
J’ai découvert ce roman il y a plusieurs années. J’en étais intégralement tombée sous le charme. Il y a peu, j’ai vu qu’il existait une version de ce texte au format beau livre, illustré d’une sélection d’œuvres de Charlotte Salomon. Comment résister ? Pourquoi hésiter ?
Quatrième de couverture : « Le roman de David Foenkinos retrace la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre morte à vingt-six ans alors qu’elle était enceinte. Après une enfance à Berlin, Charlotte est exclue par les nazis de toutes les sphères de la société allemande. Elle vit une passion amoureuse fondatrice, avant de devoir tout quitter pour se réfugier en France. Elle y entreprend la composition d’une œuvre picturale autobiographique d’une modernité fascinante. Se sachant en danger, elle confie ses dessins à son médecin en lui disant : C’est toute ma vie.
Ce roman a connu un succès considérable depuis sa publication en septembre 2014 et a obtenu deux prestigieux prix littéraires, le prix Renaudot et le prix Goncourt des lycéens.
De nombreux lecteurs ont demandé à l’auteur de montrer les œuvres peintes de Charlotte, quelques-unes des centaines de gouaches qu’elle a laissées et dont l’ensemble, intitulé Vie? ou Théâtre? raconte son histoire.
Cette édition intégrale illustrée du roman est accompagnée de cinquante gouaches de Charlotte Salomon choisies par David Foenkinos, et d’une dizaine de photographies représentant Charlotte et ses proches. »
De ce roman, devenu un classique contemporain, j’ai entendu du bien et du moins bien. J’en avais un très bon souvenir mais cette belle édition s’est présentée à moi comme l’occasion de remettre en jeu mon premier avis.
Je me souviens que cette lecture m’avait marquée par son sujet – un roman biographique extrêmement fort – mais aussi par sa forme. Il s’agissait du premier roman en vers libres que je découvrais et j’avais beaucoup apprécié. Cette forme donne un rythme, une musique, en même temps qu’il met en avant des hésitations, des doutes, des cassures.
Je suis ressortie de cette seconde lecture émue et à nouveau conquise, trouvant que dérouler la vie de Charlotte avec ses œuvres en regard du texte est un vrai plus, apporte une réelle force page après page. Même si je ne suis pas amatrice du style pictural de l’artiste, j’ai été sensible au sentiment d’urgence dont ses œuvres sont particulièrement empruntes.
Charlotte Salomon est allemande. Sa famille est frappée d’une sorte de malédiction : la dépression et/ou la folie qui mènent toutes deux à de nombreux suicides. Puis, dans les années 1930 et 1940 en Allemagne, le danger est autre. Car Charlotte et sa famille sont juifs. Dès le début de la lecture nous savons qu’elle ne survivra pas à la haine, qu’elle sera déportée et assassinée. Entre sa naissance et sa mort prématurée, à 26 ans, une vie se déploie : avec ses passions, son art, ses doutes, ses blessures, ses chutes, ses forces, ses renaissances. C’est une femme complexe, confrontée à la perte dès son jeune âge, dont le parcours me bouleverse.
L’une des critiques qui revient régulièrement à l’encontre de ce roman est la place que prend David Foenkinos dans l’histoire. Il s’invite de temps en temps pour évoquer l’avancée de ses recherches, partager des anecdotes ou insister sur l’impact qu’a eu Charlotte sur lui. C’est quelque chose qui a dérangé certaines lectrices, trouvant qu’il venait prendre de la place là où ce n’était pas nécessaire au lieu de laisser l’espace à Charlotte. Une sorte d’abus de présence masculine, si je résume grossièrement. C’est notamment cette critique assez ferme qui m’a invitée à la relecture : aurais-je été légère dans mon féminisme à la première lecture ?
Je ne trouve pas. Je ne suis pas d’accord avec cette critique et je ne vois pas où est le problème dans ces quelques moments de rupture qui permettent à l’auteur d’exprimer son admiration et son émotion dans sa quête de Charlotte mais aussi son enthousiasme à nous la faire connaître. Si je devais avoir un parcours similaire concernant un•e artiste que j’admire, je serais sûrement tentée de faire le même genre d’apartés qui rappellent aussi une réalité : dans la mémoire – ou l’oubli – des lieux, dans la difficulté de trouver des traces et des archives, dans la joie quand l’ombre d’une réponse se profile. Je crois que réduire ce texte à une problématique sexiste c’est se tromper de combat et annihiler son message, ce qui me paraît assez dommage.
Je vais donc conclure sur mon coup de coeur qui se déclare pour la seconde fois : ce roman est à la fois beau, passionné, dramatique et révoltant. Un hommage réussi dont on sent l’importance pour David Foenkinos.
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