« Mikado d’enfance » de Gilles Rozier (L’Antilope, 2019) #RL2019

Cette parution avait retenu mon attention pour deux raisons : car ce sont les éditions de l’Antilope (que je collectionne et dont j’admire le travail éditorial de Gilles Rozier) mais aussi et surtout pour le questionnement que ce livre expose : comment un garçon en arrive-t-il à être accusé d’antisémitisme ? Comment a-t-il pris ce chemin et pourquoi ? Qu’est-ce qui se trouve derrière cette accusation ? Les réponses en appellent aux souvenirs, non seulement de l’auteur mais aussi de sa famille.


Quatrième de couverture : « Cher Gilles, je viens d’apprendre qu’en 1975 vous avez dû quitter votre collège pour une affaire d’antisémitisme concernant un ‘vieux Juif’. Quelle surprise ! Jacques

Quarante ans après les faits, le narrateur revient sur un épisode de son enfance : l’exclusion de son collège pour avoir adressé, avec deux camarades, une lettre antisémite à leur professeur d’anglais. Quelques années plus tard, il deviendra spécialiste de culture juive. Que s’est-il passé entre ces deux moments de son histoire ?

Dans Mikado d’enfance, Gilles Rozier convoque les souvenirs refoulés d’un garçon aux yeux bleus en quête d’identité, soucieux de plaire et d’être aimé. Pour réparer l’enfant abîmé, il décortique malaises familiaux et conflits politiques des années 1970. »


Le petit Gilles se révèle être enfant d’ingénieur parmi une majorité d’enfants d’ouvriers alors que les tensions sociales menacent d’aller jusqu’à la rupture. Minorité aisée dans un groupe modeste. Ni particulièrement beau, ni particulièrement laid, un peu invisible surtout. Et dans ce contexte, alors que d’autres sont incroyablement solaires, l’envie d’être aimé et intégré prend des proportions que les nombreux enfants que nous étions peuvent comprendre. Et c’est ce besoin de plaire qui va conduire à l’envoi d’une lettre antisémite à l’un des enseignants. Une adresse, un service rendu, le sentiment d’entrer dans le groupe et de ne plus être le fils de l’ingénieur qui dirige les parents des autres élèves de sa classe. Un égal, cherchant la chaleur de quelques rayons de soleil.

Plusieurs dizaines d’années plus tard, presque dans une autre vie, cet évènement refait surface contre toute attente. Un fait difficile et encore emprunt de honte raconté sur le ton de l’anecdote et qui va le pousser à remonter le temps. Secret dévoilé, bulle percée. Que s’est-il vraiment passé ? Quelle responsabilité a-t-il eu dans les faits ? Jusqu’où allait la complicité ? Et si… Et si le contenu de la lettre n’avait pas été connu ? Ni compris du petit Gilles ? Et s’il s’agissait de l’expression du besoin de parole au sein de sa propre famille ? Et s’il avait enfin besoin d’entendre davantage l’histoire de sa famille, son histoire ? Incompréhension des proches. Honte. Isolement.

Parmi les mikados étalés dans sa mémoire, Gilles Rozier se questionne, cherche une ouverture, en saisi un et fait bouger les autres, fait avancer sa réflexion tour après tour. C’est le lui d’aujourd’hui face au lui d’hier, deux regards qui vont tenter de se retrouver. Un roman qui interroge aussi, plus largement, les actes antisémites parmi les plus jeunes et leurs motivations. Car s’il y a des convaincus il y a aussi des jeunes influençables, des jeunes qui ignorent et d’autres qui sont à la recherche de provocations de bas niveau. Alors, il faut savoir parler.

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Et vous, êtes-vous aussi sensibles aux éditions de l’Antilope ?

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