❤ « Les jeunes mortes » de Selva Almada (Métailié, 2015)

Plusieurs livres m’ont fait très envie lors de la préparation de ma PAL du challenge @autricesdumonde du mois de juin. Celui-ci était en haut de la pile et j’en ressors toute retournée, éprouvée. Un texte très engagé contre les violences faites aux femmes, ici assassinées et toujours – on l’imagine – en attente de justice.

Quatrième de couverture : « Années 80, dans la province argentine : trois crimes, trois affaires jamais élucidées qui prennent la poussière dans les archives de l’histoire judiciaire. Des faits divers, comme on dit cruellement, qui n’ont jamais fait la une des journaux nationaux.

Les victimes sont des jeunes filles pauvres, encore à l’école, petites bonnes ou prostituées : Andrea, 19 ans, retrouvée poignardée dans son lit par une nuit d’orage ; María Luisa, 15 ans, dont le corps est découvert sur un terrain vague ; Sarita, 20 ans, disparue du jour au lendemain.

Troublée par ces histoires, Selva Almada se lance trente ans plus tard dans une étrange enquête, chaotique, infructueuse ; elle visite les petites villes de province plongées dans la torpeur de l’après-midi, rencontre les parents et amis des victimes, consulte une voyante… Loin de la chronique judiciaire, avec un immense talent littéraire, elle reconstitue trois histoires exemplaires, moins pour trouver les coupables que pour dénoncer l’indifférence d’une société patriarcale où le corps des femmes est une propriété publique dont on peut disposer comme on l’entend. En toute impunité.

À l’heure où les Argentins se mobilisent très massivement contre le féminicide (1808 victimes depuis 2008), ce livre est un coup de poing, nécessaire, engagé, personnel aussi. Mais c’est surtout un récit puissant, intense, servi par une prose limpide. »

Selva Almada part en quête d’introuvables vérités avec ce livre. Marquée dans l’enfance par l’annonce de l’assassinat d’une jeune fille, la liste des noms des victimes s’allongera terriblement au fil des mois et des années qui passeront. A partir de l’histoire de trois victimes, l’autrice va essayer de comprendre ce qui leur est arrivé. En rencontrant des membres de sa famille, du voisinnage ou encore en remontant dans ses souvenirs, c’est l’état d’un pays et la situation des femmes que Selva Almada présente. Une situation inacceptable qui peine à mener à la justice pour les victimes et les familles.

Les trois situations sont terribles, choquantes mais malheureusement courantes. Elles montrent des processus de prédation, de domination de certaines classes sur d’autres, des démarches officielles approximatives, des combats malheureusement perdus mais qui ne sont pas forcément abandonnés. Car l’infructosité des recherches de Selva Almada est annoncée dès la quatrième de couverture. Mais, si ce manque de dénouement peut être frustrant pour certain·e·s lecteur·trice·s, la force de ce livre est plus globale : montrer une double injustice fréquente.

Arriver à la conclusion qu’être en vie est une chance en dit long sur la situation. Malgré de fortes moblisations depuis 2015, les féminicides restent très fréquents en Argentine et l’inaction des autorités, liée à un machisme très ancré, a à nouveau été mise en cause suite à l’assassinat d’Úrsula Bahillo, 18 ans, le 8 février dernier.

Je sors de cette lecture assommée par la colère et le choc, en même temps que le coeur habité par ces jeunes filles outragées et assassinées parce que femmes. Ce livre de combat, ce texte mausolée, est porté par une écriture forte et déterminée, humaine et juste. Une découverte qui me donne indéniablement envie de lire d’autres romans de Selva Almada pour y retrouver sa force engageante, sa sensibilité et son regard sur la société argentine.

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Et vous, quel autre livre dénonçant des féminicides conseillez-vous ?

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