❤ « Que sur toi se lamente le Tigre » d’Emilienne Malfatto (Elyzad, 2020)

Tout début 2021 j’ai lu un roman pour lequel j’ai été incapable de trouver les mots. Alors, quand ça ne veut pas, je ne force pas. Les mots viendront quand ils seront prêts. C’est à l’occasion du visionnage du reportage En Irak, le combat des femmes pour leur liberté, réalisé par Lucile Wassermann et Jack Hewson et diffusé sur France 24, que j’ai senti qu’il était temps de secouer mon lexique interne pour faire jaillir ces fameux mots.

Quatrième de couverture : « Dans l’Irak rural d’aujourd’hui, sur les rives du Tigre, une jeune fille franchit l’interdit absolu : hors mariage, une relation amoureuse, comme un élan de vie. Le garçon meurt sous les bombes, la jeune fille est enceinte : son destin est scellé. Alors que la mécanique implacable s’ébranle, les membres de la famille se déploient en une ronde d’ombres muettes sous le regard tutélaire de Gilgamesh, héros mésopotamien porteur de la mémoire du pays et des hommes.

Inspirée par les réalités complexes de l’Irak qu’elle connaît bien, Emilienne Malfatto nous fait pénétrer avec subtilité dans une société fermée, régentée par l’autorité masculine et le code de l’honneur. Un premier roman fulgurant, à l’intensité d’une tragédie antique. »

C’est l’histoire d’une femme et d’un homme qui s’aiment. C’est l’histoire de l’homme tué à la guerre et de la femme qui découvre sa grossesse. C’est une histoire d’honneur aussi absurde que réaliste dans laquelle la famille envisage le crime pour laver la honte. Mais quelle honte ?

En alternant les points de vues nous découvrons des positions qui ont soif de violence, d’autres qui déplorent la situation à venir mais, que voulez-vous, c’est comme ça… d’autres ne comprennent pas mais ne voient pas les alternatives. Des voix qui décrivent un tragédie et s’y inscrivent.

Ce roman est terrible et dit les menaces qui entravent les femmes, le poids de la loi tribale qui supplante la loi de l’Etat, comme le dit si bien le reportage. Cette loi tribale qui est revenue à une pratique parfois radicale de l’Islam, qui est revenue à une oppression très marquée des femmes et à la négation de leurs droits et de leurs libertés.

C’est l’histoire d’une terre saoule à la nausée d’avoir trop bu le sang des femmes. Un sang versé par la main des hommes mais aussi par celle de femmes qui s’intègrent à l’organisation sociale et familiale sans la remettre en question.

Un premier roman qui a été sélectionné et lauréat de nombreux prix : Goncourt du Premier Roman 2021, Prix Hors Concours des Lycéens, Prix Ulysse du livre, Prix Zonta Olympe de Gouges, Mention spéciale des lecteurs Prix Hors Concours, Lauréate du Festival du Premier Roman de Chambéry 2021, Finaliste du Prix Régine Desforges.

Comment ne pas penser également à la nouvelle Seher de Selahattin Demirtaş, extrait de son recueil L’aurore ? Si vous avez aimé ce roman et que vous ne connaissez pas les nouvelles de Selahattin Demirtaş, je ne peux que vous recommander de le découvrir.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Lire en buvant un caféEmi LitValmyvoyou litMumu dans le bocageJu lit les motsJoelleBooksLa parenthèse de CélineLire&vousLe boudoir de NathLes lectures de CannetilleLes jardins d’HélèneDomi C lireZazy litAu fil des livresLyvresTant qu’il y aura des livresSin City

Et vous, quelle•s œuvre•s sur les crimes dits d’honneur conseillez-vous ?

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« Le parfum d’Irak » de Feurat Alani et Léonard Cohen (Nova éditions et Arte, 2018)

Je ne pense pas être la seule à ne pas comprendre grand chose à l’histoire contemporaine de l’Irak en même temps que je nous sais nombreux à toujours avoir entendu parler de ce pays à l’occasion d’actualités liées à la guerre.


Quatrième de couverture : « Roman graphique d’un genre singulier, Le parfum d’Irak est constitué des 1000 tweets que Feurat Alani a postés sur Twitter durant l’été 2016, poussé par la nécessité de raconter son Irak. L’auteur nous livre ses souvenirs avec émotion, depuis son premier séjour en Irak à l’âge de 9 ans jusqu’à sa décision de devenir journaliste pour couvrir la guerre sur place.

Ce témoignage puissant et unique, illustré par les magnifiques dessins de Léonard Cohen, offre un autre regard sur un pays trop souvent résumé par les images qu’en renvoient les médias. »


Feurat Alani est franco-irakien et quand il découvre enfant le pays de ses parents, il découvre un monde de parfums, une culture, un quotidien bien différent de celui en France, une famille restée au pays qui pense à lui malgré la distance. L’Irak sera désormais une partie concrète de ce qu’il est. Feurat nous raconte ses voyages sur plusieurs années : de son enfance à l’âge adulte, du temps innocent (mais pas aveugle) des vacances à l’engagement journalistique sur un terrain de guerre.

Le format des tweets demande de la concision et de la clarté au récit et le challenge est relevé haut la main. J’ai enfin eu le sentiment d’y comprendre quelque chose même si les différents courants religieux restent un peu opaques pour moi. Nous reprenons étape par étape les événements qui ont amené à l’occupation par l’armée américaine, la montée en puissance des intégrismes et la pleine éclosion de l’Etat islamique.

« Nous jouons au foot dans un petit stade, près d’une mosquée. Personne ne se doute que ce stade deviendra le cimetière des martyrs quinze ans plus tard. » (Tweet n°32)

Mais au-delà du récit géopolitique, nous voyons l’impact sur les personnes, les restrictions, les débrouillardises, les dangers, les peurs, les résistances, les exils, les pertes. Ce pays que Feurat a aimé, avec le parfum des abricots, n’est plus ce qu’il était. Cela ne l’empêchera pas d’immortaliser dans ses reportages la vie qui y résiste comme la mort qui y plane. Entre subjectivité et objectivité, ce livre est un voyage d’où nait de belles émotions autant que de la colère, un voyage que j’ai été heureuse de faire avec Feurat Alani et Léonard Cohen dont les illustrations sont absolument magnifiques.

Une fois le livre refermé il ne reste qu’une chose à faire : découvrir les épisodes animés diffusés sur Arte. Ou vice-versa, si vous n’avez pas encore ce livre dans votre bibliothèque. Pour ma part, j’attends aussi d’en savoir plus sur l’enquête que l’auteur souhaite mener sur l’origine des déformations constatées sur les nouveaux nés depuis 2004, depuis la bataille de Falloujah.

« Certains choisissent l’hommage silencieux. La réserve. D’autres ont besoin de faire entendre leur malheur. De le crier. » (Tweet n°994)

Pour en savoir plus

Découvrez dès à présent l’intégrale des animations tirées du livre :


Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Laurent Gourlay


 

Et vous, quel livre sur l’Irak conseilleriez-vous ?