« Le temps des orphelins » de Laurent Sagalovitsch (Buchet-Chastel, 2019) #RL2019

J’ai lu ce roman juste après avoir fini La terre invisible d’Hubert Mingarelli et, depuis, je les lie comme les deux faces d’une même pièce. La libération des camps est abordée de deux façons très différentes par ces deux auteurs mais ils expriment un questionnement similaire : Comment cela a-t-il été possible ? Comment a-t-on pu laisser faire ? À ces questionnements toujours d’actualité face aux génocides et aux crimes contre l’humanité qui n’ont pas cessé, un autre est porté plus particulièrement par Laurent Sagalovitsch : quelle place pour la foi alors que Dieu semble avoir abandonné ses enfants ? Car si un orphelin est bien au cœur de ce roman, les victimes du processus génocidaire ne sont-elles pas toutes orphelines de Lui ?


Quatrième de couverture : « Avril 1945. Daniel, jeune rabbin venu d’Amérique, s’est engagé auprès des troupes alliées pour libérer l’Europe. En Allemagne, il est l’un des premiers à entrer dans les camps d’Ohrdruf et de Buchenwald et à y découvrir l’horreur absolue. Sa descente aux enfers aurait été sans retour s’il n’avait croisé le regard de cet enfant de quatre ou cinq ans, qui attend, dans un silence obstiné, celui qui l’aidera à retrouver ses parents.

Quand un homme de foi, confronté au vertige du silence de Dieu, est ramené parmi les vivants par un petit être aux yeux trop grands.

Lorsque, des années plus tard, ils se souviendraient de cette guerre, ce ne serait ni les plages ensanglantées de Normandie, ni la lente et interminable avancée dans les Ardennes, ni la libération de Paris auxquels ils songeraient mais à ce camp, à cette matinée d’avril où leurs vies avaient basculé. 


Je ne connaissais pas cet auteur et la rentrée littéraire d’automne m’a permis de faire une belle rencontre. Une rencontre puissante par les mots et par le sujet, une rencontre qui pose la question existentielle de la foi à l’épreuve de la Shoah.

Laurent Sagalovitsch va dire et décrire les camps d’Ohrdruf et de Buchenwald sur la base d’une solide documentation et chaque fait devient un peu plus insupportable. Je parlais de deux faces d’une même pièce en introduction et je le précise en disant que là où Hubert Mingarelli laisse le silence pour dire beaucoup, Laurent Sagalovitsch va dire pour montrer la limite du dicible et le fait que les mots ne seront jamais assez nombreux pour traduire la réalité pleine et entière.

Ce qui va maintenir Daniel debout ce sera un enfant sans nom et au regard immense. Le protéger, le prendre en charge et rechercher ses parents, voilà la mission du jeune rabbin. Recréer de l’espoir là où il s’agit d’un luxe pour survivre encore une nuit ou une heure. Cet enfant qui rappelle que la cruauté idéologisée ne connait pas de limites.

Ce roman est émotionnellement très exigeant. J’avoue avoir fait un certain nombre de pauses au cours de la lecture. Il est terrible, non seulement car il ne peut pas ne pas l’être, mais également car il donne à lire de temps en temps les lettres de la femme de Daniel, restée aux États-Unis, et qui ne peut pas entièrement comprendre ce que son mari a vu et vécu. Daniel a laissé dans ces camps et dans leur région une part de lui : de ce qu’il est en tant qu’homme, en tant qu’époux et père, en tant que rabbin. Ce moment devient une rupture, une déchirure à différents niveaux.

Merci aux éditions Buchet-Chastel et à Netgalley France pour cette découverte et cette lecture marquante.

Pour en savoir plus

 


Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Alex mot-à-mots


 

Et vous, connaissiez-vous cet auteur et lequel de ses romans conseilleriez-vous ?

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