❤ « Celui qui revient » de Han Kang (Points, 2017) | Avec un petit plus cinéma

Je vous propose une chronique un peu particulière aujourd’hui car elle concernera à la fois un roman et un film : la lecture de Celui qui revient de Han Kang ayant été l’origine de mon visionnage de A Taxi Driver de Jang Hoon, je n’ai pas souhaité scinder mes avis en deux articles distincts.

Quatrième de couverture : « En ce printemps 1980, un vent de terreur souffle sur la Corée du Sud. La révolte de Gwangju se solde par un massacre sans nom. Dans la ville meurtrie, Tongho erre parmi les cadavres, à la recherche de son ami disparu. Dans une maison d’édition, Kim travaille sur un texte censuré. Dans l’au-delà, Chongdae part retrouver les siens. Et toutes ces âmes tourmentées ne demandent qu’à trouver la paix. »

Il y a quelques mois je m’étais lancée dans la découverte de Han Kang avec son roman Leçons de grec qui m’était un peu tombé des mains et que j’ai par la suite abandonné (oui, je suis un être insensible, mais je le reprendrai peut-être). J’en ai le souvenir de phrases assommantes et d’un rythme assez lent qui ne m’avaient vraiment pas fait entrer dans l’histoire. Ici, tout a changé dans mon a priori envers Han Kang. Avec Celui qui revient je me suis pris une énorme claque.

C’est un sujet difficile que Han Kang nous propose avec ce roman polyphonique : le soulèvement de Gwangju (1980) en faveur de la démocratie, qui fut réprimé par la force et qui se conclut par le massacre de très nombreux civils, des arrestations massives et des peines d’emprisonnement. Un drame historique qui fut difficile à admettre par les gouvernements successifs de Corée du Sud et qui, aujourd’hui encore, est un symbole de l’importance de la libre parole du peuple, du prix et de la préciosité de la démocratie, en même temps qu’il laisse de blessures non refermées parmi la population coréenne.

Composé de sept parties pour autant de voix et de regards sur un moment de l’histoire, ce roman se concentre sur la disparition d’un jeune adolescent alors que les massacres répondent aux revendications et que les années passent. Dans une volonté de montrer la diversité des personnes engagées dans la lutte pour la démocratie, de redonner voix et dignité aux disparus, de montrer que les êtres assassinés étaient des hommes, des femmes, des enfants, c’est un cri contre l’injustice et l’extrême violence d’une dictature que transmet Han Kang en composant un récit à plusieurs voix autour d’un personnage commun qui hante les esprits malgré les années : Tongho.

A la fois direct et sensible, ce roman conçu avec un grand souci de respect des événements, des êtres et des traumatismes qui en ont découlés me restera très longtemps en mémoire. Si l’histoire du soulèvement de Gwangju vous intéresse, c’est le roman à découvrir en priorité.

« A Taxi Driver » de Jang Hoon (2018)

Au cours de ma lecture de Han Kang je me suis mise à chercher des oeuvres traitant du même sujet et j’ai découvert l’existence de ce film qui, bien qu’il ait reçu un très bel accueil en Corée, semble être passé assez inaperçu en dehors du pays. Je serais ravie d’être contredite sur ce point.

Résumé : « Mai 1980, Séoul. Des manifestations dénonçant la loi martiale proclamée par le dictateur Chun Doo-hwan troublent la routine de Kim Man-seob, un chauffeur de taxi mal embouché et criblé de dettes, élevant seul sa fille. Pour lui, chaque course compte. Lorsqu’il entend un confrère se vanter qu’on lui a promis une somme colossale pour emmener un occidental dans la ville de Gwangju, il se précipite au point de rendez-vous afin de lui voler son client, un journaliste allemand se faisant appeler Peter. Ce dernier a l’intention d’enquêter clandestinement sur certaines rumeurs indiquant que Gwangju serait assiégée par l’armée et coupée du reste du pays. »

Je ne suis pas spécialement les films dans lesquels le remarquable Song Kang-ho apparaît mais je ne cache pas mon plaisir – bien au contraire – quand je regarde un film dans lequel il joue. J’ai d’ailleurs beaucoup apprécié son personnage dans ce film et l’évolution de celui-ci alors que le drame se met en place et que l’humanité et questionnée.

En créant une rencontre entre Kim Man-seob, chauffeur de taxi et père seul qui a du mal à joindre les deux bouts, et Peter, journaliste allemand qui va tout faire pour rentrer dans Gwangju alors que le gouvernement a coupé les lignes téléphoniques et filtre les entrées dans la ville, c’est un schéma déjà vu mais pourtant efficace et plaisant qui se met en place. Les deux hommes ont du mal à se comprendre, leurs objectifs respectifs ne sont pas du tout les mêmes et leurs caractères renfrognés n’aident pas.

Arrivés à Gwangju un seul objectif doit être visé et tenu : montrer au monde entier ce que la Corée du Sud inflige à la population qui veut faire entendre sa voix et qui demande des droits, témoigner de ce que veut étouffer et noyer dans le sang la dictature, faire en sorte que les morts ne le soient pas pour rien et que leur sacrifice ne soit pas laissé au silence.

Défini par certains comme une comédie dramatique, il vire doucement mais clairement et sans compromis vers le drame pour ne plus retrouver sa légèreté des débuts qui prêtait à sourire. Car l’enjeux est aussi là : montrer qu’on ne sort pas de ces événements comme on y est entré, qu’il y a une réelle rupture, un avant et un après Gwangju.

Un film qui n’est peut-être pas parfait mais qui fonctionne très bien et, ce que j’ai apprécié, reprend plusieurs aspects des violences et de la réalité sur place transcrits également dans le roman de Han Kang. D’où mon souhait de vous parler des deux dans un seul et unique article.

Vous pouvez découvrir ce film – notamment – sur la plateforme e-cinema.com.

Cette lecture et ce visionnage entrent dans le cadre du Challenge coréen organisé par le blog Depuis le cadre de ma fenêtre.

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13 réflexions sur “❤ « Celui qui revient » de Han Kang (Points, 2017) | Avec un petit plus cinéma

  1. J’ai entendu parlé de ce soulèvement mais je n’ai rien lu dessus. Tu parles de claque de plus ?? Il me le faut également ! Quand au film je n’avais vu que les premières minutes en me promettant d’y revenir ce que je n’ai toujours pas fait, honte à moi !

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    • Je conseille les deux du coup ! ^^ Le livre est cependant assez difficile dans ce qu’il expose, selon la sensibilité ça peut être compliqué. Mais je l’ai trouvé vraiment remarquable dans sa construction et dans les différents points de vue sur les événements que l’auteure propose. Pas de honte, surtout pas, que des découvertes en suspens ! 😁

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    • Je ne connaissais pas non plus avant de faire quelques recherches (le film a été vu suite à mon coup de coeur pour le roman) et vraiment, je ne peux que les conseiller, c’est un drame à découvrir pour comprendre certaines blessures vives de la Corée du Sud. ♥ Je vais replonger dans du Han Kang, du coup. ^^

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