❤ « La pierre tombale » de Oh Jung-hi (Picquier, 2004)

J’avais découvert Oh Jung-hi avec son roman L’oiseau paru en 2005, qui parlait de deux enfants laissés seuls dans la misère. Un texte qui m’avait marqué par son sujet ainsi que par la langue de l’autrice. Il fallait donc que je renouvelle l’expérience.

Quatrième de couverture : « Haeryông, petit port au nord de la Corée. C’est ici que se joue l’histoire d’une famille en cet été de seconde guerre mondiale qui s’achèvera avec la mise en place du gouvernement communiste. Tous les jours, Hyôndo, petit garçon de neuf ans, est à son poste de guet dans le quartier où se trouve une pierre tombale, témoin de la violence de l’histoire, tandis que son monde bascule en même temps que celui des grands. »

Hyôndo est un jeune garçon qui va assister à l’effondrement de son monde. Nous sommes en 1945, la Corée est envahie par le Japon et la guerre touche à sa fin. Et la paix promis aura une saveur particulièrement amère.

Ce roman est presque une nouvelle, faisant à peine une centaine de pages, et pourtant il aborde énormément d’aspects de la guerre et de l’après-guerre en Corée, montrant que des événements tragiques s’étant déroulés au Japon ont impacté la population coréenne déplacée pour le travail.

A hauteur d’enfant nous découvrons la vie d’un village portuaire fracturé entre familles coréennes et japonaises, les discriminations vécues dès le plus jeune âge, l’horreur des séquelles des bombes atomiques et de la prise d’opium, la mise en place d’une politique communiste qui prend violemment pour cible les propriétaires. Jusqu’à la question qui traumatisera de nombreuses familles : rester ou partir ?

Chose surprenante, en fermant ce roman je n’ai pas ressenti de coup de coeur . Pourtant, plus j’y repense et plus mes émotions s’emballent. Un coup de coeur curieusement à retardement qui confirme mon envie de continuer à découvrir Oh Jung-hi qui sait voir et transmettre les émotions humaines dans leur immense variété et leur complexité.

Cette lecture entre dans le cadre du Challenge coréen organisé par le blog Depuis le cadre de ma fenêtre ainsi que pour l’automne coréen organisé par @antastesialit.

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Et vous, participez-vous à un challenge en lien avec la littérature étrangère ?

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Challenge coréen | L’heure du bilan… et de la reconduction !

En avril 2020 je me suis engagée dans le Challenge coréen (2020-2021) organisé par Cristie du blog Depuis le cadre de ma fenêtre. Après un démarrage plutôt lent (je me ménage moi-même) j’ai accéléré le rythme afin de vous proposer 18 lectures d’auteurs•trices coréens•nes et si je devais exprimer mon sentiment alors que ce challenge annuel est terminé ce serait que j’ai fait des découvertes inoubliables qui vont impacter mes futures habitudes de lectures.

Les livres lus et chroniqués

« L’oiseau » d’Oh Jung-hi

« Jiseul » de Keum Suk Gendry-Kim d’après O Muel

« Chasseurs de dents » de Cho Won-hee

« Le chant de mon père » de Keum Suk Gendry-Kim

❤ « Les mauvaises herbes » de Keum Suk Gendry-Kim

« La route de Sampo » de Hwang Sok-yong

❤ « Monsieur Han » de Hwang Sok-yong

❤ « Celui qui revient » de Han Kang

❤ « Là-bas, sans bruit, tombe un pétale » de Ch’oe Yun

« Ma vie en prison. Le récit d’un cri pour la démocratie ! » de Kim Hong-mo

« Au soleil couchant » de Hwang Sok-yong

« L’arbre nu » de Keum Suk Gendry-kim d’après Park Wan-seo

« Chat Chelou » de Baek Heena

❤ « Toutes les choses de notre vie » de Hwang Sok-yong

« L’homme de la mer » de Jang Deok-hyun

« Kim Jiyoung, née en 1982 » de Cho Nam-joo

« Les enfants du silence » de Gong Ji-young

❤ « Sur mon île » de Lee Myung-ae

Le petit bonus cinéma

« A Taxi Driver » de Jang Hoon (2018)

Le challenge est reconduit du 21 avril 2021 au 21 avril 2022, autant dire que je re-signe ! Je suis impatiente de vous partager mes prochaines découvertes littéraires coréennes !

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Et vous, participez-vous à la nouvelle édition du challenge ?

« Les enfants du silence » de Gong Ji-young (Picquier, 2020)

Sur les conseils de Cristie (organisatrice du Challenge coréen et rédactrice du blog Depuis le cadre de ma fenêtre) j’ai souhaité découvrir l’autrice Gong Ji-young. J’avais noté deux titres en particulier : Très chère grande soeur et Les enfants du silence. Cette première découverte me donne envie de poursuivre mon exploration de l’oeuvre de Gong Ji-young. Vive les maxi-commandes trimestrielles de livres d’occasion ! Je n’en peux déjà plus d’attendre…

Quatrième de couverture : « Il faut avant tout savoir que les événements racontés dans ce roman sont vrais. Ils ont réellement eu lieu.

Lorsque Inho arrive dans cette petite ville coréenne noyée dans le brouillard, il a un mauvais pressentiment. Il vient d’être nommé professeur dans une école privée et rien ne le destinait au combat qu’il va devoir y mener pour faire éclater la vérité. Ce que découvre rapidement Inho, c’est que les élèves de cette institution sont victimes de sévices et d’abus sexuels depuis plusieurs années, avec la complicité de membres de la police et des autorités locales. Ces enfants sont d’autant plus réduits au silence qu’ils sont atteints de surdité.

Face à la puissance et au mépris de ceux qui détiennent le pouvoir, la solidarité, le courage, l’obstination seront-ils suffisants pour que justice soit rendue ?

Gong Ji-young est une écrivaine profondément convaincue que les livres peuvent changer le monde. Et parfois en effet ils y arrivent. Ce roman poignant a provoqué un séisme dans la société coréenne et une nouvelle loi a été votée, qui durcit les peines pour les auteurs d’agressions sexuelles sur les mineurs et les handicapés. »

Pour être tout à fait franche, je n’étais pas certaine de réussir à terminer la lecture de ce roman, j’ai d’ailleurs fait une pause de quelques jours à la moitié. Le sujet – extrêmement difficile – est abordé de front, il n’épargne pas les lecteurs•trices et en même temps l’autrice adopte un ton qui évite des glissements maladroits. C’est vraiment un roman face auquel je me suis débattue : je ne voulais pas le poursuivre, continuer à lire les actes abjectes qu’ont subi ces enfants… mais je n’arrivais pas à arrêter de penser au combat pour la justice qui allait se dérouler et auquel je m’accrochais.

Contextualisé dans une ville appartenant à l’imaginaire littéraire coréen, l’histoire est basée sur des faits bien réels. Elle dénonce les abus sexuels sur des mineurs handicapés en même temps que le règne de l’impunité dès lors qu’il est question de relations de pouvoir et d’argent. C’est un livre choquant mais nécessaire, il tord les ventres et frappe les esprits en même temps qu’il engage. Car même si les choses peuvent sembler perdues d’avance face à certains cercles, ce n’est pas une raison de baisser les bras.

Gong Ji-young nous propose une variété de personnages intéressante : les coupables, les victimes infiniment émouvantes, un enseignant qui arrive un peu par hasard dans l’institution et va découvrir ce qui s’y passe, une femme engagée dans la défense des droits humains, les familles, un policier mouillé dans les magouilles, deux pasteurs qui n’ont pas fait les mêmes choix moraux, des responsables volontairement aveugles, des avocats aux approches différentes…

Avec beaucoup de réalisme, que ce soit dans la description de l’établissement pour enfants sourds, dans les démarches pour ouvrir l’enquête ou dans la partie plus judiciaire, Gong Ji-young interroge l’humanité et l’inhumanité, la moralité et l’immoralité, la société, la nature humaine, la force des intérêts personnels ou, au contraire, la capacité d’abnégation.

Je n’ose imaginer les difficultés qu’a pû rencontrer l’autrice lors de l’écriture de ce roman, car la réalité est là et elle dépasse parfois le pire que nous puissions inventer. Le résultat de cet éprouvant travail prend la forme de jeunes personnages aussi courageux qu’inoubliables, d’une réaction légale en Corée et d’une conscience collective.

Un film a été adapté de ce roman qui a fortement secoué la société coréenne : Silenced de Hwang Dong-hyeok (2011). J’ai prévu de le découvrir dans les semaines à venir, le temps de digérer un peu le texte et de trouver le courage d’affronter cette histoire en images.

Cette lecture entre dans le cadre du Challenge coréen organisé par le blog Depuis le cadre de ma fenêtre.

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Et vous, quel•s roman•s de Gong Ji-young conseillez-vous ?

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« Kim Jiyoung, née en 1982 » de Cho Nam-joo (NiL, 2020 ; 10/18, 2021)

Depuis sa traduction en français, impossible de ne pas croiser ce roman qui décrit le patriarcat en Corée du Sud, le sexisme quotidien qui enferme les femmes et les assigne à des rôles bien définis, les conditionnent au sacrifice de leurs envies et de leurs besoins. Ces sujets m’intéressent et lire qu’il a fait polémique en Corée du Sud lors de sa parution m’a rendue encore plus curieuse. Qu’est-ce qui a tant dérangé ? Le fait de rendre visibles des injustices récurrentes et de remettre en cause la place d’une masculinité dominante ? Il fallait bien que ce soit dit.

Quatrième de couverture : « Kim Jiyoung est une femme ordinaire, affublée d’un prénom commun – le plus donné en Corée du Sud en 1982, l’année de sa naissance. Elle vit à Séoul avec son mari, de trois ans son aîné, et leur petite fille. Elle a un travail qu’elle aime mais qu’il lui faut quitter pour élever son enfant. Et puis, un jour, elle commence à parler avec la voix d’autres femmes. Que peut-il bien lui être arrivé ?

En six parties, qui correspondent à autant de périodes de la vie de son personnage, d’une écriture précise et cinglante, Cho Nam-joo livre une photographie de la femme coréenne piégée dans une société traditionaliste contre laquelle elle ne parvient pas à lutter. Mais qu’on ne s’y trompe pas : Kim Jiyoung est bien plus que le miroir de la condition féminine en Corée – elle est le miroir de la condition féminine tout court. »

Kim Jiyoung est une femme, une épouse, une mère. Un jour elle se met à être habitée par d’autres personnes qui s’expriment à travers elle. Quel est ce phénomène ? Il résulte d’une vie d’expériences qui l’ont heurtée, elle ainsi que les autres femmes de son entourage, elle et les autres femmes tout court. Chacune d’entre nous habite les voix d’autres femmes, d’hier et d’aujourd’hui.

Revenant sur l’histoire de Kim Jiyoung depuis son enfance jusqu’à une trentaine d’années, Cho Nam-joo montre les discriminations dont les filles, les adolescentes et les femmes sont victimes.

J’ai beaucoup aimé cette lecture qui dépasse les frontières et nous fait réfléchir sur le sexisme quotidien : au sein de la famille, au cours des études, dans la recherche d’emploi puis au cours de la vie professionnelle, lors de l’installation en couple et du projet de maternité, etc. A chaque étape de la vie d’une femme des assignations sont tapies dans l’ombre. Cho Nam-joo les fait passer dans la lumière pour que chacun•e puisse en prendre conscience. Pourtant, ce texte ne se termine pas de façon optimiste, loin de là. Un point final qui fait s’éveiller en nous une volonté de révolte et de rébellion. Et pour ça, le choix est très efficace.

Agrémenté de statistiques sur la société coréenne, ce texte est aussi engageant que rageant. J’avais peur que l’effet médiatique surnote la qualité du texte mais je dois reconnaître que j’ai apprécié ma lecture, l’écriture n’est pas exceptionnelle mais l’efficacité est là et la dénonciation est bien menée, explorant bien la psychologie des personnages féminins et les violences sociales malheureusement d’actualité.

Si vous hésitez à découvrir ce roman, je ne peux que vous inviter à vous lancer. Chaque livre compte étant donné la lenteur de l’évolution des mentalités, notamment sur le vaste sujet de la maternité, que ce soit sur l’expérience même que cela représente ou que ce soit en lien avec la vie professionnelle ou au sein de l’intimité des foyers.

Cette lecture entre dans le cadre du Challenge coréen organisé par le blog Depuis le cadre de ma fenêtre.

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Et vous, quel roman féministe conseillez-vous ?

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« Au soleil couchant » de Hwang Sok-yong (Picquier poche, 2019)

Je continue ma découverte de Hwang Sok-yong dans un mélange de passion et de fébrilité. La passion car je trouve qu’il est difficile de se détacher de ses romans, fébrilité car je redoute la déception. Pas de coup de coeur cette fois-ci, mais une belle lecture malgré tout, riche en sujets de société.

Quatrième de couverture : « Au soir de sa vie, un homme riche et comblé se demande s’il n’est pas passé à côté de l’essentiel.

Park Minwoo, directeur d’une grande agence d’architecture, a la satisfaction d’avoir réussi sa vie et contribué efficacement à la modernisation de son pays. Né dans un quartier misérable de Séoul, il s’est, grâce à ses talents, arraché à son milieu. L’homme célèbre et sûr de lui qu’il est devenu reçoit un jour un message d’une amie d’enfance qui l’a aimé. Les souvenirs du passé ressurgissent, l’invitant à replonger dans un monde qu’il avait oublié, peut-être renié, et à redécouvrir ce que la vie des gens dont il s’était détourné avait de dur mais aussi de chaleureux. C’est l’occasion pour lui de s’interroger sur son métier, sur la corruption qui règne dans la construction immobilière, sur sa responsabilité dans l’enlaidissement du paysage urbain, sur la violence faite aux expropriés. »

Alors que Park Minwoo termine une conférence sur l’architecture, il est abordé par une jeune femme qui lui tend un morceau de papier. Sur celui-ci, le nom et le contact d’une de ses anciennes connaissances : Cha Soona. Cette jeune fille qui hante ses souvenirs d’enfance et d’adolescence va se réancrer dans les pensées de l’homme mûr qu’il est devenu, au mariage qui n’a de mariage que le nom. En parallèle, Jeong Uhee est une jeune femme qui travaille dans le milieu théâtral sans pouvoir en vivre et se retrouve ainsi forcée d’enchaîner les petits boulots de nuit. Que peut bien lier ces deux personnages ?

A travers des vies croisées, Hwang Sok-yong fait le portrait en même temps que la critique d’une société coréenne qui a vu exploser les plans d’urbanisation, les construction éclairs (ne respectant, pour la plupart, que peu de normes), les magouilles en tous genres et la perte d’idéaux et de morale là où argent et pouvoir dictent les lois. Un modèle de modernité repoussant toujours plus loin les populations les plus pauvres, défigurant des quartiers, détruisant murs, fondations et êtres.

Avec Park Minwoo, il construit un personnage qui a gravi les échelons et a atteint une très confortable situation. Alors qu’il venait des quartiers pauvres, il a peu à peu changé pour finir par ne plus avoir de lien avec son milieu d’origine, de la même manière que son village d’enfance n’est désormais plus reconnaissable. Que reste-t-il ? Qu’est-ce qui s’efface et n’existe plus que dans nos souvenirs comme si cela n’avait jamais existé ? J’ai aimé la psychologie de ce personnage qui voulait fuir la misère et qui, en même temps, s’est un peu perdu lui-même. Il représente l’ironie de la société et un visage de son impassible violence.

Avec Cha Soona, l’auteur évoque une femme qui s’est battue toute sa vie pour survivre, qui a fait des choix et a fait face aux drames qui se sont imposés à elle. Il aborde également – bien que rapidement – le sujet des violences faites aux femmes ainsi que l’existence des camps de rééducation mis en place sous la dictature de Park Chung-hee.

Avec Jeong Uhee, c’est l’histoire d’une jeunesse qui n’arrive pas à se sortir de la pauvreté, qui a du mal à avancer dans une solitude qui ronge au quotidien. C’est une auteure de théâtre qui a décidé de donner de la voix à celles et ceux qui n’en ont plus, pour ne pas se noyer dans ses remords ou ses regrets.

Enfin, avec Kim Minwoo, Hwang Sok-yong parle des vies brisées, des destins frappés par la violence d’un monde parfois difficile à affronter. Des êtres au coeur doux, inadaptés à un monde de loups. Un personnage présent-absent fort.

Hwang Sok-yong a réussi à me perdre et à me faire poser des tonnes de questions sur le lien possible entre les deux narrateurs, j’ai formulé beaucoup d’hypothèses comme si, à l’image de Jeong Uhee, j’étais en train d’élaborer un feuilleton. Petit à petit l’auteur égraine des indices et la révélation se fait à la fois avec émotion et douceur.

La seule chose qui n’a pas fait basculer ce beau roman dans mes coups de cœur est la fin que j’ai trouvée intéressante mais abrupte. Je ne cours pas après les fins heureuses, car j’estime que ça manque souvent de crédibilité (mais je suis une personne optimiste, je vous le jure) malgré ça, j’ai trouvé qu’il manquait quand même un petit dénouement, ou du moins une installation un peu plus longue de la finalisation du récit.

Une nouvelle fois j’ai apprécié la façon qu’à Hwang Sok-yong de travailler des personnages qui ont de l’épaisseur et une réelle histoire, les histoires personnelles s’inscrivant dans l’histoire de la Corée du Sud, soulevant des sujets de société passionnants.

Il est désormais impossible de m’arrêter dans ma découverte de Hwang Sok-yong : j’ai commencé Toutes les choses de notre de vie (Picquier poche, 2018). Il m’a déjà brisé le cœur, j’attends de voir comment il recollera les morceaux.

Cette lecture entre dans le cadre du Challenge coréen organisé par le blog Depuis le cadre de ma fenêtre.

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Et vous, quel(s) sujet(s) de société vous intéresse(nt) en particulier ?

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❤ « Celui qui revient » de Han Kang (Points, 2017) | Avec un petit plus cinéma

Je vous propose une chronique un peu particulière aujourd’hui car elle concernera à la fois un roman et un film : la lecture de Celui qui revient de Han Kang ayant été l’origine de mon visionnage de A Taxi Driver de Jang Hoon, je n’ai pas souhaité scinder mes avis en deux articles distincts.

Quatrième de couverture : « En ce printemps 1980, un vent de terreur souffle sur la Corée du Sud. La révolte de Gwangju se solde par un massacre sans nom. Dans la ville meurtrie, Tongho erre parmi les cadavres, à la recherche de son ami disparu. Dans une maison d’édition, Kim travaille sur un texte censuré. Dans l’au-delà, Chongdae part retrouver les siens. Et toutes ces âmes tourmentées ne demandent qu’à trouver la paix. »

Il y a quelques mois je m’étais lancée dans la découverte de Han Kang avec son roman Leçons de grec qui m’était un peu tombé des mains et que j’ai par la suite abandonné (oui, je suis un être insensible, mais je le reprendrai peut-être). J’en ai le souvenir de phrases assommantes et d’un rythme assez lent qui ne m’avaient vraiment pas fait entrer dans l’histoire. Ici, tout a changé dans mon a priori envers Han Kang. Avec Celui qui revient je me suis pris une énorme claque.

C’est un sujet difficile que Han Kang nous propose avec ce roman polyphonique : le soulèvement de Gwangju (1980) en faveur de la démocratie, qui fut réprimé par la force et qui se conclut par le massacre de très nombreux civils, des arrestations massives et des peines d’emprisonnement. Un drame historique qui fut difficile à admettre par les gouvernements successifs de Corée du Sud et qui, aujourd’hui encore, est un symbole de l’importance de la libre parole du peuple, du prix et de la préciosité de la démocratie, en même temps qu’il laisse de blessures non refermées parmi la population coréenne.

Composé de sept parties pour autant de voix et de regards sur un moment de l’histoire, ce roman se concentre sur la disparition d’un jeune adolescent alors que les massacres répondent aux revendications et que les années passent. Dans une volonté de montrer la diversité des personnes engagées dans la lutte pour la démocratie, de redonner voix et dignité aux disparus, de montrer que les êtres assassinés étaient des hommes, des femmes, des enfants, c’est un cri contre l’injustice et l’extrême violence d’une dictature que transmet Han Kang en composant un récit à plusieurs voix autour d’un personnage commun qui hante les esprits malgré les années : Tongho.

A la fois direct et sensible, ce roman conçu avec un grand souci de respect des événements, des êtres et des traumatismes qui en ont découlés me restera très longtemps en mémoire. Si l’histoire du soulèvement de Gwangju vous intéresse, c’est le roman à découvrir en priorité.

« A Taxi Driver » de Jang Hoon (2018)

Au cours de ma lecture de Han Kang je me suis mise à chercher des oeuvres traitant du même sujet et j’ai découvert l’existence de ce film qui, bien qu’il ait reçu un très bel accueil en Corée, semble être passé assez inaperçu en dehors du pays. Je serais ravie d’être contredite sur ce point.

Résumé : « Mai 1980, Séoul. Des manifestations dénonçant la loi martiale proclamée par le dictateur Chun Doo-hwan troublent la routine de Kim Man-seob, un chauffeur de taxi mal embouché et criblé de dettes, élevant seul sa fille. Pour lui, chaque course compte. Lorsqu’il entend un confrère se vanter qu’on lui a promis une somme colossale pour emmener un occidental dans la ville de Gwangju, il se précipite au point de rendez-vous afin de lui voler son client, un journaliste allemand se faisant appeler Peter. Ce dernier a l’intention d’enquêter clandestinement sur certaines rumeurs indiquant que Gwangju serait assiégée par l’armée et coupée du reste du pays. »

Je ne suis pas spécialement les films dans lesquels le remarquable Song Kang-ho apparaît mais je ne cache pas mon plaisir – bien au contraire – quand je regarde un film dans lequel il joue. J’ai d’ailleurs beaucoup apprécié son personnage dans ce film et l’évolution de celui-ci alors que le drame se met en place et que l’humanité et questionnée.

En créant une rencontre entre Kim Man-seob, chauffeur de taxi et père seul qui a du mal à joindre les deux bouts, et Peter, journaliste allemand qui va tout faire pour rentrer dans Gwangju alors que le gouvernement a coupé les lignes téléphoniques et filtre les entrées dans la ville, c’est un schéma déjà vu mais pourtant efficace et plaisant qui se met en place. Les deux hommes ont du mal à se comprendre, leurs objectifs respectifs ne sont pas du tout les mêmes et leurs caractères renfrognés n’aident pas.

Arrivés à Gwangju un seul objectif doit être visé et tenu : montrer au monde entier ce que la Corée du Sud inflige à la population qui veut faire entendre sa voix et qui demande des droits, témoigner de ce que veut étouffer et noyer dans le sang la dictature, faire en sorte que les morts ne le soient pas pour rien et que leur sacrifice ne soit pas laissé au silence.

Défini par certains comme une comédie dramatique, il vire doucement mais clairement et sans compromis vers le drame pour ne plus retrouver sa légèreté des débuts qui prêtait à sourire. Car l’enjeux est aussi là : montrer qu’on ne sort pas de ces événements comme on y est entré, qu’il y a une réelle rupture, un avant et un après Gwangju.

Un film qui n’est peut-être pas parfait mais qui fonctionne très bien et, ce que j’ai apprécié, reprend plusieurs aspects des violences et de la réalité sur place transcrits également dans le roman de Han Kang. D’où mon souhait de vous parler des deux dans un seul et unique article.

Vous pouvez découvrir ce film – notamment – sur la plateforme e-cinema.com.

Cette lecture et ce visionnage entrent dans le cadre du Challenge coréen organisé par le blog Depuis le cadre de ma fenêtre.

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Et vous, cherchez-vous aussi des films qui font écho à vos lectures ?

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❤ « Monsieur Han » de Hwang Sok-yong (Zulma, 2002 ; Z/A poche, 2017)

Roman incontournable de la littérature coréenne contemporaine, Hwang Sok-yong raconte, au regard de sa propre expérience, la Guerre de Corée, la séparation entre le Nord et le Sud au 38e parallèle, la déchirure des foyers, des familles, et la suspicion tenace pour espionnage et loyauté au Nord envers les personnes l’ayant fuit. L’histoire de Monsieur Han c’est le drame d’un pays dont les stigmates sont toujours à vif, c’est aussi l’histoire d’un homme fidèle à ses principes et sa morale – parfois perçu comme naïf – alors que les personnes qui l’entourent ne lui veulent pas forcément du bien.

Quatrième de couverture : « À travers la descente aux enfers d’un homme écartelé par la division de son pays, brutalement séparé de sa famille, socialement déclassé, renié par le Nord et suspecté au Sud, partout indésirable, Hwang Sok-yong dit toute la cruauté d’une époque en folie qui pousse les êtres dans des voies sans issue. D’où l’émouvante beauté de son personnage, devenu emblématique.

Récit poignant, fulgurant, de l’existence d’un Candide pris malgré lui dans l’engrenage de l’Histoire, Monsieur Han est une œuvre majeure de la littérature coréenne contemporaine. »

Le roman s’ouvre sur la description de la vie quotidienne dans une maison divisée en plusieurs habitations, pour différentes familles. Parmi elles, un vieil homme peu commode (du moins avec les adultes) loue une petite chambre et ne s’attire que peu de sympathie de la part de son voisinage. C’est un homme fatigué, renfermé, secret. Un homme qui termine son chemin dans la pauvreté et la solitude. Mais qui est-il vraiment ?

C’est à cette question que l’auteur va apporter des réponses, montrant que derrière un mutisme se cache une vie composée d’injustices et d’épreuves qui représentent en même temps les épreuves de la Corée et d’une part importante de ses habitants.

Médecin-enseignant au Nord de la Corée, Monsieur Han a une famille, une bonne situation. Mais avec la fin de la Seconde Guerre mondiale et la fin de la colonisation par le Japon est arrivée une division du pays entre deux grandes puissances : l’URSS et les États-Unis. Le Nord se transforme pour répondre à l’idéologie communiste, le Sud se veut ennemi de celle-ci. Entre les deux puissances et les tensions politiques : les civils.

Monsieur Han va subir les pressions idéologiques et décider de quitter seul le Nord, dans l’idée de s’y protéger de la menace de mort qui pèse sur lui. Dans son esprit, il s’agit d’un exil temporaire avant de retrouver sa famille. Ce qui l’attend est bien différent de ce qu’il s’était imaginé.

Entre roman réaliste, texte politique, portrait littéraire et presque thriller historique, Hwang Sok-yong attrape son lectorat et ne le lâche pas, même après que la dernière page soit tournée, tant cette histoire reste en mémoire et habite son•sa lecteur•trice. J’avais apprécié ma découverte de l’auteur avec le recueil La route de Sampo, j’ai retrouvé ce que j’avais aimé de son style et plus encore.

Une chose est sûre à la sortie de cette lecture bouleversante : je vais poursuivre ma découverte de Hwang Sok-yong et vais sévèrement soûler mon entourage.

Sur ce sujet, j’attends avec impatience de découvrir le nouveau roman graphique de Keum Suk Gendry-kim, annoncé chez Futuropolis pour début mai : L’attente. Une famille coréenne brisée par la partition du pays. Une auteure que je vous recommande également.

Cette lecture entre dans le cadre du Challenge coréen organisé par le blog Depuis le cadre de ma fenêtre.

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Et vous, quelle est votre dernière découverte d’auteur•e marquante ?

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« L’oiseau » d’Oh Jung-hi (Seuil, 2005)

L'oiseau Oh Jung-hi

Premier roman lu dans le cadre du challenge coréen organisé par Cristie du blog Depuis le cadre de ma fenêtre, Oh Jung-hi propose aux lecteurs•rices un texte intimiste qui m’a immédiatement fait penser à la situation des enfants séparés de leurs parents dans les campagnes chinoises dont Golo Zhao avait notamment parlé dans Poisons.

Quatrième de couverture : « Une petite fille raconte. La mère est morte. Le père est au loin, sur des chantiers. Elle s’occupe de son jeune frère, Uil. Une jeune marâtre sortie d’un bordel ne fait qu’un bref passage, vite chassée par la violence conjugale. Les enfants, peu à peu, se retrouvent seuls. Sous les regards compatissants mais aveugles ou impuissants d’un voisinage misérable et d’une société brisée, la fillette, peu à peu, reproduit sur le petit garçon la violence du père sur la figure maternelle. Le monde tendre de l’enfance est inexorablement fissuré, l’humanité pulvérisée laisse apparaître l’abîme côtoyé par l’enfant en chacun de nous. »

La solitude et l’isolement sont au coeur de ce roman. Deux enfants dont le père se déleste auprès de la famille, celle-ci les accueillant comme une corvée. Un jour, le père revient les chercher et annonce qu’il a une nouvelle femme. La vie devrait pouvoir reprendre mais la violence du père et l’ennui de la nouvelle femme dans ce nouveau rôle marital vont mener la jeune aînée (narratrice du roman) à s’occuper seule de son petit frère Uil. Mais quand on est une enfant on ne peut être un substitut de mère.

Voir les jours passer à travers les yeux de la petite fille, comprendre à travers sa naïveté la réalité des situations, les risques pris, les dangers qui rôdent, la violence qui germe également en elle, a été poignant. Et toujours cet espoir de l’enfance, mais pourra-t-il vraiment tenir ?

Si le roman se concentre sur cette situation dramatique qui chaque jour avance un peu plus vers un dénouement tragique, l’auteure explore d’autres thématiques : la violence d’un père, la pauvreté de façon générale, l’homophobie, les croyances populaires, les familles brisée par des accidents de la vie, la jeunesse abandonnée et marginalisée, l’aide sociale qui voit ce qu’elle veut voir.

En peu de pages Oh Jung-hi parle simplement d’une part de la société abandonnée dans laquelle les enfants sont les premières victimes. S’il n’a pas été un coup de cœur, ce roman m’a marquée par la simplicité des mots utilisés pour décrire la complexité et la dureté des situations que vont vivre les deux enfants. Une simplicité qui porte une justesse et qui m’invite à découvrir d’autres romans de cette auteure.

Pour en savoir plus

Challenge coréen


Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas de chronique trouvée pour le moment.


 

Et vous, connaissez-vous cette auteure et son œuvre ?

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« Généalogie du mal » de You-jeong Jeong (Picquier, 2018)

Cette découverte a été faite à l’occasion d’une lecture commune avec Ingannmic du blog Book’Ing (voici sa chronique). L’occasion de me frotter à un genre littéraire que je lis peu : le thriller psychologique.


Quatrième de couverture : « Yujin, vingt-six ans, se réveille un matin dans l’odeur du sang.

Jusqu’à ce jour, c’était un fils modèle qui se pliait à toutes les règles d’une mère abusive et angoissée. Une mère qui gît en ce moment même au pied de l’escalier, la gorge atrocement ouverte d’une oreille à l’autre.

Que s’est-il passé la nuit dernière ? Seuls des lambeaux d’étranges images émergent de la conscience de Yujin, et le cri angoissé de sa mère. Mais appelait-elle à l’aide ? Ou implorait-elle ?

Pour trouver la clé qui déverrouille sa mémoire, il va devoir remonter seize ans plus tôt, lorsque tout s’est joué. Retrouver la scène initiale, impensable, insupportable. Seize années de secrets, de silence, d’une vie contrôlée dans ses moindres détails, jusqu’à ce que tout bascule.

Mais quand on a franchi la frontière interdite, il n’existe pas de retour possible.

Ce thriller dérangeant et obsédant, d’une exceptionnelle acuité psychologique, suit à un rythme haletant, électrique, la radicale transformation d’un jeune homme ordinaire en un dangereux prédateur. »


Dès le début du récit, nous comprenons qu’il y a un souci. Nous suivons les pensées de Yujin, nous tournons les pages de son point de vue et il est le maître pour dénouer les noeuds d’une mémoire éprouvée, qui n’est pas encore prête à affronter la réalité. Cette mémoire si elle veut cacher des traumatismes et des chocs, est complétée par des propos dont la vérité reste à prouver.

Le crime de départ va tirer un premier fil et les bribes du passé vont peu à peu construire une histoire inscrite dans le passé et dans le présent. Nous apprenons les drames de la famille de Yujin : le décès accidentel de son grand-frère et de son père, l’inquiétude et la protection étouffantes de sa mère et le pouvoir à double tranchant de sa tante. Nous suivons Yujin, coincé depuis seize ans dans un traitement (qu’il vient d’arrêter en secret) pour l’épilepsie qui le détruit et à cause duquel il ne se sent plus libre. Mais si les faits ont l’air simples de prime abord cela ne va pas durer.

Très rapidement, chaque personnage est victime de la méfiance du lecteur. Ne presque rien savoir, ne pas tout comprendre, rend chaque personnage absolument louche. Yujin met toute son énergie à faire parler le passé mais depuis son prisme. Viennent s’ajouter à ces points de vue les extraits du journal de sa mère, qui nuancent et apportent quelques pièces manquantes au puzzle. C’est la distance du lecteur qui lui permettra de s’installer dans un doute permanent qui retiendra son attention du début à la fin de ce roman.

Le jeu de cette chronique est de ne pas trop en dire, mais ce roman est un maillage à la fois simple et complexe dont il est difficile de ne rien dévoiler. Je peux juste vous assurer que vous allez pas mal hésiter à vous faire une idée sur le fin mot de l’histoire et que, comme dit en quatrième de couverture, le positionnement de la narration est assez dérangeant. Un mot d’ordre : ne jamais se laisser avoir !

J’ai quand même eu plus de mal sur ce livre que sur les livres que je lis habituellement mais ce fut une lecture positive, qui m’a vraiment fait voir autre chose. Il y a des chances que je retente l’expérience Picquier et pourquoi pas l’expériene You-jeong Jeong. Un bon divertissement, dépaysant et sanglant.

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Et vous, avez-vous un thriller à recommander ?