Nous nous retrouvons aujourd’hui, et comme toutes les semaines, pour un focus sur quelques prix littéraires décernés ces derniers jours. Et ce ne sont pas n’importe quels prix dont il est question aujourd’hui car le Goncourt et le Renaudot viennent d’être annoncés ! *Oui, je dois quand même avouer que je suis déçue pour David Diop… Très beaucoup.*
- Le lambeau de Philippe lançon, paru aux éditions Gallimard le 12 avril 2018, Prix Femina 2018 :
« Lambeau, subst. masc.
1. Morceau d’étoffe, de papier, de matière souple, déchiré ou arraché, détaché du tout ou y attenant en partie.
2. Par analogie : morceau de chair ou de peau arrachée volontairement ou accidentellement. Lambeau sanglant ; lambeaux de chair et de sang. Juan, désespéré, le mordit à la joue, déchira un lambeau de chair qui découvrait sa mâchoire (Borel, Champavert, 1833, p. 55).
3. Chirurgie : segment de parties molles conservées lors de l’amputation d’un membre pour recouvrir les parties osseuses et obtenir une cicatrice souple. Il ne restait plus après l’amputation qu’à rabattre le lambeau de chair sur la plaie, ainsi qu’une épaulette à plat (Zola, Débâcle, 1892, p. 338). »
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- La neuvième heure de Alice McDermott, paru aux éditions Quai Voltaire le 23 août 2018, Prix Femina du roman étranger 2018 :
« Jim agite doucement la main en refermant la porte derrière sa femme Annie qu’il a envoyée faire des courses. Il enroule alors soigneusement son pardessus dans le sens de la longueur et le pose au pied de cette même porte. À son retour, c’est un miracle si Annie ne fait pas sauter la maison entière en craquant une allumette dans l’appartement rempli de gaz.
Les chevilles enflées après une journée à faire l’aumône, sœur Saint-Sauveur prend la relève des pompiers auprès de la jeune femme enceinte et des voisins sinistrés de ce petit immeuble de Brooklyn. La nouvelle du suicide étant déjà parue dans le journal, elle échouera à faire enterrer Jim dans le cimetière catholique, mais c’est très vite toute la congrégation qui se mobilise : on trouve un emploi pour Annie à la blanchisserie du couvent où sa fille Sally grandit sous l’œil bienveillant de sœur Illuminata, tandis que sœur Jeanne lui enseigne sa vision optimiste de la foi. Et quand cette enfant de couvent croira avoir la vocation, c’est l’austère sœur Lucy qui la mettra à l’épreuve en l’emmenant dans sa tournée au chevet des malades.
Si j’étais Dieu, avait coutume de dire sœur Saint-Sauveur, je ferais les choses autrement. À défaut de l’être, les Petites Sœurs soignantes des Pauvres Malades, chacune avec son histoire et ses secrets, sont l’âme d’un quartier qui est le véritable protagoniste du roman d’Alice McDermott. »
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- Le Mars Club de Rachel Kushner, paru aux éditions Stock le 22 août 2018, Prix Medicis étranger 2018 :
« Romy Hall, 29 ans, vient d’être transférée à la prison pour femmes de Stanville, en Californie. Cette ancienne stripteaseuse doit y purger deux peines consécutives de réclusion à perpétuité, plus six ans, pour avoir tué l’homme qui la harcelait. Dans son malheur, elle se raccroche à une certitude : son fils de 7 ans, Jackson, est en sécurité avec sa mère. Jusqu’au jour où l’administration pénitentiaire lui remet un courrier qui fait tout basculer.
Oscillant entre le quotidien de ces détenues, redoutables et attachantes, et la jeunesse de Romy dans le San Francisco de années 1980, Le Mars Club dresse le portrait féroce d’une société en marge de l’Amérique contemporaine. »
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- Idiotie de Pierre Guyotat, paru aux éditions Grasset et Fasquelle le 29 août 2018, Prix de la langue française, Prix spécial du jury Femina et Prix Medicis 2018 :
« Cet Idiotie traite de mon entrée, jadis, dans l’âge adulte, entre ma dix-neuvième et ma vingt-deuxième année, de 1959 à 1962. Ma recherche du corps féminin, mon rapport conflictuel à ce qu’on nomme le réel, ma tension de tous les instants vers l’Art et vers plus grand que l’humain, ma pulsion de rébellion permanente : contre le père pourtant tellement aimé, contre l’autorité militaire, en tant que conscrit puis soldat dans la guerre d’Algérie, arrêté, inculpé, interrogé, incarcéré puis muté en section disciplinaire.
Mes rébellions d’alors et leurs conséquences : fugue, faim, vol, remords, errances, coups et prisons militaires, manifestations corporelles de cette sorte de refus du réel imposé : on en trouvera ici des scènes marquantes.
Drames intimes, politiques, amitiés, camaraderies, cocasseries, tout y est vécu dans l’élan physique de la jeunesse. Dans le collectif. »
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- Les frères Lehman de Stefano Massini, paru aux éditions Globe le 5 septembre 2018, Prix Medicis essai 2018 :
« 11 septembre 1844, apparition. Heyum Lehmann arrive de Rimpar, Bavière, à New York. Il a perdu 8 kilos en 45 jours de traversée. Il fait venir ses deux frères pour travailler avec lui.
15 septembre 2008, disparition. La banque Lehman Brothers fait faillite. Elle a vendu au monde coton, charbon, café, acier, pétrole, armes, tabac, télévisions, ordinateurs et illusions, pendant plus de 150 ans.
Comment passe-t-on du sens du commerce à l’insensé de la finance ? Comment des pères inventent-ils un métier qu’aucun enfant ne peut comprendre ni rêver d’exercer ?
Grandeur et décadence, les Heureux et les Damnés, comment raconter ce qui est arrivé ? Non seulement par les chiffres, mais par l’esprit et la lettre ?
Par le récit détaillé de l’épopée familiale, économique et biblique. Par la répétition poétique, par la litanie prophétique, par l’humour toujours.
Par une histoire de l’Amérique, au galop comme un cheval fou dans les crises et les guerres fratricides.
Comment prendre la suite de Yehouda Ben Tema qui écrivit dans les Maximes des Pères : Tu auras cinquante années pour devenir sage. Tu en auras soixante pour devenir savant ?
Nous avons 1207 pages et 30 000 vers pour devenir instruits, circonspects, édifiés. Groggy. »
- Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu, paru aux éditions Actes Sud en août 2018, Prix Goncourt 2018 :
« Août 1992. Une vallée perdue quelque part dans l’Est, des hauts-fourneaux qui ne brûlent plus, un lac, un après-midi de canicule. Anthony a quatorze ans, et avec son cousin, pour tuer l’ennui, il décide de voler un canoë et d’aller voir ce qui se passe de l’autre côté, sur la fameuse plage des culs-nus. Au bout, ce sera pour Anthony le premier amour, le premier été, celui qui décide de toute la suite. Ce sera le drame de la vie qui commence.
Avec ce livre, Nicolas Mathieu écrit le roman d’une vallée, d’une époque, de l’adolescence, le récit politique d’une jeunesse qui doit trouver sa voie dans un monde qui meurt. Quatre étés, quatre moments, de Smells Like Teen Spirit à la Coupe du monde 98, pour raconter des vies à toute vitesse dans cette France de l’entre-deux, des villes moyennes et des zones pavillonnaires, de la cambrousse et des ZAC bétonnées. La France du Picon et de Johnny Hallyday, des fêtes foraines et d’Intervilles, des hommes usés au travail et des amoureuses fanées à vingt ans. Un pays loin des comptoirs de la mondialisation, pris entre la nostalgie et le déclin, la décence et la rage. »
- Le sillon de Valérie Manteau, paru aux éditions du Tripode le 30 août 2018, Prix Renaudot 2018 :
« Je rêve de chats qui tombent des rambardes, d’adolescents aux yeux brillants qui surgissent au coin de la rue et tirent en pleine tête, de glissements de terrain emportant tout Cihangir dans le Bosphore, de ballerines funambules aux pieds cisaillés, je rêve que je marche sur les tuiles des toits d’Istanbul et qu’elles glissent et se décrochent. Mais toujours ta main me rattrape, juste au moment où je me réveille en plein vertige, les poings fermés, agrippée aux draps ; même si de plus en plus souvent au réveil tu n’es plus là. »
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Et vous, des livres récemment primés vous font-ils envie ?