
Plus je lis d’auteurs•trices coréens•nes évoquant l’histoire contemporaine de ce(s) pays, plus je fais de belles découvertes. Cela a notamment été le cas avec Ch’oe Yun et ce recueil de nouvelles que j’ai choisi en souhaitant lire davantage de textes littéraires sur le soulèvement de Gwangju, sujet au coeur de la nouvelle éponyme.
Quatrième de couverture : « Après des années de séparation et d’exil, un fils retrouve son père et tente de lui arracher l’explication de ses trahisons passées.
Hantée par la mort de sa mère lors d’une manifestation, une jeune fille en fuite sombre dans la déchéance et la folie.
Durant un hiver de misère et de solitude, une étudiante fait la connaissance d’un imprimeur contes-tataire et participe à ses activités clandestines.
Si la tragique histoire récente de la Corée sert de toile de fond à ces trois récits de Ch’oe Yun, c’est pour mieux mettre en relief l’universelle souffrance humaine. Sobres et désespérés, violents dans les sentiments mais délicats dans l’écriture, ces courts textes excellent à exprimer l’indicible — celui de la terreur, de la rancune, de la douleur, de l’incompréhension, de la folie. »
Après avoir lu Celui qui revient de Han Kang et avoir regardé le film A Taxi Driver de Jang Hoon qui m’ont chacun impressionnée, j’ai eu envie d’aller un peu plus loin concernant ce sujet qui, malheureusement, a encore un goût amer d’actualité.
Dans ce recueil, trois nouvelles explorent la Corée au 20ème siècle, des nouvelles initialement publiées et traduites séparément et rassemblées ici à l’occasion d’une publication au format poche : Il surveille son père, Là-bas, sans bruit, tombe un pétale et Avec cette neige grise et sale.
Avec Il surveille son père, l’autrice nous parle d’une blessure familiale et d’un père devenu un fantôme à la fois auquel un fils s’accroche et auquel il voudrait échapper. Un père auparavant admiré puis, peu à peu, méprisé voire haï. Un père qui a quitté la Corée du Sud pour se rendre au Nord, abandonnant femme et enfants, dont le petit dernier pas encore né. La première rencontre entre le narrateur et son père sera tardive, après le décès de la mère qui fut toujours fidèle à son mari perdu au-delà des frontières, mais essentielle pour faire la paix avec l’autre et avec soi.
Particulièrement éprouvant, Là-bas, sans bruit, tombe un pétale alterne plusieurs points de vue pour raconter d’une façon singulière l’impact intime des massacres de Gwangju. Une jeune fille a disparue et, tour à tour, nous suivons sa fuite de son propre point de vue tourmenté, de celui de personnes à sa recherche et depuis les paroles rapportées – à ces derniers – d’un homme qui l’a connue sans la connaître. C’est un texte à la fois puissant et violent, qui nous emmène sur les chemins de la folie naissant de l’indicible et du traumatisme ainsi que sur les violences quotidiennes dont sont victimes les femmes isolées ou seules sur les routes ainsi que les personnes qui se distinguent de comportements normés. Une critique politique et sociale indéniablement saisissante.
Enfin, avec Avec cette neige grise et sale Ch’oe Yun parle à la fois de pauvreté et de politique de censure à l’égard de l’opposition politique. C’est un texte à la fois sur le fil fragile sur lequel repose l’espoir ainsi que sur le courage, sur la difficulté d’échapper à la pauvreté et s’extirper d’une position sociale précaire.
Je ne pensais pas lire aussi vite ce recueil et j’en suis sortie avec l’impression de ne pas avoir vu le temps passer, d’avoir vraiment approché les personnages et les situations. Avec un grand sentiment de frustration aussi car j’aurais voulu lire d’autres textes de l’autrice dont ce recueil est malheureusement le seul traduit en français.
Cette lecture entre dans le cadre du Challenge coréen organisé par le blog Depuis le cadre de ma fenêtre.
Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas de chroniques trouvées pour le moment.
Et vous, quels textes sur le soulèvement de Gwangju conseillez-vous ?
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