« Elle s’appelait Sarah » de Pascal Bresson, Horne et Tatiana de Rosnay (Marabout, 2018)

J’avais été séduite par le travail de Pascal Bresson avec son roman graphique Simone Veil : l’Immortelle, je tenais donc absolument à lire son adaptation du roman culte de Tatiana de Rosnay (que je n’ai ni lu, ni vu), magnifié par le travail graphique de Horne que je découvre à cette occasion.


Quatrième de couverture : « Deux histoires se déroulent en parallèle : celle de Julia américaine qui vit à Paris, en 2000, avec son mari Bertrand et sa fille Zoë et celle de Sarah déportée avec son père et sa mère, en 194,2 lors de la rafle du Vel’ D’Hiv’. Les deux récits se rejoignent malgré les années qui les séparent.

Paris, juillet 1942 : Sarah, une fillette de dix ans qui porte l’étoile jaune, est arrêtée avec ses parents par la police française, au milieu de la nuit. Paniquée, elle met son petit frère à l’abri en lui promettant de revenir le libérer dès que possible.

Paris, mai 2002 : Julia Jarmond, une journaliste américaine mariée à un Français, doit couvrir la commémoration de la rafle du Vél d’Hiv. Soixante ans après, son chemin va croiser celui de Sarah, et sa vie va changer à jamais.

Elle s’appelait Sarah, est l’histoire de deux familles que lie un terrible secret, c’est aussi l’évocation d’une des pages les plus sombres de l’Occupation.

Le roman de Tatiana de Rosnay est porté par le souffle de Pascal Bresson et revit sous la délicatesse des dessins de Horne. »


Déjà, en le feuilletant j’ai compris que j’allais prendre des vagues d’émotions et la lecture n’a pas démenti cette première impression. La construction du récit fait que l’on est à la fois sur du récit historique et en même temps sur du contemporain avec deux destins qui s’entrecroisent, se cherchent et se fuient.

Julia va découvrir l’histoire française sous l’Occupation et sa complicité dans l’horreur. Elle va également deterrer des secrets bien enfouis, au risque de briser des murs porteurs de sa vie. Sarah, petite fille raflée à Paris en 1942, va tenter de se battre pour son frère, pour le libérer de sa cachette où il est resté enfermé, seul. Ses deux vies vont se croiser d’une façon particulière et cela rappelle que le présent ne peut être hermétiquement dissocié du passé. Cela rappelle la responsabilité de chacun après des décennies révolues.

Alternant les deux regards, les deux époques, les deux contextes, l’histoire se déroule sans que l’on ait le temps de s’en rendre compte. Le travail graphique de Horne est absolument magnifique et crée parfaitement les focus dans l’image, retranscrit les ambiances, joue avec brio avec la couleur. J’ai été absolument emballée par son trait et son style.

Si vous ne connaissez pas encore cette histoire je vous invite à découvrir ce roman graphique ; si vous la connaissez, je vous y invite également !

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Et vous, avez-vous aimé cette histoire, quel que soit sont support ?

👁 « Algériennes : 1954-1962 » de Deloupy et Swann Meralli (Marabout, 2018)

Décidément, j’aime beaucoup les romans graphiques des éditions Marabout ! Documentés, esthétiques, engagés, que demander de plus si ce n’est de pouvoir tous les lire ? Aujourd’hui c’est du point de vue des femmes que je souhaite aborder la guerre d’Algérie. Un point de vue que je trouve peu abordé de manière générale, peu importe le conflit.


Quatrième de couverture : « La guerre d’Algérie, cette guerre qui n’était pas nommée comme telle, est un événement traumatisant des deux côtés de la Méditerranée. Ce récit raconte la guerre des femmes dans la grande guerre des hommes…

Béatrice 50 ans, découvre qu’elle est une enfant d’appelé et comprend qu’elle a hérité d’un tabou inconsciemment enfoui : elle interroge sa mère et son père, ancien soldat français en Algérie, brisant un silence de cinquante ans. Elle se met alors en quête de ce passé au travers d’histoires de femmes pendant la guerre d’Algérie : Moudjahidates résistantes, Algériennes victimes d’attentat, Françaises pieds noirs ou à la métropole… Ces histoires, toutes issues de témoignages avérés, s’entrecroisent et se répondent. Elles nous présentent des femmes de tout horizon, portées par des sentiments variés : perte d’un proche, entraide, exil, amour… »


Lire ce livre dans le cadre de la thématique du mois était, non seulement pour parler de la place des femmes dans le conflit mais aussi et surtout de parler de femmes avant tout ! C’est avec les yeux de Béatrice, dont le père a fait la guerre d’Algérie, que nous allons découvrir ces différents parcours. D’où vient cette volonté de savoir ? Principalement du fait que son père ne veut justement pas parler. Le vide dans l’histoire familiale va être comblé avec les paroles d’autres personnes.

Ce que j’ai beaucoup aimé c’est le fait que l’on ne soit pas face à des responsabilités tranchées. Dans une guerre, tous les partis sont amenés à faire des choses humainement non recevables. Mais si les regrets et les remords existent les auteurs abordent ces histoires, ces témoignages, avec une immense délicatesse et sans porter de jugement hâtif. J’ai vraiment apprécié ce ton qui nous laisse recevoir les épisodes historiques et nous les approprier à notre façon.

Ensuite, au niveau de la construction du scénario, j’ai également apprécié le fait que les histoires se croisent et s’entrecroisent, que l’on puisse ainsi considérer d’une certaine manière les incidences d’actes dans la vie de tiers. C’est d’une grande justesse et permet d’adopter différents positionnements au cours du récit.

Les témoignages de la mère de Béatrice, de Saïda, de Djamila, de Bernadette et de Malika sont là pour dénouer les langues, pour aider à faire le deuil. Car la guerre d’Algérie, comme toute guerre, a été traumatisante : physiquement et psychologiquement, toujours.

Un roman graphique intelligent, documenté, bien construit et visuellement très beau, qui vient encourager les témoins à transmettre ce qu’ils ont en eux de leur passé, pour que les générations futures sachent. Une sacré réussite !

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Et vous, connaissez-vous un livre sur un conflit construit du point de vue des femmes ?

« Simone Veil : l’Immortelle » de Pascal Bresson et Hervé Duphot (Marabulles, 2018)

Cela faisait un moment que j’attendais la sortie de ce roman graphique sur la vie de Simone Veil et je n’ai pas été déçue !


Quatrième de couverture : « Cet album est un vibrant hommage à Simone Veil, figure féministe populaire et discrète. Le récit s’attache aux temps forts de sa vie, de la loi pour l’IVG défendue à l’assemblée nationale, à son enfance à Nice avant d’être déportée avec sa famille.

Simone Jacob est née en 1927 à Nice. À 17 ans elle est déportée à Auschwitz, avec toute sa famille. Ses sœurs et elle reviendront du camp de concentration. Cette période l’a marquée à jamais. En 1946, elle épouse Antoine Veil. Magistrat, elle devient en 1974, ministre de la Santé de Valéry Giscard d’Estaing, chargée de défendre la loi sur l’IVG. En 1993, elle occupe à nouveau la fonction de ministre des Affaires sociales et de la Santé dans le gouvernement d’Édouard Balladur. Simone Veil a également été députée européenne et membre du Conseil constitutionnel. Elle était présidente d’honneur de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Cette femme de conviction s’est très peu confiée. Le grand public ne connaissait que sommairement son parcours de déportée. Elle a attendu d’avoir 80 ans pour écrire ses mémoires (Une Vie, Ed. Stock). Elle raconte que c’est une kapo,  sans doute une prostituée Polonaise, qui lui a sauvé la vie en lui disant : Tu es trop belle pour mourir ici…

Chez nous comme dans tant de familles juives françaises, la mort a frappé tôt et fort. »


Le récit est tressé entre 1974 et les débats devant l’Assemblée nationale concernant la loi pour la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse et le passé de Simone Veil, dans plusieurs camps de concentration et d’extermination nazis, Auschwitz-Birkenau et Bergen-Belsen. Nous voyons la dignité face aux réactions et affirmations outrancières et obscènes, nous voyons une société divisée confrontée au changement.

Les dessins sont très beaux, les ambiances et les couleurs changent en fonction des périodes et situations représentées, la compréhension des sauts dans le temps est ainsi très aisée, le récit fluide. On sent très vite le niveau de documentation de cet ouvrage et il ne s’agit pas d’un livre pensé comme posthume. Loin de là.

Pascal Bresson a en effet commencé ce travail il y a trois ans, se documentant un maximum sur la vie de Simone Veil pour être le plus juste dans ses propos et le plus fidèle à la réalité qui, parfois, n’a rien à envier à la plus terrible des fictions. Le décès de Simone Veil a donc été un véritable choc, et il aura fallu à l’auteur un peu de temps avant de reprendre ce travail de mémoire à la fois de la Shoah mais aussi de la loi Veil et des droits des femmes de disposer de leur corps.

Le résultat qui en découle est un ouvrage très intéressant, très beau, qui se savoure et qui nous emmène au coeurs de certains combats de cette femme courageuse et forte, de cette femme en effet immortelle.

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Et vous, est-ce un ouvrage qui vous fait envie ?

« L’atelier des gueules cassées » de Sybille Titeux de la Croix et Amazing Ameziane (Marabout, 2018)

Cette bande-dessinée me faisait de l’œil depuis le début de l’année et j’ai enfin pu la découvrir ! Une très belle découverte, que ce soit au niveau du scénario, de la construction des personnages ou encore du dessin.


Quatrième de couverture : « Anna Coleman, sculpteur, va mettre au point des prothèses faciales pour les gueules cassées de la grande guerre. Le récit se déroule pendant la première guerre mondiale. Dans les tranchées en 1917 et à Paris en 1919.

Anna Coleman est une américaine marié à un médecin de Boston. Passionnée par la sculpture qu’elle a étudié avec Rodin, elle va revenir à Paris lors que la première guerre éclate. Elle accompagne son mari lorsqu’il se porte volontaire pour diriger un hôpital militaire. Elle découvre l’horreur de la guerre et les mutilations des soldats.

À Londres, elle visite le Tin nose shop un magasin de nez d’étain. Elle a trouvé sa vocation  : créer un procédé de reconstruction faciale pour permettre aux gueules cassées de retrouver leur dignité et de continuer tant bien que mal à avoir une vie sociale et amoureuse. »


Si au départ je n’ai pas vraiment accroché au dessin, je me suis très vite habituée et imprégnée de l’ambiance graphique. Finalement, j’ai aimé ce coup de crayon qui sait se faire rugueux ou doux quand le propos le requiert. Ce qui en soit, est une grande qualité car le ton des différents passages du livre s’est très bien installé.

Nous suivons trois personnages, trois tranches de vie. Si le propos de départ est l’installation du cabinet de création de masques pour les gueules cassées, à l’initiative d’Anna Coleman, nous découvrons aussi la vie d’Antonin de Mussan et de Félix Bontarel. Ils ont des grades différents lors de leur passage au front et des vies différentes aussi. Mais l’épreuve de la mutilation leur fait un point commun qui va les lier et les entraîner sur des chemins dangereux. La folie n’est jamais loin quand le malheur est grand, quand on a perdu une partie de soi et qu’on ne se reconnait plus.

Ce livre est une histoire sur la guerre, sur l’engagement ainsi que sur la reconstruction physique comme psychologique. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’il touche un grand nombre de lecteurs car, outre son positionnement historique, il peut avoir une portée qui ne se résume pas à ce conflit. Mais la question des gueules cassées, c’est vrai, est très liée à la Première Guerre mondiale et j’ai aimé que ces hommes soient au cœur d’une histoire et pas laissés au banc de la société.

« Les défigurés de la guerre avaient comme consigne de l’État de rester cachés le jour pour ne pas démoraliser le peuple qui ne voulait voir de son armée qu’un visage conquérant. Aussi, c’est la nuit que ces hommes surgissaient de partout et que Maynard avait pu les voir arpenter les rues comme des êtres d’un autre monde. »

Le dénouement est peut-être un peu rapide. Il est positif, ce qu’il faut souligner étant donné le sujet, les pathologies psychiatriques liées à la Première Guerre mondiale ayant été vraiment très lourdes. Une fin plutôt lumineuse et emprunte d’espoir qui clôt en beauté ce roman graphique qui ne nous épargne cependant pas la réalité de ce conflit. Un biopic bienvenu sur cette histoire méconnue, quelques photographies d’archives à la fin du livre viennent sceller son impact sur le lecteur.

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