L’histoire coréenne est, parfois, une histoire interdite. C’était le cas lorsque j’ai lu Mémoires d’un frêne de Park Kun-woong, c’est à nouveau le cas avec ce roman graphique tiré du film éponyme d’O Muel (né à Jeju) et mis en encre de Chine par Keum Suk Gendry-Kim.
Quatrième de couverture : « Un livre bouleversant, vibrant hommage aux victimes du massacre de Jeju.
Le livre revient sur l’une des pages les plus sombres de l’histoire de la Corée : le massacre de dizaines de milliers d’habitants de l’île de Jeju, en 1948, marquant l’établissement du régime autoritaire de Syngman Rhee, soutenu par les forces d’occupation américaine. Jiseul est basée sur l’histoire vraie de 120 villageois, habitants de l’île, qui se sont cachés dans les cavernes de Seogwipo, après que les autorités d’occupation américaines eurent désigné tous les habitants dans un rayon de 5 km depuis les côtes comme des émeutiers et donné l’ordre qu’ils soient exécutés. Le mot Jiseul désigne, dans le dialecte de Jeju, la pomme de terre et le symbole de l’espoir de survie des insulaires. »
Impossible après la lecture d’oublier un jour le mot jiseul ou l’île de Jeju. Quand l’art fait mémoire je ne suis jamais loin et j’ai été littéralement impressionnée par ce travail. Difficile, donc, de ne pas avoir envie de découvrir le film après la lecture, pour voir, entendre et ressentir l’oeuvre d’origine et mieux visualiser son travail d’adaptation.
Dans ce moment tragique de l’histoire coréenne, je découvre que l’armée américaine est une fois encore impliquée, je constate qu’un régime autoritaire est à nouveau à l’oeuvre dans des massacres de civils, qu’un pouvoir tue ses propres enfants.
L’histoire est construite en miroir : d’un côté un groupe de civils qui cherchent une grotte dans laquelle se cacher en attendant que la violence et la barbarie s’apaisent, de l’autre une faction militaire qui obéit aux ordres d’éxécutions de masse. Mais si le roman graphique est intégralement en noir et blanc (choix que je trouve particulièrement percutant), il y a des zones grises pour certains personnages.
Dès le départ, le ton est donné et le lecteur sait que l’histoire ne finira pas bien, que les civils auxquels chacun•e peut s’identifier, ne survivront pas. A chaque page le souffle est retenu. Mais ce que j’ai trouvé particulièrement intéressant c’est le doute qui s’insinue dans l’esprit de jeunes soldats : et si ce n’était pas juste ?
Jiseul signifie pomme de terre dans le dialecte propre à l’île de Jeju. Ce tubercule essentiel pour la survie dans nombre de conflits à travers le monde. Un trésor en situation de famine qui pousse sous la terre qui renvoie à la situation des civils (adultes et enfants) terrés pour tenter de survivre à la folie meurtrière.
Mais qu’ai-je pensé du film par rapport au livre ? Le film a eu plusieurs avantages à mes yeux : entendre la langue et mieux voir les visages. Car je dois avouer qu’il manque parfois d’un peu de précision dans les dessins à l’encre de Chine concernant les traits des différents protagonistes (et il y en a un certain nombre). Je me suis rendue compte que je n’avais pas tout parfaitement saisi à la lecture grâce au film qui a remis certains passages en place. Cependant, l’adaptation graphique est extrêmement fidèle, les scènes sont parfaitement représentées dans leur ensemble : le travail de la dessinatrice est tout simplement impressionnant.
Je ressors donc de cette lecture (et de ce visionnage) avec la conscience de l’importance de cette mémoire qui demande à ne plus être muette et qui demande justice. Je souhaite maintenant lire d’autres oeuvres de Keum Suk Gendry-Kim, dont j’ai déjà Les mauvaises herbes dans ma bibliothèque.
Si vous vous intéressez à l’histoire contemporaine et aux événements peu connus, courez découvrir ce roman graphique et/ou ce film.
Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas de chronique trouvée pour le moment.
Et vous, avez-vous vu ce film ou avez-vous déjà lu un roman graphique de cette auteure ?
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Manwha et film m’intéressent donc je vais essayer de les trouver ! Merci pour cette découverte !
L’île de Jeju est connu pour ses excellents thés verts coréens 😉
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Oh je l’ignorais ! Je ne bois pas de thé donc mes connaissances sur le sujet sont très limitées (et je ne connais pas bien la culture coréenne non plus). La lecture et le visionnage du film m’ont donné le sentiment à la fois de découverte de ce fait mais également d’un moment hors du temps, en suspens. J’espère qu’ils te plairont ! 🙂
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Zut, je n’ai pas eu le temps de corriger… L’île de Jeju est connue…
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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J’aime bien cette chronique et retiens cette phrase « Quand l’art fait mémoire je ne suis jamais loin ». Merci
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Merci ! 🙂
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Décidément cette île a été en proie a bien des malheurs. Il n’y a pas que les américains qui ont massacré des civils. Elle a été sous domination japonaise et a vécu des heures bien douloureuses … Ce livre me tente diablement ! Le film aussi !
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Je vais remonter le temps sous occupation japonaise justement ! Je prends le temps de m’accrocher solidement le moral avant de me lancer. Mais je suis bien d’accord, que de périodes terribles, les unes après les autres ! Et que de périodes dont on ne parle pas ! Ça me révolte toujours l’apprentissage partiel de l’histoire alors que nous appartenons à une société construite sur un socle mondial. J’espère que ces deux œuvres « siamoises » te plairont ! 🙂
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[…] et respectueux mais marquant des moments traumatiques, comme on peut beaucoup le retrouver dans Jiseul. Une identité artistique que j’apprécie beaucoup et que je vais continuer à découvrir […]
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[…] La chronique […]
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j’ai adoré le chant de mon père de cette autrice, je note celui-ci qui a l’air très intéressant
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Celui-ci est peut-être le moins abordable de tous les livres de Keum Suk Gendry-kim mais vraiment intéressant dans sa démarche mémorielle. Il est aussi impressionnant quand on le compare au film dont il est l’adaptation. Il est incroyablement fidèle.
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