La page au hasard du jeudi #05

Nouveau jeudi, nouvelle page au hasard ! Hop, je tends la main vers ma bibliothèque… Et voilà le livre et la page sur lesquels je tombe :

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« Il parle de son enfant à l’imparfait maintenant, le pli est pris. Au commencement, c’était le plus difficile, il s’embrouillait dans les concordances, incapable de renoncer à le conjuguer au présent. C’est quoi alors votre idée ? relance la porteuse. Parce que, moi, j’ai déjà pris les infos auprès du ministère du Développement social, poursuit-elle sans le laisser répliquer. Je veux le placer à l’adoption. Il y a des tas de gens sur liste d’attente, ce n’est pas moi qui m’occuperai des détails, j’aurai largement fait ma part du job. J’ai déjà assez avec Ava, ce n’était pas le deal de départ d’en avoir une autre sur les bras. Je vais reprendre mes études, je n’étais pas la pire, flinguée en plein vol. »

Le berceau de Fanny Chesnel
(Flammation, 2019, p. 136-137)

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La page au hasard du jeudi #04

Nouveau jeudi, nouvelle page au hasard ! Hop, je tends la main vers ma bibliothèque… Et voilà le livre et la page sur lesquels je tombe :

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« Le vent est sur nous. Je le reconnais. Le vent des ouragans qui ne se repose jamais, qui souffle de façon constante avec la même rage. Les arbres s’agitent dans la tourmente. Les branches plient, et comme le vent continue, elles finissent par craquer. Elles volent plusieurs mètres au loin et courent le long des avenues. Oh comme la nature est belle de colère. J’ai ménagé un tout petit trou dans le carton de la fenêtre du premier car je veux voir ça. Devant chez moi, un réverbère s’effondre sur une voiture. Tout tremble, tinte et se plie. On dirait que l’herbe elle-même va être arrachée et qu’il ne restera rien. Les insectes des bayous ont dû être emportés des dizaines de kilomètres plus loin. Et les grenouilles aussi. »

Ouragan de Laurent Gaudé
(Actes Sud – Babel, 2012, p. 57)

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La page au hasard du jeudi #03

Nouveau jeudi, nouvelle page au hasard (au tirage un peu truqué cette fois-ci) ! Hop, je tends la main vers ma bibliothèque… Et voilà la page sur laquelle je tombe, en ce 12 juillet, jour d’hommage national en la mémoire de Claude Lanzmann aux Invalides.

A12051« Il y a, dans Shoah, deux plans rapides mais centraux pour moi, on ne perçoit ce que la caméra montre pourtant clairement qu’après un temps infinitésimal de latence : un lièvre au pelage couleur de terre est arrêté par un rang de barbelés du camp d’extermination de Birkenau ; une voix off parle sur cette première image, celle de Rudolf Vrba, un des héros du film, héros sans pareil puisqu’il réussit à s’évader de ce lieu maudit, gorgé de cendres. Mais le lièvre est intelligent et, tandis que Vrba parle, on le voit affaisser sont échine, ployer ses hautes pattes et se glisser sous les barbelés. Lui ausi, s’évade. À Auschwitz-Birkenau, on ne tue plus, même les animaux, toute chasse est interdite. Nul ne tient le compte des lièvres. La seule chose sûre est qu’ils sont très nombreux et il me plaît de penser que beaucoup des miens ont choisi, comme je le ferais, de se réincarner en eux. »

Le Lièvre de Patagonie de Claude Lanzmann (Gallimard, 2009, p. 256)

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Je n’ai pas cessé de repousser la lecture de ce livre autobiographique et, comme trop souvent, c’est la mort qui le rappelle à ma mémoire. L’été sera le bienvenu pour me permettre de le lire du début à la fin. Enfin.

 

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La page au hasard du jeudi #02

Nouveau jeudi, nouvelle page au hasard ! Cette fois-ci je n’ai pas choisi un livre d’actualité ni en lien avec ma thématique de lecture, j’ai pris un livre presque au hasard dans ma bibliothèque, pour pousser le destin dans ses derniers retranchements.

A72995« Deux Joseph ont compté dans la vie de Tommy, qui tous deux étaient aussi des amis proches de sa mère. Deux guerriers exceptionnels. Joseph Clisci était un Juif roumain communiste né en 1915, militant clandestin depuis l’âge de quatorze ans, ancien des Brigades internationales. Deveni chef militaire du 1er détachement en décembre 1942, il fut tué, de la manière que je raconte, lors d’une opération contre un autobus transportant des soldats allemands à l’hôpital Beaujon, à Clichy, le 2 juillet 1943. À Paris, ce jeune mathématicien marié et père de famille, sans autre ressource que son maigre salaire de combattant, rendait des petits services à Hélène, comme lui faire sa vaisselle, en échange de repas. Sa femme, Henriette juive elle aussi, fut arrêtée quelques temps plus tard, déportée et assassinée. Hélène recueillit leur fils, Serge, âgé de trois ans, et le garda plusieurs mois. Puis les sœurs d’Henriette demandèrent à prendre l’enfant, et Hélène s’en sépara à contrecœur. Les sœurs et le petit Serge furent déportés peu après et ne revinrent jamais. »

Le tombeau de Tommy d’Alain Blottière (Gallimard, collection blanche, 2009, p.80)

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Je suis tombée sur ce livre dans les rayonnages d’Emmaüs (encore et toujours) et la quatrième de couverture m’a beaucoup intéressée : Seconde Guerre mondiale, résistance, groupe Manouchian et, aujourd’hui, le lien entre cette histoire et son adaptation cinématographique, son impact et son sens auprès de l’acteur interprétant Tommy et l’histoire du défunt sur lui. Un point de vue qui s’annonce très particulier.

Cet extrait confirme mon intérêt et me ramène à une thématique importante pour moi : le souvenir de la déportation et, plus précisément, de la déportation des enfants.

 

Et vous, vous donne-t-il envie d’aller plus loin ?

La page au hasard du jeudi #01

Lorsque je flâne dans ma librairie et que je feuillète des livres dont je n’ai pas entendu parler, je parcours bien entendu la quatrième de couverture puis, si je ne suis pas convaincue, je lis un extrait de page au hasard. À ce stade, dans l’incertitude totale, seul le hasard  de cette page décide.

J’ai donc envie de vous faire un article récurrent partant de ce principe, sur mes derniers achats, ce qui m’a fait envie lors de leur acquisition et un avis sur le texte extrait au regard de ces motivations.

powerwp« 8 septembre 1968

CHARLENE

Le respect. Otis l’a exigé, Aretha l’a crié – « R-E-S-P-E-C-T! » – mais ça n’a pas suffi, alors James a enfoncé le clou :

« I’m black and I’m proud! »

Ouais, encore lui. Depuis le début, il nous accompagne, au gré de nos révoltes. Et maintenant son single est repris dans tous les ghettos.

« I’m black and I’m proud! »

Avant, ses chansons, c’était pour amuser les Blancs, mais il s’est émancipé. Des années qu’il pleure, frémit, vibre à notre rythme.

« Say it loud! I’m black and I’m proud! »

Et ce rythme a créé une autre soul, électrique, viscérale. Celle qu’entre nous on appelle « funk ». Ici, à Detroit, New York, Chicago, partout. Depuis, tout a changé. On chante plus, on se libère. On danse plus, on se transcende. Et quand on sort, Philly est à nous. Fusil sur l’épaule, je m’adresse au groupe :

– Tout le monde est prêt ? Ouais ? Alors on y va ! »

Power de Michaël Mention (Stéphane Marsan, 2018, p.185)

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Cet achat fait partie de ma sélection pour l’anniversaire de l’assassinat de Martin Luther King Jr, il arrive également après ma lecture de Mets le feu et tires-toi, biographie de James Brown. Le hasard a voulu que je tombe sur une page qui parle de cet artiste, je crois que le hasard sait comment me parler. Le passage annonce une lutte et c’est bien de cela dont il est question depuis des décennies et des décennies. C’est bien cela dont il est question dans mes lectures actuelles.

Cet extrait ne me donne que plus envie de découvrir ce roman décrit en quatrième de couverture comme « puissant et viscéral, plus que jamais d’actualité ».

 

Et vous, vous donne-t-il envie de le découvrir ?