« La mère juive » de Gertrud Kolmar (Christian Bourgois, 2007)

Je n’avais jusqu’à présent jamais croisé le nom de Gertrud Kolmar (Gertrud Käthe Chodziesner) et l’ai découverte avec émotion. Attirée par la présentation de ce roman, j’ai consulté sa biographie : poétesse et romancière, elle fait le choix de rester en Allemagne aux côtés de son père. Tous deux seront déportés et assassinés à Auschwitz-Birkenau. La lecture de ce roman a donc été faite sur une double motivation : le sujet ainsi que la volonté de partager sa voix assassinée.

Quatrième de couverture : « Berlin, fin des années 1920, Martha Wolg, une jeune veuve juive, vit dans les faubourgs au milieu des jardins ouvriers et des lotissements tristes. Un soir, sa fille Ursa disparaît. Le lendemain, elle retrouve son corps inanimé dans un terrain vague : l’enfant a été violée. Quelques jours plus tard, à l’hôpital, incapable de supporter la vision de ce corps terrorisé et prostré, Martha empoisonne Ursa. Puis, pour survivre aux souvenirs et surmonter l’immonde, elle va chercher à venger son enfant. »

Une femme, Martha, élève seule sa fille, Ursa. Son quotidien consiste à pouvoir élever son enfant, faire en sorte qu’elle ne manque de rien, grâce à son métier de photographe. Alors que la petite a l’habitude de jouer à l’extérieur avec la fille d’une voisine et d’autres enfants, arrive un soir au cours duquel elle ne rentre pas. Ce sera le début de la descente aux enfers.

La quatrième de couverture dévoile déjà ce drame : la petite fille est retrouvée violée. Sa mère fera le choix de ne pas la laisser porter tout au long de sa vie ce traumatisme, elle lui donnera la mort et décidera de chercher le coupable. Mais même en connaissant cela, Gertrud Kolmar nous fait vivre une tension extrême entre l’espoir d’une mère dont on sait la douleur à venir et la violence des faits.

J’étais intéressée par ce roman pour son aspect vengeur avec en personnage principal une mère. Je ne cache pas que si dans la réalité je suis contre le principe de vengeance, j’apprécie beaucoup cela dans la fiction. Là est aussi son rôle d’exutoire. Mais j’ai finalement eu un peu de mal à saisir où voulait nous emmener Gertrud Kolmar au cours de la lecture.

Si l’enjeu se positionne au départ comme une quête de châtiment, le roman arpente les espaces du deuil, interroge la possibilité de se reconstruire et ce qu’une personne peut faire pour obtenir justice et fuir la souffrance, il exprime aussi la complexité des sentiments et ce que l’amour nous pousse à faire. Mais il y a autre chose qui poursuit Martha depuis des années (et pas uniquement elle) et qui est caché dans les interstices du roman : l’antisémitisme.

Information importante (selon moi), ce roman a été écrit entre 1930 et 1931 et n’a été publié pour la première fois qu’en 1965. Outre son intrigue, il donne un aperçu réaliste de l’ambiance de l’époque dans laquelle se déroule l’histoire. Par ailleurs, le sacrifice d’un enfant est un sujet inscrit dans la chair de Gertrud Kolmar, ayant elle-même dû avorter sous la pression en 1916.

Malgré le fait de me sentir parfois déroutée, j’ai été comme hypnotisée par l’écriture de l’auteure. Il s’est passé quelque chose. J’ai terminé ce roman en ne sachant pas vraiment quoi en penser (et ça se sent dans la chronique) mais s’il y a bien une chose dont j’étais certaine, c’est que malgré cela, je ne voulais pas quitter Gertrud Kolmar. Et ça, ce n’est pas rien !

Pour être tout à fait transparente, je crois ne pas avoir tout saisi dans ce roman et suis assez convaincue qu’il s’agit d’une lecture qui demande de lire les autres œuvres disponibles de l’auteure. Je pressens que des subtilités se dévoileront ainsi. J’ai déjà acquis son roman Susanna et un recueil de correspondances envoyées à sa soeur (réfugiée en Suisse), je poursuivrai ensuite avec sa poésie.

Cette lecture a été faite dans le cadre du mois Les feuilles allemandes organisé par le blog Et si on bouquinait un peu ?

Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué  : Pas de chronique trouvée pour le moment.

Et vous, quel roman avec une mère en personnage principal conseillez-vous ?

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