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❤ « Diên Biên Phù » de Marc Alexandre Oho Bambe (Sabine Wespieser, 2018)

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Ce roman dormait dans ma bibliothèque depuis plusieurs mois et, un matin, j’ai tendu la main, l’ai pris et ne l’ai plus reposé. Un matin, j’ai découvert Marc Alexandre Oho Bambe et j’ai eu un coup de cœur.

Quatrième de couverture : « Vingt ans après Diên Biên Phù, Alexandre, un ancien soldat français, revient au Viêtnam sur les traces de la fille au visage lune qu’il a follement aimée. L’horreur et l’absurdité de la guerre étaient vite apparues à l’engagé mal marié et désorienté qui avait cédé à la propagande du ministère. Au cœur de l’enfer, il rencontra les deux êtres qui le révélèrent à lui-même et modelèrent l’homme épris de justice et le journaliste militant pour les indépendances qu’il allait devenir : Maï Lan, qu’il n’oubliera jamais, et Alassane Diop, son camarade de régiment sénégalais, qui lui sauva la vie.

Avec ce roman vibrant, intense, rythmé par les poèmes qu’Alexandre a pendant vingt ans écrits à l’absente, Marc Alexandre Oho Bambe nous embarque dans une histoire d’amour et d’amitié éperdus, qui est aussi celle d’une quête de vérité. »

Le narrateur est un homme qui a passé sa vie à essayer de changer, d’étouffer ses sentiments laissés au Viêtnam vingt ans plus tôt, lors de la guerre d’Indochine. Il a fait sa vie, a tenté d’aimer sa femme sans y arriver et s’en veut pour ça. Il a eu des enfants et les a aimés de tout son coeur, mais aujourd’hui il doit les abandonner car il a besoin de retourner dans ce pays dans lequel il a vécu le pire et le meilleur. La guerre dévastatrice, l’amour et l’amitié. Là-bas, il y a vingt ans, il est mort. Là-bas, il y a vingt ans, il a doublement été sauvé.

Entre passé et présent, Marc Alexandre Oho Bambe nous parle de Diên Biên Phù, ce combat qui fut aussi une boucherie, symbole de l’orgueil des dirigeants français face à un peuple qui se battait pour sa liberté. Il nous parle de la guerre, mais aussi de l’amitié qui peut naître entre les hommes confrontés à la peur et à la mort. Alexandre est sauvé par Alassane, alors les questions du colonialisme, du combat juste ou injuste, de l’honneur et du racisme sont magnifiquement évoquées.

C’est une parole tout en douceur que distille l’auteur pour nous parler de la douleur mais aussi de l’amour enflammé que le narrateur va découvrir avec Maï Lan. Cette femme, aujourd’hui, Alexandre a besoin de la retrouver. Alors il part vers son avenir et, en même temps, sur les chemins de ses souvenirs.

Entre deux proses, Marc Alexandre Oho Bambe propose de la poésie. Car l’auteur est aussi poète et j’ai hâte de pouvoir découvrir l’un de ses recueils (ainsi que d’autres romans). J’ai été immédiatement envoûtée par sa délicatesse, son positionnement humain, sa douceur réconciliatrice.

C’est tout simplement un roman qui fait du bien en même temps qu’il réveille et se positionne dans des réalités de l’histoire pas si lointaine. Une fleur magnifique née sur le chaos.

A noter que Marc Alexandre Oho Bambe fera partie de la rentrée littéraire d’automne des éditions Calmann-Lévy. J’espère avoir la chance de le découvrir prochainement.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Mes belles lecturesTwin Books


 

Et vous, quel roman mélangeant prose et poésie conseillez-vous ?

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❤ 👁 « Je ne peux le croire : Fukushima, Nagasaki, Hiroshima, haïkus & tankas » anthologie établie par Dominique Chipot (Bruno Doucey, 2018)

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Le 6 août 1945, la première attaque nucléaire de l’histoire eut lieu à Hiroshima. La cible : les civils. Hommes, femmes, enfants. Trois jours plus tard, le 9 août, la population de Nagasaki connu le même sort. Un Japon incendié et dévasté par les armes les plus destructrices de l’histoire pour accélérer une capitulation qui se précisait pourtant. Impossible de justifier l’injustifiable. Mais regarder, 75 ans après, ne pas oublier la folie des hommes, la douleur indicible des victimes et la violence du nucléaire qui s’est à nouveau déversée sur le Japon en 2011, à Nagasaki. Cette anthologie est l’une des plus difficiles que j’aie eue à lire, mais il le fallait. Car aujourd’hui, les armes et centrales nucléaires sont présentes sur tous les continents et restent une menace permanente. Une menace dont les puissants ne veulent se défaire malgré les écrans de fumée de bonnes intentions.

Quatrième de couverture : « En mars 2011, un séisme frappe le Japon, entraînant l’accident nucléaire de Fukushima. Pour le monde entier, l’histoire paraît alors se répéter. Chacun songe aux deux bombes atomiques qui ont été larguées sur Hiroshima et Nagasaki en août 1945, catastrophe sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Nous savons quelle déflagration cela a provoqué dans la littérature occidentale. Mais que sait-on des poètes japonais qui écrivirent ces tragédies en lettres de cendre ? Près de 120 poètes répondent à cette interrogation, parmi lesquels Matsuo Atsuyuki, un des rescapés de Nagasaki, dont les haïkus ont bouleversé le Japon, ou Oyama Takami, figure majeure du tanka, qui s’éleva toute sa vie contre l’armement nucléaire. Poètes d’un jour ou écrivains confirmés, victimes ou simples témoins des désastres qui ont endeuillé leur pays, ces poètes japonais se frayent chemin parmi les décombres. Avec l’espoir que le genre humain ne s’anéantisse pas par lui-même. »

Je ne suis pas une habituée des haïkus mais la forme de cette poésie impressionniste m’a emmenée avec elle. Dire en peu de mots, confier un sentiment, l’essence d’un moment qui a traumatisé une vie, des vies. Ce sont ces peu de mots pour dire beaucoup qui m’ont impressionnée et énormément émue. Ces haïkus expriment le besoin de dire, l’importance des mots pour tenter d’exorciser ces minutes, ces heures, ces jours impossibles à oublier. Pour rendre un peu de réalité et de vie aux proches perdus aussi. Pour témoigner aussi au monde.

Le recueil s’ouvre sur le poème La guerre de Matsuï Yoshiko, un grand coup qui se poursuit tout au long de la lecture. Un dernier cri de désespoir qui donne son nom à l’anthologie, face aux guerres sans cesse recommencées à peine les précédentes théoriquement terminées. Les mots dépassent les lieux et les dates car la douleur de la perte n’a pas de frontières, car l’empathie est en chacun de nous, qu’elle ne soit encore qu’un bourgeon ou une fleur épanouie. Mais les mots doivent malgré tout rappeler des lieux et des dates car l’histoire, ici portée par la littérature, doit nous sensibiliser pour aujourd’hui et pour demain, nous faire garder les yeux et le coeur ouverts.

La première partie est consacrée au séisme de Fukushima, un nom désormais tristement célèbre à ajouter à la liste des noms tristement célèbres. Vient ensuite un semble de Matsuo Atsuyuki, Poèmes d’un rescapé, qui dit la douleur des absents, le deuil impossible et la colère qui suivent le passage des années sans s’atténuer. Il dit aussi les répercussions des radiations sur les corps des décennies après les bombes, l’isolement de ceux que l’on appelle les atomisés. Pour moi, c’est un texte immense à mettre dans les manuels scolaires. La troisième partie revient enfin sur les bombes de 1945, Hiroshima, Nagasaki.

Cette anthologie nous exhorte au souvenir et à la parole. C’est à chacun d’entre nous qu’il revient de mettre les différents gouvernements face à leurs reponsabilités, ensemble. De faire en sorte que la liste des noms tristement célèbres ne s’allonge pas.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas de chronique trouvée pour le moment.


 

Et vous, quel livre en lien avec le nucléaire conseilleriez-vous pour sensibiliser sur cette question ?

❤ « Simple » de Julie Estève (Stock, 2018)

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Je m’étais promis de lire ce roman en découvrant sa sortie et, vu que je suis longue à la détente avec les promesses que je me fais à moi-même, il m’a fallu un bon paquet de mois pour m’y atteler. Et vraiment, je l’ai pris comme une claque. Lu d’une traite, impossible à arrêter comme les drames impossibles à enrayer.


Quatrième de couverture : « On ne l’appelle jamais Antoine Orsini dans ce village perché au cœur des montagnes corses mais le baoul, l’idiot du coin. À la marge, bizarre, farceur, sorcier, bouc émissaire, Antoine parle à sa chaise, lui raconte son histoire, celles des autres, et son lien ambigu avec Florence Biancarelli, une gamine de seize ans retrouvée morte au milieu des pins et des années 80.

Qui est coupable ?

On plonge à pic dans la poésie, le monde et la langue singulière d’un homme simple, jusqu’à la cruelle vérité. »


Ouverture sur l’enterrement d’Antoine. Cet Antoine que nous allons suivre dans tout le roman, absorbé de pensées, de douleurs et de violences, résultat d’une vie à avoir été malmené, incompris, mis de côté, humilié, violenté. Une histoire qui porte en elle de nombreux malheurs, parmi eux, le décès violent de Florence, alors jeune fille solaire du village, qui subjuguait certains cœurs par sa beauté et réveillait la folie d’autres.

Antoine va remonter le fil de son existence, raconter sa vie à une chaise cassée qu’il veut ramener chez lui. Car les objets et les êtres abîmés ont encore droit de vivre ou d’être, ils ne sont pas justes bons à être jetés. Et il en sait quelque chose. De ses jeunes années à la mort de Florence, c’est aussi le mystère autour du décès qui se dessine, cumulant les suspects jusqu’au terrible dénouement.

Si au début j’ai eu un peu peur du style de l’écriture, je suis vite tombée sous son charme. La magie opère et le lecteur a le sentiment d’être face à un récit authentique avec ce qu’il a parfois d’incohérent quand l’émotion est trop grande. Et des émotions, Antoine en a à revendre ! Au final, du baoul du village ou des autres personnes qui s’estiment normales, le plus clairvoyant sera peut-être celui que la foule montre du doigt en faisant la grimace.

Julie Estève nous livre ici un roman poignant. Si vous ne l’avez pas encore lu, je ne peux que vous le recommander. Pour ma part, je crois qu’il m’a secouée pour un bon moment.

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Et vous, quel coup vous a porté ce livre ?

« Bye-Bye, vitamines » de Rachel Khong (Les Escales, 2018)

C’est à nouveau lors de déambulations entre les rayonnages fabuleux d’Emmaüs que je suis tombée sur ce livre qui me faisait de l’œil depuis plusieurs mois. Un roman qui annonçait l’approche de la maladie d’Alzheimer et le soutien familial loin d’un ton froid comme une blouse blanche et qui a su répondre à cette attente. Pour celles et ceux qui voudraient le découvrir et qui ne sont pas des incorrigibles du grand format comme moi, il est sorti en poche en juin de cette année (c’est ici que ça se passe).


Quatrième de couverture : « Après avoir fait preuve d’un comportement pour le moins étrange, Howard Young, éminent professeur d’histoire, vient d’être diagnostiqué comme souffrant de la maladie d’Alzheimer.

Quand sa femme demande l’aide de leur fille Ruth, celle-ci s’installe dans la maison parentale pour une année. À trente ans, en proie à ses propres doutes et confrontée à une vie qui ne ressemble pas à ce qu’elle avait imaginé, Ruth se retrouve plongée dans le joyeux chaos qui règne au sein de la famille : entre les rares moments de lucidité de son père et le comportement erratique de sa mère, la situation s’annonce plus compliquée que prévu.

Un premier roman aussi frais qu’original, parsemé d’anecdotes loufoques, d’humour et d’humanité »


Je ne m’attendais pas à aimer autant ce roman. Preuve qu’il faut savoir sortir de ses habitudes de lecture pour ressentir des émotions différentes même si elles sont toutes filles du cerveau et du coeur. Bref, ce fut une belle découverte et j’ai apprécié accompagner Ruth dans son quotidien à reconstruire après un échec amoureux et la recherche du sens de sa vie, mais aussi et surtout durant l’accompagnement de son père atteint de la maladie d’Alzheimer. Cette maladie qui fait que la personne est là sans être vraiment là, qu’elle est elle sans l’être vraiment non plus. Parfois, puis jamais. Un chemin qui s’emprunte sans en avoir le choix, parfumé d’infusions et de recettes à base de vitamines et de choux sensés reculer l’échéance.

Ruth a eu affaire à un sacré con et ça s’est terminé douloureusement. Après des années a avoir été un fantôme pour sa famille avec toujours une priorité à gérer ailleurs, l’annonce de la maladie de son père la fait revenir au foyer pour une année. Mais ça ne peut pas être si simple. Son père sait qu’elle est revenue pour lui et ne supporte pas de la savoir obligée d’être là, ce n’est juste pour personne. Sautes d’humeurs et colères, puis résignation temporaire du paternel qui vient de perdre son poste à l’université dans laquelle il enseignait. Ce poste qui le faisait tenir debout n’est plus là. Rien ne semble s’arranger et pourtant, chaque situation problématique devra trouver une résolution, qu’elle soit légale ou pas.

J’ai été profondément émue par les habitudes d’Howard, alors que Ruth était petite, de noter quotidiennement les anecdotes en lien avec sa fille. C’est une preuve d’amour incroyablement belle. Ce sont souvent ces anecdotes au regard de la situation présente qui m’ont fait sortir les mouchoirs. Les mots qu’un enfant cherchait et façonnait hier face à ceux d’un parent qui les perd et les tord aujourd’hui.

Il est ici question de doutes, de faux-pas, d’espoirs déçus, de liens à reconstruire, de préparation au deuil, de lutte contre les symptômes d’une maladie qui éradique la personnalité, de résistance mais aussi de lendemains porteurs de promesses, même si ce ne sont pas celles espérées quelques années plus tôt. De personnages attachants en situations touchantes, Rachel Khong nous offre une tranche de vie familiale humaine, entre rires et larmes, qui aborde des sujets graves et universels. Un premier roman qui ne saurait rester enfant unique.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Les Petits Livres de LizouzouPsych3deslivresL’annexeMya’s books


 

Et vous, avez-vous envie de faire le plein de vitamines littéraires ?

« La librairie de tous les possibles » de Shinsuke Yoshitake (Milan, 2018)

Un livre sur les livres, quoi de mieux pour tenter des bibliovores ? Après avoir lu de nombreuses chroniques positives je me suis à mon tour laissée tenter, sans vraiment me laisser porter par cet univers, malheureusement.


Quatrième de couverture : « Tout un tas de clients fréquentent la Librairie de tous les possibles, où l’on trouve tout autant les livres dont on rêve que des accessoires de lecture rêvés, ou encore des livres sur des métiers incroyables liés au livre.

Un livre pour tous les amoureux du livre, qu’ils soient jeunes ou plus vieux : Yoshitake propose de petites histoires pour répondre à chaque demande de client. Des histoires tour à tour drôles, poétiques ou plus sensibles. »


Ce livre reste très mignon et très doux, c’est agréable. Nous entrons dans la librairie de l’onirisme et de la fantaisie, avec l’amour au coeur du propos. L’autre point fort de ce livre ce sont ses illustrations : elles sont aussi belles qu’adorables, je pourrais passer des heures à les regarder dans leur moindre détail.

Mais malgré ça, j’ai eu du mal à adhérer à tout et à me laisser porter car finalement les capsules se concentrent beaucoup autour de l’objet livre ou du lecteur dans son acte de lecture. Je pense qu’il m’a manqué plus de contenus. Et j’ai parfois eu le sentiment qu’il y avait un mélange librairie-bibliothèque en même temps qu’une vision tronquée du métier. En conclusion, je ne suis pas le bon public, tout simplement. C’est joli mais j’en suis sortie sans émotion notable (que voulez-vous, j’ai un premier degré rigide).

Par contre (parce que je suis mignonne) je pense que ce petit livre, loin d’être prétentieux, pourrait donner envie de lire à des jeunes et moins jeunes qui pensent que la lecture n’est pas pour eux. Ce livre est donc plus à mes yeux un créateur d’opportunités de plaisirs littéraires pour les éloignés des livres. Et une confirmation de ce plaisir pour d’autres.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : GriboulireLe Nez dans les BouquinsLa BobbythèqueLivres de Folavril…Et tout droit jusqu’au matinLes marque-pages d’une croqueuse de livresMélopée : le bruit des livresL’heure de lireEntre les pagesSur ma table de nuit


 

Et vous, avez-vous lu et apprécié ces voyages livresques ?

« Happiness – Tome 1 » d’Oshimi Shûzô (Pika, 2018)

Après avoir découvert Les liens du sang de ce mangaka, il m’a été recommandé de découvrir d’autres de ses publications, toutes qualitatives. J’ai donc craqué sur Happiness dont les couvertures me font de l’œil depuis un petit moment…


Quatrième de couverture : « Un soir, alors qu’il était sorti pour rendre des DVD au magasin de location, Makoto est agressé par une étrange jeune fille qui lui donne le choix entre mourir ou devenir comme elle. À son réveil, Makoto est pris de vertiges et d’une irrésistible soif… une soif très étrange…

Le voilà désormais aux prises avec un instinct primaire qu’il ignorait jusqu’alors et contre lequel il tente de lutter. Combien de temps tiendra-t-il ? »


Nous sommes clairement en présence d’un premier tome qui plante le décor fantastique du récit. L’auteur prend le temps de nous présenter Makoto, sa famille et la situation qu’il subit au lycée. Agressé par une vampire, il va choisir de ne pas mourir. Mais la vie d’un non-mort assoiffé en est-elle vraiment une ?

Il va dès lors essayer de comprendre cette soif permanente et j’ai parfois été surprise de la façon dont c’est représenté. Rien à voir avec le romantisme ou le lyrisme des vampires traditionnels, ici nous sommes dans le concret (si on peut dire). Cette revisite m’a plue même si je vais avoir besoin de creuser encore la série pour me faire un avis plus précis.

Un premier volet qui passe très vite et propose encore peu de pistes concernant la suite de l’histoire, si ce n’est que les problèmes avec les camarades de Makoto ne font peut-être que commencer et qu’une nouvelle amitié un peu particulière devrait se développer. L’axe principal sera également de savoir comment Makoto va apprendre à gérer le nouveau lui qu’il est devenu cette nuit-là…

Une affaire à suivre, donc, mais je suis contente de commencer cette série très agréable visuellement et qui m’emmène, une fois de plus, vers des contrées que j’ai peu parcourues jusqu’à présent.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Chez Xander


 

Et vous, quelle est votre série préférée de ce mangaka ?

👁 « The promised neverland – Tome 1 » de Kaiu Shirai et Posuka Demizu (Kazé, 2018)

Nous teminons ce mois thématique sur les mangas avec une série qu’il est impossible de rater sur la blogosphère tellement elle emporte une adhésion forte : The promised neverland. Et une adhésion à raison. Pas de coup de coeur pour ma part, mais un vif intérêt concernant l’évolution de l’histoire qui ne manque pas de rebondissements.


Quatrième de couverture : « Emma, Norman et Ray coulent des jours heureux à l’orphelinat Grace Field House. Entourés de leurs petits frères et sœurs, ils s’épanouissent sous l’attention pleine de tendresse de Maman, qu’ils considèrent comme leur véritable mère. Mais tout bascule le soir où ils découvrent l’abominable réalité qui se cache derrière la façade de leur vie paisible ! Ils doivent s’échapper, c’est une question de vie ou de mort ! »


La vie a l’air bien douce dans cet internat où les grands s’occupent des petits, où les enfants seuls peuvent compter sur l’amour et l’encadrement rassurant de celle qu’ils appellent Maman. Régulièrement, des enfants sont emmenés à l’extérieur de l’enceinte de l’internat, ils partent pour une nouvelle vie. Lorsqu’arrive le tour de la petite Conny et qu’Emma réalise que celle-ci est partie sans sa peluche, elle va enfreindre les règles pour la lui apporter avant qu’il ne soit trop tard.

Le trop tard prend alors une toute autre dimension lorsqu’Emma, accompagnée de Norman, découvre une partie du monde extérieur à l’internat et la morbide collaboration de Maman avec des créatures sorties tout droit de l’enfer.

Le monde s’écroule et trois enfants – les plus brillants aux tests quotidiens imposés par le système créé par Maman – Emma, Norman et Ray, vont tout faire pour découvrir la vérité sur leur sort et celui des autres enfants, ainsi que pour fuir ce lieu faussement sécurisant. Ce n’est alors que le début des découvertes et d’un bras de fer qui s’annonce. Débrouillardise, intelligence et stratégie : voilà les armes des adolescents pour contrer leur sombre destin.

Ce manga se dévore, sans jeu de mots aucun, nous souhaitons tout de suite connaître les péripéties suivantes des personnages principaux et qu’ils coincent brillamment Maman, qui, chaque page, devient plus inquiétante. Le switch est vraiment très bien mené entre l’innocence du début et la réalité découverte, les personnages sont différents et intéressants, l’étau semble difficile à ouvrir ce qui nous accroche indéniablement. Une très agréable découverte qui ne demande qu’à se poursuivre, et ça tombe bien car j’ai un peu de retard sur le rythme de parution de la série.

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Et vous, avez-vous lu ce phénomène littéraire ?

👁 « Noise – Tome 1 » de Tetsuya Tsutsui (Ki-oon, 2018)

Je tenais à découvrir ce manga car la quatrième de couverture m’a tout de suite accrochée mais aussi pour son ancrage réaliste. Si j’ai réussi à m’ouvrir à des univers auxquels je ne suis pas habituée grâce aux mangas, j’aime quand même retrouver du terre à terre, je l’avoue. Bon, c’est quand même un thriller, donc ce n’est pas non plus un récit de quotidien, je vous l’accorde.


Quatrième de couverture : « Dans un village que la dépopulation condamne à disparaître, une lueur d’espoir naît : Keita, un agriculteur du coin, a créé une nouvelle espèce de figues qui fait sensation dans tout le Japon grâce aux recommandations d’une star du web ! Avec la couverture médiatique, l’économie locale repart. Keita espère que ce renouveau permettra de rouvrir l’école, ce qui pourrait convaincre sa femme partie à la grande ville de revenir avec leur fille.

Mais la paisible bourgade voit son quotidien bouleversé par l’arrivée d’un inconnu à la mine patibulaire, Mutsuo Suzuki. Il dit vouloir travailler comme journalier, seulement son attitude bravache et ses mensonges évidents inspirent la méfiance. Les doutes de Keita se confirment quand son meilleur ami lui apprend qu’il a reconnu l’étranger : condamné il y a plusieurs années pour une affaire de harcèlement et de meurtre, c’est un criminel fraîchement sorti de prison ! Que faire s’il s’installait dans la région ?

Après Prophecy et Poison City, Tetsuya Tsutsui est de retour pour un nouveau thriller palpitant, avec la campagne japonaise pour toile de fond ! Un récit intense mené de main de maître, où la frontière entre le bien et le mal n’est jamais clairement définie… »


J’ai beaucoup accroché à ce premier tome qui installe une atmosphère pesante et tendue digne d’un thriller très efficace. Nous faisons petit à petit la connaissance des forces en présence : Keita et son commerce de figues qui a permi à son village de reprendre vie grâce à la ressource économique qu’il génère ; Jun, son meilleur ami qui travaille avec lui sur l’exploitation ; Shinichiro, tout jeune policier qui prend son premier poste dans le village et qui manque terriblement de confiance en lui ; Mutsuo, un homme particulièrement sombre qui aurait peut-être mérité un peu plus de nuance et Tsutomu, inspecteur hanté par un passé qui ne passe pas.

Vraiment, le début de cette série est construit avec rythme et efficacité. Nous découvrons les personnages, leurs failles, leurs regrets et leur noirceur respective en alternant différentes trames parallèles. J’ai tout de suite été séduite même si je n’aurais pas fait les mêmes choix que les personnages principaux : le fait est que parfois nous prenons de mauvaises décisions pour de bonnes raisons. C’est tout le questionnement que pose ce manga. Où se situe la frontière entre le bien et le mal et jusqu’où aller pour sauver ce qui compte le plus pour nous ? Et, au bout d’un moment, comment passer à travers les mailles du filet quand personne (ou presque) n’est innocent et quand l’irréversible a été commis ? Pour répondre à cette question, rendez-vous au tome suivant !

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Et vous, seriez-vous prêts à tout pour protéger ce qui vous est cher ?