Je vous retrouve aujourd’hui avec une lecture en lien avec l’actualité. Nous sommes en Irlande, dans les années 1980. Il est connu de toutes et tous que des institutions catholiques accueillent des jeunes femmes enceintes abandonnées par leur famille. Ce qui se sait moins et qu’il ne faut pas voir, c’est que les enfants sont arrachés à leur mère et que ces dernières sont exploitées et maltraitées.
Une commission d’enquête officielle a rendu, mardi [12 janvier], un rapport sur ces institutions catholiques dans lesquelles plus de 9 000 bébés sont morts de 1922 à 1998.
Le Monde, « L’Irlande demande pardon pour les victimes de ses « maisons pour mères et bébés » » 13 janvier 2021
Quatrième de couverture : « En cette fin d’année 1985 à New Ross, Bill Furlong, le marchand de bois et charbon, a fort à faire. Aujourd’hui à la tête de sa petite entreprise et père de famille, il a tracé seul sa route : élevé dans la maison où sa mère, enceinte à quinze ans, était domestique, il a eu plus de chance que d’autres enfants nés sans père.
Trois jours avant Noël, il va livrer le couvent voisin. Le bruit court que les sœurs du Bon Pasteur y exploitent à des travaux de blanchisserie des filles non mariées et qu’elles gagnent beaucoup d’argent en plaçant à l’étranger leurs enfants illégitimes. Même s’il n’est pas homme à accorder de l’importance à la rumeur, Furlong se souvient d’une rencontre fortuite lors d’un précédent passage : en poussant une porte, il avait découvert des pensionnaires vêtues d’horribles uniformes, qui ciraient pieds nus le plancher. Troublé, il avait raconté la scène à son épouse, Eileen, qui sèchement lui avait répondu que de telles choses ne les concernaient pas.
Un avis qu’il a bien du mal à suivre par ce froid matin de décembre, lorsqu’il reconnaît, dans la forme recroquevillée et grelottante au fond de la réserve à charbon, une très jeune femme qui y a probablement passé la nuit. Tandis que, dans son foyer et partout en ville, on s’active autour de la crèche et de la chorale, cet homme tranquille et généreux n’écoute que son cœur. »
Particulièrement bien accueilli par la critique, ce roman attendait son moment de lecture et l’actualité l’a guidé. Nous rencontrons Bill, sa femme et ses cinq filles. Nous rencontrons aussi son passé et les questions qui le hantent concernant ses origines.
Vendeur de combustibles, il est débordé en cet hiver particulièrement froid et livre autant les familles, les commerces que l’institution catholique du coin. Une livraison pas comme les autres va l’amener à découvrir ce genre de petites choses, comme dit son épouse.
Ces petites choses dont on parle parfois avec légèreté, à la fois soulagé de ne pas les vivre et qui alimentent une conversation sans que l’on se sente concerné. Ces petites choses qui font nos vies, qui font que l’on arrive à dormir ou qui nous rendent complices et, éventuellement, nous volent le sommeil. Ces petites choses qui nous définissent et qui peuvent sauver des vies.
Dans ce roman nous ne voyons pas les enfants privés de leur mère mais ils sont bien présents en creux tout au long de l’histoire, leur absence est palpable. Bill aurait pu être l’un d’entre eux, il symbolise une exception. Une jeune femme sans nouvelles de son bébé représente l’arrachement et la disparition : décédé, placé ou adopté. Leur présence entre les lignes est confirmée par la postface de l’auteure, qui rappelle à son tour les chiffres glaçants mais réels.
Un texte plein de bonté qui fait énormément de bien et qui nous invite à faire du bien quand les situations ne nous semblent pas justes. Un écriture envoûtante pour ce texte qui se déroule lors des fêtes de Noël, avec un personnage masculin extrêmement attachant. Une lecture qui annonce ma poursuite de la découverte de l’œuvre de Claire Keegan, sans aucun doute.
Pour finir, je souhaite relier ce sujet à la situation des jeunes filles coréennes qui vivent également une stigmatisation dès lors qu’elles portent un enfant hors du cadre traditionnel, qui subissent de fortes pression dans le but de se séparer de leur enfant pour ne pas attirer honte et commérages sur leur famille. Pour en savoir plus sur ce sujet, je vous invite à découvrir le documentaire Adoptée, pourquoi moi ? de Sun Hee Engelstoft (Arte).
Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Charlotte Parlotte • Mille (et une) lectures de Maeve • Lettres d’Irlande et d’Ailleurs • Books, moods and more • Le tourneur de pages • Le blog de Krol • The Cannibal Lecteur
Et vous, quel autre ouvrage de Claire Keegan me conseillez-vous ?
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