« Strange Fruit » de David Margolick (Allia, 2009 – réed. 2021).

Nous sommes en 1939, la ségrégation mortifère fait rage dans les États du Sud et une jeune femme monte sur scène. Dans un club progressiste du Nord – région qui n’était pas un paradis de l’égalité – où se côtoient sans discrimination personnes noires et blanches, une chanson sur le lynchage va marquer la naissance d’un hymne encore porté aujourd’hui comme un symbole au sein de différentes luttes. Un titre culte et inoubliable qui continue de déranger certaines personnes aussi.

Présentation de l’éditeur : « En 1939, quand Billie Holiday interprète pour la première fois Strange Fruit, elle n’a que 24 ans et déjà un nom dans le milieu du jazz. Or, peu de poncifs racistes et sexistes lui furent épargnés. Non sans susciter le scandale, Billie Holiday chanta Strange Fruit, évoquant l’assassinat des noirs par lynchage seize ans avant que Rosa Parks refuse de céder sa place à un Blanc dans un bus en Alabama. Protest song avant l’heure et figure symbolique de la marche des Noirs vers l’émancipation, cette chanson fut écrite par un Juif blanc new-yorkais, Abel Meeropol, qui recueillit les enfants Rosenberg après que leurs parents furent exécutés. Selon Angela Davis, cette chanson a replacé la protestation et la résistance au centre de la culture musicale noire contemporaine. La revue musicale britannique Q, a classé Strange Fruit parmi les dix chansons qui ont véritablement changé la face du monde. David Margolick montre son importance, aussi bien musicale qu’historique, en s’appuyant sur de nombreux témoignages. »

La chanson Strange Fruit a une place singulière dans la musique du 20ème siècle. Elle est entourée d’histoire et de l’aura de Billie Holiday – qui eue elle-même une vie singulière. Née en 1915 et décédée en 1959 des suites d’une consommation abusive de drogues et d’alcool.

Dans cet essai, David Margolick revient sur l’histoire d’une chanson qui se fait aussi une analyse de la société américaine. Il montre le succès du morceau et de son interprétation par Billie Holiday, l’excellente réception de la part du public lettré et engagé mais sa méconnaissance de la part d’une grande partie de l’Amérique populaire, voire illettrée. Egalement, il y aura un rejet de ce titre : pour des raisons racistes, par gêne de Blancs vis-à-vis du sujet mais également par douleur de la part de personnes ayant été traumatisées par un lynchage ou d’autres violences racistes.

Année après année, le succès ne faiblira pas auprès d’un public acquis à la cause et il traversera l’Atlantique. Mais l’auteur constate qu’encore aujourd’hui il est rare d’entendre cette chanson à la radio malgré son poids historique et sa qualité artistique. Encore aujourd’hui, elle dérange. Raison de plus de l’écouter et de la faire découvrir, non ?

De son écriture par Abel Meeropol (qui dû prouver sa paternité) à sa survivance aujourd’hui, ce texte montre comment une œuvre musicale peut impacter un pays et le monde tout en nous faisant rencontrer une artiste unique qui osa défier l’ordre établi alors qu’on attendait d’elle des chansons d’amour contrariées.

Cette chanson avait un son particulier à mes oreilles mais, après cette lecture, elle ne sera plus jamais pareille. Encore plus forte, si toutefois c’était possible. Encore reprise aujourd’hui, j’ai passé de nombreux moments à découvrir sa réinterprétation. A mon sens, seule Nina Simone tient la comparaison. Parce que Nina a une place toute particulière dans mon cœur. Et il y a désormais aussi une place pour Billie.

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Et vous, connaissez-vous cette chanson historique ?

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« Geronimo » de Matz et Jef (Rue de Sèvres, 2017)

Geronimo : tout le monde connaît son nom mais qui connaît vraiment son histoire ? A l’occasion des 112 ans de son décès, le 17 février 1909, j’ai envie de vous parler de cet homme qui incarne la résistance des premières nations.

Quatrième de couverture : « Le récit d’une figure historique emblématique des luttes indiennes.

1850, dans les paysages grandioses du nord du Mexique. Goyahkla, guerrier et homme-médecine Apache, alerte ses compagnons : il a une vision d’horreur, il leur faut vite rentrer au camp. À leur arrivée, femmes et enfants ont été décimés. La guerre contre les Mexicains fait rage et est d’une violence sans limite. De cet épisode, Goyahkla gardera une haine inextinguible contre les Mexicains et un désir de vengeance qui guidera peut-être parfois à tort les décisions de celui qui sera bientôt renommé Geronimo… Mais la vraie guerre est peut-être plus sournoise, celle des blancs qui s’accaparent les terres sous couvert de collaboration.

Voici le récit de l’affrontement de deux hommes et deux visions : Geronimo, à la tête du dernier groupe Apache résistant aux blancs et aux Mexicains, et Chapo, qui fait le choix de collaborer avec les blancs en échange d’une semi-liberté. »

Ce roman graphique aux illustrations impressionnantes (même si je ne les ai pas toujours trouvées égales en qualité – à mon goût) retrace l’histoire qui a fait que Goyathlay est devenu Geronimo, puis ce qui a fait de lui un symbole international. Nous le rencontrons adulte, homme médecine apache alors que des troupes mexicaines assassinent les membres de la tribu, profitant que les guerriers se soient absentés. Parmi les victimes il y a les membres de sa famille, dont sa femme et ses enfants. Ces assassinats, Goyathlay n’en fera jamais vraiment le deuil et se lancera sur le chemin de la guerre. Son sens de la stratégie, sa bravoure et son besoin de vengeance auront pour effet d’effrayer les troupes mexicaines, ces dernières fuyant en appelant saint Jérôme : Geronimo est né.

Alors que la situation ne s’apaise pas avec les mexicains, des yeux pâles font leur apparition sur les terres apaches… Ils veulent le contrôle sur les populations, ils veulent la propriété des terres.

C’est l’histoire d’un peuple qui n’avait qu’une parole et qui a fait confiance à un autre qui n’en avait souvent pas, par avidité, cupidité et une vision conquérante et raciste du monde. C’est l’histoire d’un homme qui a parfois été épuisé par la guerre mais qui ne voyait pas d’autre chemin à emprunter pour protéger son peuple, sa culture et la terre de ses ancêtres. C’est l’histoire d’un homme qui a parfois été aveuglé par sa colère et son besoin de vengeance mais qui a toujours été fidèle à ses valeurs et loyal envers sa tribu. C’est l’histoire des terres spoliées, des peuples dépossédés, des tribus écrasées par la masse colonisatrice. C’est l’histoire d’un homme qui voulait, pour lui et ses proches, une vie libre.

J’ai vraiment apprécié découvrir l’histoire de Geronimo, même si je n’ai pas toujours été en accord avec les voies de la vengeance, j’ai compris sa douleur et sa détermination. Avec cette histoire nous découvrons le processus de création des réserves indiennes et comprenons que les combats – et la vie d’avant – étaient perdus d’avance. Ce roman graphique, construit en une succession de périodes, d’épisodes importants de la vie de Geronimo et des Apaches, est très dynamique. La lecture est tout simplement captivante.

J’ai tenu à vous parler de ce roman graphique en le liant à l’actualité, car encore aujourd’hui des populations sont menacées et assassinées pour des questions de terres, de richesses des sols à exploiter et d’incompréhension face aux personnes qui ne souhaitent pas vivre dans une société mondialisée (ce serait dommage de ne pas épargner une seule zone de la planète et de laisser des gens libres de vivre selon leurs cultures et croyances). Sur ce sujet, vous pouvez retrouver ma chronique du roman graphique Amazona de Canizales. Également, les descendants des premières nations d’Amérique du Nord sont toujours bafoués dans leurs droits et discriminés.

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Et vous, quel livre sur une personnalité historique avez-vous aimé ?

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❤ « Tyler Johnson était là » de Jay Coles (Le livre de poche jeunesse, 2021)

Je crois Jay Coles quand, dans ses remerciements, il évoque les larmes versées au cours de l’écriture de ce roman. Je le crois profondément et je vous invite à partager ce roman aux adolescents qui vous entourent, à partir de 15 ans. Réaliste et percutant, il interroge la violence et le racisme quotidiens ainsi que les différentes réactions qui découlent de ces actes, des proches des victimes à la population dans sa globalité.

Quatrième de couverture : « Au début, on était quatre. Mes meilleurs potes, mon jumeau et moi. Né dans un quartier où tout est moche, sale et criblé de balles, on s’en est plutôt bien tirés. Tyler est un gars cool et populaire. Je bosse dur pour sortir du ghetto. On peut être noir et réussir dans ce monde de blancs. En tout cas, c’est ce que je croyais. Jusqu’au jour où Tyler a disparu. »

Roman à la première personne, nous suivons Marvin dans sa vie d’adolescent : la famille, les ami•e•s, le lycée et le quartier délabré. Et parmi tout cela, ses rêves d’avenir. A la maison ce n’est pas simple : il y a Mama et Tyler, son jumeau. Son père est en prison pour de longues années pour un crime qu’il n’a pas commis.

Dès le début du roman le ton est donné : quand tu es noir•e (ici aux États-Unis) tu as la couleur du suspect (si ce n’est du coupable). Quand tu réussis brillamment tes études, on te trouve vraiment intelligent, sous-entendu pour un•e Noir•e. Tu fais figure d’exception pour ceux qui participent à la discrimination mais qui s’enorgueillissent de t’ajouter à leurs statistiques.

Depuis quelques temps, Marvin et Tyler ne sont plus aussi proches qu’avant. Chacun grandit et s’affirme, chacun arpente son chemin. Marvin remarque des choses au lycée et va essayer de savoir ce que Tyler fait et qui l’inquiète. Lors d’une soirée organisée par un dealer du quartier, lui aussi élève au lycée, les choses vont très mal tourner. Tyler, lui, est introuvable.

Ce que j’ai trouvé particulièrement intéressant dans ce roman c’est son réalisme. Que ce soit autour des questions de violence et de racisme ainsi que pour les tempéraments et la complicité des adolescents qui l’habitent. Les lecteur•trice•s pourront sans aucun doute se retrouver dans certaines réactions et cela rend la construction narrative très efficace. C’est terriblement crédible. De même, il n’y a pas de manichéisme. Ce n’est pas les bons d’un côté et les méchants de l’autre : Jay Coles nous propose une grande diversité de personnalités et de réactions en même temps qu’il retranscrit certains mouvements de pensées que nous connaissons pour les voir et les entendre régulièrement. Son personnage principal, Marvin, choisira de vivre sa tristesse, sa colère et son indignation comme moteurs de réflexions sur la violence, sa volonté de rendre hommage à son frère comme démarche de résilience.

Ce roman interroge les stéréotypes racistes ancrés dans une société, la ghettoïsation d’une partie de la population, l’accès à l’éducation différencié en fonction du lieu de vie et donc l’inégalité des chances, les mauvais choix alors qu’il n’y a que peu de choix, les violences et assassinats arbitraires de personnes (mineures et majeures) sur des bases racistes, les réactions de soutien qui peuvent être difficiles à accepter et les réactions de détracteurs insoutenables, la déformation des faits qui entretien les stéréotypes et enferme dans des déterminismes biaisés, la vie brisée d’un garçon donnée en pature sur les réseaux sociaux et les chaînes de télévision. Concernant les réseaux sociaux, j’ai vraiment apprécié un passage qui met l’accent sur le #alllivesmatter en réponse à #blacklivesmatter, qui montre enfin son aspect fallacieux dont le sens (conscient ou inconscient) élude la problématique raciste dénoncée, invisibilise les victimes et exprime parfois un racisme camouflé sous de pseudo bons sentiments. Enfin, le deuil est aussi au coeur de ce roman, avec ce qu’il porte de regrets et de remords.

Vous l’aurez compris, ce roman jeunesse permet d’aborder beaucoup de sujets et se révèle extrêmement complet pour mieux comprendre des problématiques qui secouent malheureusement régulièrement l’actualité. De petits pas de côté sont faits pour parler de sexualité, ce qui est aussi une réalité quant aux questionnements des jeunes. Cela a fini de me convaincre.

A commander d’urgence dans les CDI et à recommander à tou•te•s les adolescent•e•s (ainsi qu’aux plus grand•e•s).

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Et vous, quel•s roman•s sur le racisme institutionnel conseillez-vous pour des adolescent•e•s ?

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❤ « Underground railroad » de Colson Whitehead (Albin Michel, 2017 ; Le Livre de Poche, 2019)

Après avoir adoré le roman Nickel Boys sorti il y a quelques mois, j’ai décidé de repasser du temps avec Colson Whitehead avec ce précédent roman qui l’a immensément popularisé en France. Le coup de coeur a eu lieu.

Quatrième de couverture : « Cora, seize ans, est esclave sur une plantation de coton dans la Géorgie d’avant la guerre de Sécession. Abandonnée par sa mère lorsqu’elle était enfant, elle survit tant bien que mal à la violence de sa condition. Lorsque Caesar, un esclave récemment arrivé de Virginie, lui propose de s’enfuir pour gagner avec lui les États libres du Nord, elle accepte.

De la Caroline du Sud à l’Indiana en passant par le Tennessee, Cora va vivre une incroyable odyssée. Traquée comme une bête par un impitoyable chasseur d’esclaves, elle fera tout pour conquérir sa liberté.

Exploration des fondements et de la mécanique du racisme, récit saisissant d’un combat poignant, Underground Railroad est une œuvre politique aujourd’hui plus que jamais nécessaire. »

Ce roman m’a fait réaliser que si je lis souvent des romans qui décrivent des parcours dans les États-Unis ségrégationnistes au 20ème siècle et le racisme persistant au 21ème, je lis peu sur l’histoire de l’esclavage. Cette lecture a été la confirmation de mon admiration pour Colson Whitehead mais aussi le déclencheur d’une recherche bibliographique afin d’approfondir mes connaissances littéraires sur ce crime contre l’humanité.

Très réaliste, ce roman a été difficile dès le départ. Le quotidien et les exactions qui le composent, les relations conflictuelles entre les esclaves, tout cela a été une première claque dès le début de la lecture. Le style de l’auteur m’a subjuguée et a confirmée ma préférence pour la sobriété quand il s’agit de parler de sujets graves, la force du factuel suffisant à toucher sans en faire des tonnes. Mais Colson Whitehead a aussi un immense talent de conteur et sait nous rendre réels chaque personnage et chaque situation. La construction de l’histoire, en prenant différents points de vues tout en suivant le parcours de Cora, a été exceptionnelle. Si j’ai anticipé les retournements de situations dans Nickel Boys, ici je me suis laissée surprendre (pour le pire et le meilleur) du début à la fin.

Cora est une jeune esclave dans une plantation de Géorgie, page après page elle devient un personnage inoubliable. Abandonnée enfant par sa mère, connue comme étant la seule esclave a avoir réussi à fuir sans être rattrapée, elle va être amenée à son tour à fuir la plantation des Randall. Va alors commencer pour elle un éprouvant périple à la recherche d’un lieu qui respectera son humanité et lui permettra de vivre en se libérant de la peur, ce qu’elle n’a jamais connu. Toujours près d’elle, un chasseur d’esclaves la traque, obnubilé par la revanche et le trophée qu’elle représente après la fuite de sa mère.

Dans la plantation puis à travers différents États et différents personnages, Colson Whitehead nous montre la violence, toute l’horreur et la perversité du racisme, les dispositions prises par différents États, le pseudo-progressisme de certains d’entre eux, l’inhumanité quotidienne, la médiocrité ordinaire mais aussi le courage de certaines personnes prêtes à risquer leur vie pour en sauver d’autres, notamment grâce au chemin de fer clandestin (qui n’en était pas vraiment un mais qui ici en prend littéralement la forme). C’est riche et c’est complexe, c’est révoltant et parfois rassurant quant à la nature humaine (mais plus souvent révoltant que rassurant, en fait), c’est effroyable mais aussi porteur d’espoir.

Une oeuvre immense qui questionne l’histoire d’un pays et son héritage. Car si on entend certaines personnes dire qu’il faut laisser le passé où il est, que le temps a passé (ce qui me rend folle), l’amnésie n’apporte jamais rien de bon.

Peut-être que certain•e•s d’entre vous ne l’ont pas encore lu, alors je préfère prévenir qu’il y a des passages qui frôlent l’insoutenable. Ce n’est jamais gratuit et c’est nécessaire à la transmission de la mémoire mais il faut s’y préparer un peu.

Une lecture qui m’a complètement habitée, chaque matin je n’attendais qu’une chose : finir ma journée de travail pour me replonger immédiatement dans ce roman (et les journées ont été interminables), pour retrouver Cora. Un roman aussi magistral que glaçant qui sera sans aucun doute encore lu durant de nombreuses années par de nombreux•ses lecteurs•trices.

Je vais tenter de découvrir, dans l’année j’espère, d’autres romans antérieurs de Colson Whitehead pour ménager mon impatience concernant un prochain roman traduit.

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Et vous, qu’avez-vous lu de Colson Whitehead ?
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« Blanc autour » de Wilfrid Lupano et Stéphane Fert (Dargaud, 2021)

Qu’est-ce que j’ai pu être impatiente de découvrir ce roman graphique ! Qu’est-ce que j’ai pu me régaler en regardant les illustrations de Stéphane Fert ! Qu’est-ce que j’ai pris plaisir à découvrir cet épisode de l’histoire américaine scénarisé par Wilfrid Lupano !

Quatrième de couverture : « 1832, Canterbury. Dans cette petite ville du Connecticut, l’institutrice Prudence Crandall s’occupe d’une école pour filles. Un jour, elle accueille dans sa classe une jeune noire, Sarah.

La population blanche locale voit immédiatement cette exception comme une menace. Même si l’esclavage n’est plus pratiqué dans la plupart des États du Nord, l’Amérique blanche reste hantée par le spectre de Nat Turner : un an plus tôt, en Virginie, cet esclave noir qui savait lire et écrire a pris la tête d’une révolte sanglante. Pour les habitants de Canterbury, instruction rime désormais avec insurrection. Ils menacent de retirer leurs filles de l’école si la jeune Sarah reste admise.

Prudence Crandall les prend au mot et l’école devient la première école pour jeunes filles noires des États-Unis, trente ans avant l’abolition de l’esclavage. Nassées au coeur d’une communauté ultra-hostile, quelques jeunes filles noires venues d’un peu partout pour étudier vont prendre conscience malgré elles du danger qu’elles incarnent et de la haine qu’elles suscitent dès lors qu’elles ont le culot de vouloir s’élever au-dessus de leur condition. La contre-attaque de la bonne société sera menée par le juge Judson, qui portera l’affaire devant les tribunaux du Connecticut. Prudence Crandall, accusée d’avoir violé la loi, sera emprisonnée… »

C’est une histoire inspirée de faits réels que nous racontent Wilfrid Lupano et Stéphane Fert : celle d’une école que Prudence Crandall, sa directrice, a tenté de s’ouvrir à des jeunes filles sans distinction de couleur de peau et qui, face aux réactions de la population locale et des familles des élèves blanches, a choisi de s’engager pour accueillir uniquement des jeunes filles noires.

Présente en filigrane, je ne connaissais pas l’histoire de Nat Turner et j’ai été très intéressée par ce personnage historique dont le parcours impacte directement celui de ces femmes. En effet, les personnes blanches convaincues du bien fondé de l’existence du racisme utilisent l’histoire de cet homme comme justification au non accès à l’éducation des personnes noires. C’est un combat mené à la fois par Prudence Crandall mais aussi par chacune des jeunes étudiantes que nous suivons, dans un esprit de sororité et de puissance féminine qui fait écho à certaines écoles de pensée actuellement très vivantes.

Si le sujet est grave et que les idées que transmettent les auteurs sont sérieuses, j’ai beaucoup apprécié les touches d’humour présentes tout au long du récit ainsi que la diversité des caractères et des positions des femmes membres de l’école (et de deux personnages masculins – je ne les oublie pas – que je vous laisse découvrir). Des positions qui interrogent l’ordre établi parfois jusqu’aux contenus des enseignements qui peuvent se révéler être la continuité de la pensée dominante.

C’est un combat contre le racisme mais c’est aussi un combat féministe dans une époque où la place de la femme est extrêmement définie. Si l’accès à cette école demandait des moyens financiers et donc s’adressait à des familles relativement aisées ; si l’école a été forcée de fermer face à l’animosité et à la bêtise raciste, il n’en reste pas moins que des graines ont alors été semées avant de germer et d’être portées dans d’autres endroits du pays, auprès d’enfants qui eux-mêmes ont pu les porter ailleurs et ainsi de suite.

J’ai aussi apprécié cette histoire car elle est située dans un État non esclavagiste mais montre bien que l’état d’esprit est profondément discriminant. Si les États du nord ont permis de refaire leur vie loin des plantations et des exactions pour nombre de personnes noires, il me semblait important de montrer que cela ne correspondait pour autant pas à une situation juste et idéale.

Un dossier en fin d’ouvrage, rédigé par Joanie DiMartino, Conservatrice du musée Prudence Crandall, montre l’engagement de certaines étudiantes de l’école au cours de leur vie : dans la lutte contre l’esclavage et dans l’Underground Railroad notamment, mais aussi dans l’enseignement.

Finalement, le propos dépasse aussi l’histoire que nous racontent les deux auteurs (qui, je pense, se sont bien trouvés). Il est ici question du pouvoir de l’éducation, du droit à son accès et du refus d’une partie de la population à le voir autorisé à d’autres. Cela nous rappelle les discriminations ayant eu cours à l’époque coloniale, celles qui ont persisté aux États-Unis mais aussi le fait que l’école est encore inaccessible à de nombreux enfants dans le monde, l’empêchement spécifique réservé aux filles étant particulièrement préoccupant.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : ImaginoireBd-Chroniques de Jacques SchraûwenMadame CDILes lectures d’HatchiLittleprettybooksDes livres et Sharon

Et vous, connaissiez-vous cette histoire ou celle de Nat Turner ?

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« Les indésirables » de Kiku Hughes (Rue de Sèvres, 2021)

Il y a quelques mois j’ai été bouleversée par le roman graphique Nous étions les ennemis de George Takei et Harmony Becker et, voyant cette parution annoncée pour la rentrée littéraire, j’ai souhaité voir comment le même sujet pouvait être abordé pour un public adolescent.

Quatrième de couverture : « Kiku a 16 ans. Americano-japonaise, elle se sent déconnectée de son héritage japonais et en sait peu sur l’histoire de sa famille qui cultive le secret. Alors qu’elle est en vacances avec sa mère à San Francisco, elle se retrouve brusquement dans les années 1940, propulsée dans un des camps qui a fleuri sur le territoire américain au lendemain de Pearl Harbor. Parquée, Kiku partage le quotidien de sa jeune grand-mère et de 120 000 citoyens nippo-américains déchus de tous leurs droits civiques par leur propre gouvernement, car accusés d’être des ennemis de la nation.. »

Le dessin n’est pas dans la lignée de ceux que je préfère mais je me suis laissée emporter sans mal dans ce voyage dans le passé et dans la mémoire familiale d’une jeune fille américano-japonaise, touchée par la haine sur le sol américain durant la Seconde Guerre mondiale.

Dès le début de la lecture un nom me vient en tête : Octavia E. Butler et son roman Liens de sang (dont j’ai lu l’adaptation graphique réalisée par Damian Duffy et John Jennings). Alors que Kiku se promèneà San Francisco, avec sa mère, à la recherche de la maison de leurs aïeux, elle est renvoyé vivre un épisode du passé : elle y découvre sa grand-mère. Plusieurs allers-retours entre présent et passé, plus ou moins longs, vont amener la jeune fille à prendre conscience du passé traumatique de sa famille et à ouvrir le dialogue avec sa propre mère. Kiku Hughes questionne la transmission des traumatismes et l’impact de ces derniers dans la construction de nos identités. Que transmettons-nous et pourquoi ? Et, à l’inverse, que choisissons-nous de ne pas transmettre et pourquoi ?

En rejoignant sa grand-mère dans le passé, Kiku montre aux lecteurs•trices un pan de l’histoire peu connu : le quotidien dans les camps et, de fait, la responsabilité des États-Unis dans la mise en place d’un système discriminatoire et de détention. Pour ne pas oublier, pour ne pas reproduire et pour transmettre à son tour la force de l’indignation et du refus de la haine, quelle qu’elle soit.

Ce roman graphique est parfaitement adapté à un lectorat adolescent mais il m’a semblé manquer de pas mal d’informations en comparaison du très complet Nous étions les ennemis. Cependant, l’essentiel est bien présent et permet de comprendre cette histoire longtemps éludée par les États-Unis. Concernant le récit en lui-même, je regrette qu’il n’y ait pas eu de réelle rencontre entre Kiku et sa grand-mère, ça m’a manqué.

Si les sujets centraux sont l’arrestation et la détention de plus de 120 000 citoyens nippo-américains et la mémoire, Kiku Hughes ouvre son récit à des sujets d’actualité amenés avec justesse et pertinence. Je vous laisse les découvrir.

Pour ma part, la piste de lecture complémentaire envisagée est No no boy de John Okada (Editions du Sonneur, 2020).

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué  : Lyvres

Et vous, est-ce un pan de l’histoire américaine que vous connaissiez ?

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❤ « Rhapsodie en bleu » d’Andrea Serio d’après Silvia Cuttin (Futuropolis, 2020)

Librement adapté du roman (non traduit en français) Ci sarebbe bastato de Silvia Cuttin, ce roman graphique m’a beaucoup impressionnée. Graphiquement irréprochable, sa construction narrative tressant différentes périodes rend l’histoire très émouvante, d’autant plus dans ce contexte historique – italien, européen, mondial – des années de guerre.

Quatrième de couverture : « Trieste, été 1938. Rien, durant cet été tranquille, ne laisse présager le sort dramatique qui attend le jeune Andrea Goldstein. Pourtant, quelques semaines plus tard, la proclamation de lois raciales par le pouvoir fasciste l’obligera à s’exiler aux États-Unis. New York deviendra un lieu sûr pour retrouver une vie normale, ouverte à mille possibilités.

Cependant, lorsque l’écho des horreurs de la guerre en Europe deviendra assourdissant, Andrea – désormais Andrew, citoyen américain – fera un choix difficile mais courageux. »

Difficile de chroniquer ce roman graphique sans risquer de dévoiler certains passages qu’il vous faut découvrir lors de la lecture pour ne pas qu’ils soient gâchés. Je pourrais dire cela de tous les livres, mais je ressens que celui-ci en particulier me demande de prendre des précautions.

Cette histoire trouve son origine dans la mise en place des lois raciales en Italie sous le régime fasciste et de leur impact sur une famille, plus particulièrement par le prisme de la vie d’Andrea Goldstein. Il y a l’avant et l’après déclaration des lois abjectes. Il y a ceux qui restent mais aussi ceux qui partent et pensent à ceux qui sont restés. Il y a le nouveau pays d’accueil, par-delà l’Atlantique et lui-même raciste, et le monde qui s’embrase. Il y a une nouvelle vie à construire ainsi que des choix à faire, pour soi et pour les autres. Et dans toutes ces situations, différents tons de bleus qui expriment chacun une ambiance, une émotion particulière.

Le travail d’illustration et de colorisation est à couper le souffle, chaque page se savoure dans ses nuances et sa précision, c’est absolument superbe. Vous n’aurez pas fini de voir les bleus dans votre quotidien après en avoir tourné la dernière page, comme vous penserez aux hommes et aux femmes forcés de quitter leur foyer.

Je ressors de cette lecture très émue, charmée par le talent d’Andrea Serio et avec une immense envie de pouvoir découvrir le roman de Silvia Cuttin, écrit à partir de son histoire familiale. Je croise donc les doigts pour qu’il soit un jour traduit car je ne peux compter sur mes ridicules aptitudes en langues étrangères.

J’ai conscience de ne pas vous avoir dit grand chose, mais ce roman graphique est l’un de ceux parus cette année à découvrir de toute urgence et/ou à offrir. Et pour faire découvrir Andrea Serio aux plus jeunes (de 6 à 106 ans), cette fois-ci en tant qu’illustrateur d’album, vous pouvez vous diriger vers L’épouse de laque écrit par Anne Jonas.

En savoir plusFeuilleter le livre

Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué  : L’accro des bullesLa bibliothèque de Noukette

Et vous, quel roman graphique avez-vous envie d’offrir ?

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« Balèze » de Kiese Laymon (Les Escales, 2020)

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C’est un texte très intime que nous propose Kiese Laymon pour cette première traduction française de son œuvre. Un roman autobiographique qui revient sur ses blessures, son rapport à son propre corps, ce corps comme entité à part entière qui le dépasse, le possède, ce corps noir dans une Amérique toujours habitée par le racisme.

Quatrième de couverture : « Partant de son enfance dans le Mississippi, passée aux côtés d’une mère brillante mais compliquée, Kiese Laymon retrace les événements et les relations qui l’ont façonné. De ses premières expériences de violence et de racisme jusqu’à son arrivée à New York en tant que jeune universitaire, il évoque avec une sincérité poignante et désarmante son rapport au poids, au sexe et au jeu, mais aussi à l’écriture. En explorant son histoire personnelle, Kiese Laymon questionne en écho la société américaine ; les conséquences d’une enfance passée dans un pays obsédé par le progrès mais incapable de se remettre en question.

Récit intime qui met en lumière les échecs d’un pays, Balèze est un formidable acte de défi et de courage. »

Si je dois commencer par un point extrêmement positif de cette lecture il s’agit de la langue. Le ton de Kiese Laymon est frontal et nerveux mais peut devenir tout à coup d’une grande poésie. Je l’ai vraiment beaucoup aimé. L’ambiance m’a fait penser à une soirée au cours de laquelle la lumière peu à peu décline et où l’on surprend les confidences d’un enfant devenu, en apparence, grand. Et, souvenir après souvenir, l’aube arrive, peut-être un peu blafarde mais chassant malgré tout les monstres de la nuit.

Kiese adresse ce livre à sa mère autant qu’aux lecteurs•trices. Il revient sur ses souvenirs, sur la peur et les violences domestiques, sur les études, la stigmatisation, le racisme insitutionnel et les copains, sur son poids et le martyr qu’il fera subir à son corps, sur la sexualité et les violences envers les filles, sur la culpabilité et la honte, sur les addictions et l’argent source d’angoisse comme d’exaltation, sur l’amour et la force d’une grand-mère qui réchauffe le cœur. A travers ces nombreuses thématiques (et d’autres encore) c’est l’histoire d’une vie aux États-Unis alors que l’on est un enfant noir qui veut aimer et être aimé (et s’aimer lui-même), qui veut grandir et plaire sans mentir, qui veut avancer et défendre ceux qui en ont besoin dans une société qui n’aime pas tous ses enfants.

Riche, dense mais intelligemment construit, ce récit se lit comme une conversation et ne laisse pas une minute d’ennui aux lecteurs•trices. Symptomatique d’un mal-être américain, sa complexité révèle des vies aux antipodes des projections hollywoodiennes pour proposer des images réelles, crues, sincères qui m’ont fait penser aux écrits de Ta-Nehisi Coates.

Une découverte percutante, je suis impatiente de découvrir une prochaine traduction de Kiese Laymon. Soyez sûr•e•s que je serai au rendez-vous.

Je tiens à remercier les éditions Les Escales ainsi que la plateforme NetGalley de m’avoir permis d’accéder à ce livre en avant-première.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Serial ReadeuzL’art et l’êtreL&TLe petit crayon


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❤ « Blues pour l’homme blanc » de James Baldwin (Zones, 2020)

Quand un inédit de James Baldwin est annoncé il y a une règle : se jeter dessus. Après avoir lu le dense La prochaine fois, le feu (je ne me suis pas sentie à la hauteur pour le chroniquer), je n’ai pu résister à cette pièce de théâtre, écrite suite à l’assassinat de Medgar Evers mais aussi en souvenir d’Emmett Till. Une pièce qui veut dénoncer les mécaniques racistes persistantes et le sentiment d’impunité qui entretient la confiance et la violence des suprémacistes blancs.

Quatrième de couverture : « James Baldwin a écrit cette pièce en 1964 en réaction à l’assassinat de son ami Medgar Evers, militant des droits civiques, abattu devant son domicile du Mississippi le 12 juin 1963 par un suprémaciste blanc.

L’accumulation des meurtres racistes aux États-Unis (dont celui de quatre jeunes filles noires dans un attentat à la bombe contre une église baptiste de Birmingham, Alabama, le 15 septembre 1963) constitue l’arrière-plan de ce cri de révolte scénique. La quasi-impunité qui suit ces actes sera l’élément déclencheur de ce travail.

C’est aussi le meurtre atroce en 1955 de l’adolescent Emmett Till qu’il décide d’évoquer : Dans ma pièce, écrit-il, il est question d’un jeune homme qui est mort ; tout, en fait, tourne autour de ce mort. Toute l’action de la pièce s’articule autour de la volonté de découvrir comment cette mort est survenue et qui, véritablement, à part l’homme qui a physiquement commis l’acte, est responsable de sa mort. L’action de la pièce implique l’effroyable découverte que personne n’est innocent […]. Tous y ont participé, comme nous tous y participons. »

Je ne lis pas souvent de pièces de théâtre et James Baldwin m’a en quelque sorte réconciliée avec cette forme littéraire. Si j’aime les textes taiseux, je me surprends à aimer les textes dont le corps est surtout composé de dialogues. C’est un tout autre exercice de lecture et de projection auquel j’ai vraiment apprécié me prêter.

Pour entrer plus directement dans le sujet, nous sommes dans une petite ville du sud des États-Unis – la Ville de la peste -, où la ségrégation est toujours légale et où un meurtre a été commis. Le fils du pasteur Meridian Henry, Richard, revenu du nord où il rêvait de vivre libre, a été tué et va être inhumé. Alors qu’au présent la population noire demande un procès et qu’un certain Lyle Britten nous colle la nausée, nous repartons quelques jours dans le passé pour faire la connaissance de Richard jusqu’au basculement dramatique.

James Baldwin explore de nombreuses personnalités qui composent le paysage humain de la ville. Deux communautés qui se font face, l’une qui écrase ou ferme les yeux, l’autre qui ne veut plus subir d’une quelconque manière. Le temps de la justice doit arriver. Entre les deux communautés, un homme, Parnell James. Un personnage très intéressant : sous la pression de la population blanche mais partisan de l’égalité, qui tente de faire enfin les choses du mieux possible sans pour autant camper un rôle de sauveur blanc.

L’auteur aborde beaucoup d’aspects du racisme quotidien dans cette pièce : le sentiment d’être dans son bon droit en faisant passer les Blancs avant les Noirs (renforcé par les difficultés économiques), celui de ne pas être pire que les autres dans son racisme assumé, l’infantilisation, l’hypersexualisation des corps noirs et le viol des femmes. En somme, la domination et un mélange de dépossession-possession destructeur. L’idée est de comprendre la violence et la reproduction des théories racistes en donnant la parole à des personnages qui le sont pour mieux les dénoncer et les déconstruire. James Baldwin nous parle aussi des premiers temps du mouvement des droits civiques, entre le besoin de lutte frontale et le potentiel de la non-violence. J’ai senti Meridian Henry proche de Martin Luther King et Richard plus de Malcolm X.

La tension monte encore d’un cran face à l’injustice de la justice du Sud. Calqué sur des réalités, la composition du procès, son déroulement et son issue aboutissent indéniablement à une immense indignation. Medgar Evers, assassiné en 1963, son meurtrier sera reconnu coupable en 1994, après avoir été innocenté deux fois en 1964. Emmett Till, torturé et assassiné en 1955, ses deux meurtriers seront acquittés la même année et ne seront plus inquiétés malgré le fait d’avoir reconnu publiquement le meurtre. Deux procès pour une même accusation ne pouvant avoir lieu. Quatre jeunes filles sont tuées lors de l’attentat de l’église baptiste de Birmingham en 1963, les responsables, membres du Ku Klux Klan, ne seront condamnés que sur le tard et l’un d’eux finira ses jours sans être jugé.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas de chronique trouvée pour le moment.


Et vous, quel livre de James Baldwin recommandez-vous de lire absolument ?

 

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« Nickel Boys » de Colson Whitehead (Albin Michel, 2020)

Sûrement l’un des romans les plus attendus de la rentrée, il a été ma première découverte de Colson Whitehead (et ne sera pas la dernière). Pour le dire vite : lisez-le.

Quatrième de couverture : « Dans la Floride ségrégationniste des années 1960, le jeune Elwood Curtis prend très à coeur le message de paix de Martin Luther King. Prêt à intégrer l’université pour y faire de brillantes études, il voit s’évanouir ses rêves d’avenir lorsque, à la suite d’une erreur judiciaire, on l’envoie à la Nickel Academy, une maison de correction qui s’engage à faire des délinquants des hommes honnêtes et honorables. Sauf qu’il s’agit en réalité d’un endroit cauchemardesque, où les pensionnaires sont soumis aux pires sévices. Elwood trouve toutefois un allié précieux en la personne de Turner, avec qui il se lie d’amitié. Mais l’idéalisme de l’un et le scepticisme de l’autre auront des conséquences déchirantes.

Couronné en 2017 par le prix Pulitzer pour Underdground Railroad puis en 2020 pour Nickel Boys, Colson Whitehead s’inscrit dans la lignée des rares romanciers distingués à deux reprises par cette prestigieuse récompense, à l’instar de William Faulkner et John Updike. S’inspirant de faits réels, il continue d’explorer l’inguérissable blessure raciale de l’Amérique et donne avec ce nouveau roman saisissant une sépulture littéraire à des centaines d’innocents, victimes de l’injustice du fait de leur couleur de peau. »

Les premières pages de ce roman ont été particulièrement marquantes, elles m’ont scotchée au fond de mon lit : des fouilles archéologiques ont dévoilé la présence d’un cimetière non officiel aux abords de l’établissement de redressement de Nickel. Les morts finissent toujours par parler – même si cela peut prendre du temps -, les vivants sont là pour leur redonner une voix.

Elwood est un jeune garçon modèle : élève brillant, avide de connaissances et de justice, poli et investi dans l’avenir qu’il se construit. Abandonné par ses parents, il est élevé par sa grand-mère qu’il aime et respecte malgré certains désaccords. Car dès la première partie du roman la peur est déjà présente : dans ce qui a été vécu et dans ce que l’on ne souhaite plus vivre. Une partie dans la vie civile, avant d’aller entre les murs de Nickel, qui permet de montrer l’ambiance d’une ville rurale américaine, d’une époque, le début des années 60.

Le chemin d’Elwood va être fauché par un malheureux hasard mais surtout par un racisme institutionnel qui n’accorde ni le bénéfice du doute ni la présomption d’innocence à une partie de la population. Au lieu de l’université, ce sera la Nickel Academy. Établissement inspiré d’une institution ayant réellement existé (et s’il y en a eu une, il a dû y en avoir plusieurs), la violence va déferler sur les jeunes garçons retenus entre ses murs. Ségrégation, humiliations, maltraitances, tortures, viols, assassinats. Détruire l’esprit et le corps.

Dans ce contexte, nous suivons Elwood qui va essayer de survivre et de partir aussi vite que possible. Il va rencontrer Turner. Une amitié forte, vitale, va naître entre les deux garçons, de celles qui font un peu oublier les douleurs et la haine qui grandit. Colson Whitehead montre à la fois les exactions internes mais aussi la compromission de l’environnement et la négligence du gouvernement : rien n’est normal mais tout semble l’être pour qui n’est pas victime directe, comme dans un cauchemar dont on n’arrive pas à sortir, ce sentiment que plus tu te débats plus le piège se referme sur toi. A vie. Car si tu arrives à sortir, ce n’est pas indemne.

Finalement, l’auteur écrit pour (les) Elwood, pour exposer au monde entier les notes manuscrites, d’une écriture élégante, prises au quotidien. Pour que nous ne fermions plus les yeux, que les victimes aient droit à des tombes sous lesquelles se reposer enfin et sur lesquelles se recueillir, pour donner voix aux victimes, pour faire comprendre que le passé ne passe pas en mettant un mouchoir ou des pelletées de terre dessus et que les plaies restent ouvertes.

Des personnages principaux touchants et réalistes que tout lecteur a envie de sauver (et les autres enfants avec, bien entendu), un décryptage de la violence et de sa reproduction pertinent dont les échos résonnent au présent, une construction narrative tendue extrêmement efficace, la seule chose qui ne fait pas basculer ce roman dans mes coups de coeur (mais les frôle) est que j’ai anticipé chaque moment fort de l’histoire. L’émotion fut donc là mais quelque peu désamorcée. Cela me conforte cependant sur le fait que Colson Whitehead est un auteur qui me parle.

Underground Railroad est dans ma PAL, il sera donc lu rapidement, avant de remonter petit à petit la bibliographie de l’auteur. Je n’ai pas fini de le lire et vous n’avez pas fini de le voir sur ce blog.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Le petit crayonBibli in the cityCroqlivresImpossible sans livresLa page qui marque  • L’horizon et l’infiniMumu dans le bocageJ’adore la lectureMes échappées livresquesPamolicoFolavrilAlex mot-à-motsTomabooksAurelitdeslivresQuelques livres en cheminUranieLa ménagerie du livreCharlotte ParlottePlaisirs à cultiverLove in booksLes libraires masqués du GrenierLire est le propre de l’hommeLes miss chocolatine bouquinentThe cannibal lecteurMes pages versicoloresLa lectrice compulsiveLe temps libre de Nath


Et vous, avez-vous déjà lu Colson Whitehead ?

 

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❤ « L’homme qui tua Chris Kyle » de Fabien Nury et Brüno (Dargaud, 2020)

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Difficile de passer à côté de ce roman graphique paru courant mai et qui a emballé nombre de chroniqueurs et de lecteurs. Je peux désormais affirmer que, comme eux, cette lecture m’a passionnée autant qu’elle m’a sidérée.

Quatrième de couverture : « Chris Kyle est un héros. Ancien sniper chez les Navy Seals durant la deuxième guerre d’Irak, il a tué plus de 160 cibles. Au faîte de sa gloire (Clint Eastwood a même acheté les droits de son autobiographie, bestseller aux États-Unis, pour en faire un film – ce sera American Sniper), Chris Kyle dédie sa vie à aider ses anciens camarades de combats marqués aussi bien physiquement que mentalement par la guerre. Eddie Ray Routh est l’un d’entre eux.

Le 2 février 2013, l’inconnu Eddie Ray Routh abat la Légende Chris Kyle. Ce livre raconte le crime – et ses conséquences. »

Je me suis littéralement pris une claque : de la première à la dernière page. Le scénario est écrit d’une façon exceptionnelle : documentaire, factuelle mais aussi engagée. Il reconstitue, restitue et confronte les données, celles-ci portées par le talent graphique de Brüno.

Ce documentaire graphique expose des faits de société : la construction de héros militaires nationaux, la prise en charge des traumatisés de guerre, la libre circulation des armes à feu, la place de la religion dans les débats publics. Autant le dire : des sujets qui font monter ma tension mais qui m’intéressent.

J’ai immensément apprécié les nuances, l’absence de manichéisme et en même temps la façon dont les dysfonctionnements ressortent.

Chris Kyle est la parfaite machine de guerre, il fait fantasmer tout patriote, il devient l’allégorie de la puissance et de la virilité américaine. Son score est à glacer (voire congeler) le sang mais il est la résultante de sa formation militaire avec en plus un certain talent mortel. Il est l’homme qui a le plus tué en mission. De retour au pays, il va poursuivre son engagement professionnel et personnel dans ce qu’il sait faire de mieux : tirer et toucher sa cible, dans son idée d’aider et de protéger. Car il n’est pas revenu indemne d’Irak.

Eddie Ray Routh n’a rien qui puisse correspondre au stéréotype du héros américain : il n’a pas combattu. Pourtant, il a vu et a participé à des missions extrêmement difficiles. Il est traumatisé mais n’est pas pris au sérieux car, lui, n’a pas été au cœur des tirs croisés. La montagne de pilules prescrite n’aide pas, la drogue pour soulager et/ou fuir non plus. Crises psychotiques, cauchemars, le quotidien est invivable et son comportement dangereux pour lui et ses proches.

Aux côtés de Chris Kyle ce 2 février 2013, son meilleur ami, Chad Littlefield, sera aussi assassiné.

Au milieu de tout cela, une grande part de la société qui aime les héros prêts à tout pour la patrie, qui a besoin de cloisonner le bien et le mal à sa façon sans remettre en cause son mode de pensée et de vie, qui aime Hollywood et ses histoires qui posent une nouvelle réalité.

Si vous souhaitez en savoir plus sur ce fait ainsi que sur son traitement au sein de la société américaine (qui révèle des réactions qui dépassent l’événement), je ne peux que vous inviter à découvrir ce remarquable roman graphique qui tient le lecteur en haleine du début à la fin. Un gros coup de cœur initiateur de débats, car la littérature sert aussi à ça.

Pour en savoir plus

Je tiens à remercier chaleureusement les éditions Dargaud ainsi que la plateforme Netgalley France pour ce service de presse.

 


Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : L’accro des bullesLire & déliresBranchés cultureImaginoireLa Case de l’Oncle Will


 

Et vous, quelles oeuvres sur la société américaine recommandez-vous ?

 

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« Knock Out ! » de Reinhard Kleist (Casterman, 2020)

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Auteur régulier de la collection écritures chez Casterman, je découvre Reinhard Kleist avec cet album touchant et engageant. Si la boxe n’est pas un sujet récurrent dans mes lectures, cette biographie questionne bien plus largement une histoire personnelle, la société américaine et l’homophobie dans le monde du sport à l’échelle internationale.

Quatrième de couverture : « Une ville, la nuit. Un homme est passé à tabac dans une ruelle par un groupe hurlant des insultes homophobes. Abandonné en sang dans le caniveau, il est abordé par une mystérieuse silhouette encapuchonnée, qui recueille sa confession. Né en 1938 dans une île des Caraïbes, Emile Griffith émigre aux Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale, où, devenu modiste, il confectionne des chapeaux pour femme. Jusqu’au jour où son patron repère son impressionnante musculature, due à une jeunesse passée à trimer dans des exploitations agricoles, et le présente à un entraîneur de boxe. Doué, Emile va rapidement grimper les échelons, mais avec le succès viennent la jalousie et les injures contre ce boxeur qui préfère les hommes… Le tragique destin du premier champion du monde de boxe homosexuel. »

Emile Griffith est un jeune homme passionné par la mode, en particulier par les chapeaux. Un jour, au travail, son employeur constate son physique d’athlète, parfaitement taillé pour la boxe. Les dés sont jetés : le tendre Emile va devenir un champion malgré son caractère qui ne supporte pas la violence. Parce que la lumière rend ivre, parce que l’argent permet de vivre, parce qu’il est tout simplement doué. Parce que la boxe, également, est l’un des rares sports accessibles hors cursus universitaire et dans un contexte ségrégationniste.

Emile enchaîne les victoires, Emile veut vivre sa vie personnelle librement dans un monde majoritairement hétérocentré et prisonnier des stéréotypes ultravirils de son sport. Il va devoir affronter les provocations et les humiliations, jusqu’aux coups de trop. Ces coups qui vont hanter ses jours et ses nuits, qui vont le poursuivre comme un fantôme sur le ring et dans la vie. Ces coups donnés à Benny Paret. La violence s’exercera aussi contre Emile en dehors des matchs, celle-ci ouvrant d’ailleurs le roman graphique.

L’histoire que nous raconte Reinhard Kleist fait malheureusement écho à de nombreuses autres depuis : le roman graphique se termine sur un dossier documentaire passionnant qui fait un état des lieux sur l’homophobie mais aussi sur la misogynie dans la boxe. Force est de constater qu’il y a encore pas mal de boulot pour faire tomber les murs des discriminations que ce soit dans le sport ou dans la vie quotidienne.

Je pense me diriger prochainement vers le roman graphique Le boxeur (Casterman, 2013) pour découvrir un peu plus Reinhard Kleist.

Pour en savoir plus

 


Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Comics InsideMes pages versicolores


 

Et vous, quels livres sur la boxe avez-vous aimés ?

 

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« Nous étions les ennemis » de George Takei et Harmony Becker (Futuropolis, 2020)

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George Takei fut notamment Hikaru Sulu dans Star Trek, plus récemment il a été un guest dans The Big Bang Theory, mais il est également une personne inspirante par son investissement et sa mobilisation contre les discriminations. Aujourd’hui il revient sur l’histoire de son enfance, une histoire américaine que je connaissais de loin et que j’ai apprécié découvrir davantage avec ce roman graphique précis, émouvant, (r)éveilleur de conscience.

Présentation de l’éditeur : « Alors que les familles des États-Unis s’apprêtent à fêter Noël, une terrible nouvelle tombe à la radio : l’attaque surprise du Japon à Pearl Harbor. Le lendemain, le 8 décembre, l’Amérique entre dans la Seconde Guerre mondiale.

Rapidement, le président Roosevelt signe un décret accordant aux commandants militaires le pouvoir d’arrêter et d’incarcérer certaines personnes, voire toutes d’origine japonaise, craignant la présence d’un ennemi de l’intérieur. La famille de George est américano-japonaise. Si sa mère est née aux États-Unis, son père, lui, n’a pas pu obtenir la citoyenneté alors qu’il vivait dans le pays depuis cinquante ans.

George Takei, âgé de 4 ans suit alors sa famille pour le Fort Rohwer, l’un des dix camps d’internement établis par ordre du président. Nous étions les ennemis permet de mieux comprendre le parcours de cet acteur de la série originale Star Trek. Il associe l’esprit d’aventure de son personnage de fiction à l’histoire de ses parents qui se demandaient comment survivre et prospérer dans un pays où ils étaient littéralement qualifiés d’extraterrestres. »

Le 7 décembre 1941, l’Empire du Japon frappe la base navale américaine de Pearl Harbor. Le 8 décembre, les États-Unis entrent en guerre. Une guerre contre un empire (et une guerre mondiale), une guerre contre une partie de son propre peuple fondée sur le racisme et la paranoïa.

Cette période de l’histoire, nous allons la découvrir à travers les yeux de George, au début âgé de 4 ans. Entre souvenirs enfantins et conscience adulte, ce témoignage est impressionnant d’humanité et de courage face à l’oppression et à l’internement forcé. Nous la découvrons également en suivant les dispositifs politiques qui se sont accumulés, allant toujours un peu plus loin dans l’absurdité du pouvoir, dans la négation des personnes et dans l’humiliation, proposant des choix qui n’en sont pas.

C’est une vie de famille bouleversée et mainte fois à reconstruire que George Takei décrit, des personnes soupçonnées automatiquement du fait de leurs origines, arrêtées et enfermées. Avoir quitté le Japon pour s’installer et vivre en Amérique ? Etre né•e aux États-Unis ? Ce n’est pas suffisant, il y a toujours un doute sur la loyauté. Impossible de se défendre : ils sont suspects du fait d’être, pas du fait de faire quoi que ce soit. De camp d’internement en camp d’internement, plusieurs années vont passer, jusqu’à la fin de la guerre et encore après. Ensuite, se battre et reconstruire, encore une fois.

J’ai trouvé particulièrement intéressant le processus de reconnaissance des faits et de leurs conséquences par l’État américain. Un pas franchit tardivement alors que près de la moitié des victimes étaient décédées. Pourtant, cet aspect de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale reste peu connu, alors partageons cette lecture pour que l’oubli ne fasse pas taire la mémoire.

Les illustrations sont superbes, douces malgré le sujet, des traits délicats et des expressions parfois proches du mangas pour une terrible réalité. J’ai immédiatement été séduite par le style et il m’a portée du début à la fin de ce témoignage.

Nous ignorons souvent l’histoire enfouie derrière un regard. Et quand le regard se met à parler, c’est une histoire de l’humanité qui se dévoile.

Pour en savoir plus

 


Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Minimouth litLes voyages de Ly


 

Et vous, quels aspects peu connus de la Seconde Guerre mondiale avez-vous découverts et souhaitez-vous partager ?

 

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« Whitesand » de Lionel Salaün (Actes Sud, 2019)

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J’avais sauté sur ce roman à sa sortie pour son approche du racisme aux États-Unis et, finalement, je l’ai oublié dans ma bibliothèque. C’est en lisant le bilan livresque de quarantaine de Lunedepassage du blog Parlez-moi de livres que j’ai eu à nouveau envie de le découvrir.

Quatrième de couverture : « À l’orée des années soixante-dix dans le Sud de l’État du Mississippi, un homme d’une trentaine d’années débarque à Huntsville au volant d’une Mustang dont le bruit déglingué aiguise la curiosité des badauds. Repérant un garage, Ray Harper y conduit son automobile dans l’espoir d’une réparation rapide et peu coûteuse, mais son allure de beau gosse et sa politesse naturelle ne trouvent d’autre accueil en ces lieux que celui réservé aux étrangers. D’un calme remarquable, il ne répond pas au mépris, comprend qu’il n’a d’autre choix que de rester sur place un moment, chercher un boulot et repartir après avoir acheté une nouvelle auto. Se liant d’amitié avec la serveuse du bar principal, Ray va trouver une chambre et du travail, d’abord en ville puis plus longuement chez les frères Ackerman, propriétaires avec leur mère du domaine de Whitesand. Ainsi s’offre à Ray la possibilité d’approcher cette famille dont le passé résonne dramatiquement avec le sien…

Lionel Salaün choisit le Mississippi, ses saisons aux fulgurances terrifiantes, ses bourgs paumés étouffés d’ennui et de renoncement, pour faire le portrait d’une humanité divisée. Il éclaire avec empathie des personnages au visage grimaçant de haine, de souffrance ou baigné de bonté, donne à voir l’opacité de leurs mémoires pour peu à peu dévoiler l’énigme et la source de leur histoire commune. L’Amérique stigmatisée par un lourd passé d’injustice sociale et raciale est ici comme en écho ou en miroir aux dangers qui infestent aujourd’hui l’Europe. »

L’histoire est tressée entre le passé et le présent, sur les pas d’un mort victime de la ségrégation et des vivants, des complices, des coupables, des témoins, des innocents. J’ai apprécié l’intrigue et l’ambiance. Les personnages sont nombreux mais parfaitement positionnés, difficile de s’y perdre car les profils sont fouillés et explorent une complexité sociale et historique d’un village du Sud des États-Unis marqué par un passé ségrégationniste et construit sur un racisme encore bien palpable dans ces années 1970.

M’y aventurant pour approcher cette question du racisme enraciné dans un lieu, j’ai été agréablement surprise par les histoires qui sont mises en orbite autour de l’intrigue principale : le fonctionnement du village et les rapports de force, l’organisation de la ville entre populations blanches et noires, un secret de famille disséminé dans ces différents quartiers, mais aussi des personnages en proie à leur propre histoire et à leur prison intime.

Cette complexité de l’histoire m’a vraiment accrochée mais la complexité de l’écriture m’a parfois un peu perdue. Certaines phrases à tiroirs n’ont pas été évidentes à comprendre du premier coup et cela a pu casser un peu le rythme de ma lecture. J’ai deviné la fin, pensée en image symbolique, cela ne m’a cependant pas empêchée de l’apprécier car Lionel Salaün a parfaitement maîtrisé la tension qui monte tout au long du roman pour exploser dans la tempête.

Si vous souhaitez une lecture qui mêle enquête historique, recherche des origines et tension sociale, vous pourrez passer un très bon moment de lecture avec ce roman. S’il n’a pas été un coup de cœur, il a le mérite de me donner très envie de découvrir d’autres romans de l’auteur.

Pour en savoir plus

 


Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Claja litSerial lecteur nyctalopeParlez-moi de livres


 

Et vous, accompagnerez-vous Ray Harper dans ce village faussement amnésique ?

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❤ « Citizen : ballade américaine » de Claudia Rankine (L’Olivier, 2020)

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Claudia Rankine est une universitaire et auteure qui écrit notamment de la poésie. Une poésie ancrée dans le quotidien de la société américaine, une poésie documentaire qui rend compte du racisme qui perdure, qui a la peau dure, qui s’immisce dans les interstices de chaque jour.

Quatrième de couverture : « À terre. À terre tout de suite. J’ai dû aller trop vite. Non, tu n’allais pas trop vite. Je n’allais pas trop vite ? Tu n’as rien fait de mal. Alors pourquoi me contrôlez-vous ? Pourquoi suis-je contrôlé ? Fais voir tes mains. Les mains en l’air. Lève les mains.

L’attaque est préméditée, assumée, d’une violence intolérable. Ou bien c’est simplement la langue qui fourche sans qu’on s’en rende compte, et le racisme parle à travers notre bouche. Citizen est un livre sur les agressions racistes.

Pour dire cette réalité, Claudia Rankine choisit une forme qui n’appartient qu’à elle : tour à tour poésie, récit ou pamphlet, Citizen décrit les expériences les plus intimes, les plus ténues pour y greffer ce que dépose en nous le flux de la vie quotidienne – propos saisis dans le métro, conversations, blagues, coupures de journaux, captures d’écran -, dans un vaste collage d’images et de voix. Une symphonie parfois dissonante où les mots les plus simples sont portés par une extraordinaire énergie poétique. »

Ce recueil rend compte de réflexions issues des expériences de Claudia Rankine, que ce soit auprès de personnes anonymes ou de proches. Des paroles glissantes et maladroites à celles ouvertement stigmatisantes et discriminantes, l’auteure consigne et exprime la colère et l’usure. Car l’impact des paroles est concret pour les personnes qui sont visées et les conséquences sur la santé ne sont pas fictifs.

C’est également un regard actuel sur les États-Unis qui nous est proposé. Des instantanés qui font froid dans le dos, qui n’hésitent pas à interroger des faits du passé pour mieux penser le présent. Des faits d’actualité, des faits internationaux mais aussi des faits du quotidien qui ne font pas les gros titres. Claudia Rankine leur fait une place ici.

Le style d’écriture est particulier, une poésie en prose qui peu à peu se fait plus lisible et évidente, tranchante, organique. Sa colère devient un peu la nôtre. Pour l’avoir expérimenté, il ne faut pas hésiter à y revenir plusieurs fois après la lecture. Les textes sont enrichis de photographies d’oeuvres et revenir plusieurs fois à la lecture sur des temps différents les rend aussi plus lisibles (surtout si, comme moi, vous êtes un peu à la ramasse question art contemporain).

Je dois dire que cette lecture a été percutante et j’ai eu quelques montées de tension. Il faut encore et toujours être vigilants et refuser d’assister à ce genre de situations sans réagir. Car ce que nous rappelle l’auteure ici c’est qu’il y a du boulot face aux mentalités arriérées, à la haine qui a tendance à bien se décomplexer. Nous lisons sur les États-Unis mais la réflexion, pour le lecteur, s’élargit au-delà de ces frontières.

Ce livre est un objet littéraire singulier et très efficace, je suis vraiment reconnaissante à Claudia Rankine d’avoir réalisé ce travail poétique, ce travail documentaire, et je suis également reconnaissante aux éditions de l’Olivier de lui avoir permis cette publication en français et cette visibilité. Vous l’aurez compris, je suis conquise et je ne peux que vous encourager à découvrir cette prose remarquable.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas de chronique trouvée pour le moment.


 

Et vous, quelle poésie qui dénonce des faits quotidiens recommanderiez-vous ?

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« Clinton Road » de Vincenzo Balzano (Ankama, 2020)

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Après avoir lu beaucoup de retours positifs et avoir admiré la beauté des illustrations, ce comics a été rapidement un nouvel adopté dans ma bibliothèque. L’occasion pour moi de changer un peu de registre littéraire.

Quatrième de couverture : « New Jersey, 1978. Tous les matins, John, ranger du comté de Passaic, fait la route entre sa maison et le bar de son ami Sam afin de prendre un café et de bavarder avant sa journée de travail. Rien qui ne puisse sembler étrange jusque-là. Sauf que la Clinton Road – 15km d’asphalte où il patrouille quotidiennement – s’avère être la route la plus hantée des Etats-Unis : disparitions inquiétantes, phénomènes paranormaux… C’est aussi sur cette route maudite que son fils unique, Benjamin, a été vu pour la dernière fois… »

Tout au long du récit, Vincenzo Balzano va nous faire osciller entre réalité et fantastique, perdant le lecteur entre ce qu’il pense être réel, ce qui ne l’est pas et les mystères de la frontière entre la vie et la mort.

John est ranger. Tous les jours, il part patrouiller sur la fameuse Clinton Road, largement réputée aux États-Unis pour ses manifestations paranormales mais aussi pour les disparitions inexpliquées qui y ont eu lieu. John – et le lecteur qui va se faire des noeuds au cerveau en cherchant à dénouer l’histoire – va y croiser des personnages inquiétants ou rassurants, mais aussi et surtout le fils du ranger.

Dès le début on sent que l’ambiance est lourde, la situation familiale de John et son fils est ébréchée, amputée. Les illustrations sont très efficaces, et que dire de la colorisation qui joue un rôle de premier plan sur l’atmosphère dès les premières pages ! Petit à petit, ce que j’imaginais être un récit linéaire va basculer dans un périple proche de la folie. Une folie, sœur du deuil impossible.

Je suis passée à côté du coup de coeur, un peu déçue de ne pas y avoir eu droit, mais j’ai passé un bon moment de lecture, dépaysant et typiquement fantastique : quand le réel et l’imaginaire ne font plus qu’un et que la dissociation se complique de page en page, jusqu’au final glaçant. En un mot : si vous aimez le fantastique dans un contexte contemporain, allez-y, si vous avez encore un doute sur le fait d’apprécier, allez-y.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Livresse du noirNosbookbyfriendsSambaBD


 

Et vous, quelle route oppressante avez-vous aimé prendre dans la littérature ?

« Blue Pearl » de Paula Jacques (Gallimard jeunesse, 2020)

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Impossible de laisser passer ce roman jeunesse ! Sensibiliser les nouvelles générations au passé dont les stigmates sont encore visibles me tient tellement à cœur que je me suis jetée sur ce roman qui revient sur l’histoire de l’esclavage aux États-Unis et ses premiers pas vers son abolition.

Quatrième de couverture : « Je m’appelle Eliza Burlington. Je suis née esclave de Sir Thomas burlington dont la plantation se trouvait à six miles environ de Suffolk, dans l’État de Virginie. Je lui ai appartenu pendant une douzaine d’années au même titre qu’un chien, une mule ou un meuble de maison.

Le jour où la poupée de son enfance ressurgit dans sa vie, c’est tout le passé de Lizzie qui remonte à la surface, d’un seul coup. La Grande Maison des propriétaires où sa mère cuisinait, Laura May, sa cruelle petite maîtresse, le charme de Luther, le jeune rebelle, et puis ce nouveau régisseur, casseur de nègres. On disait qu’à cinq cents kilomètres de là, l’esclavage était aboli… »

Paula Jacques crée son histoire à partir d’un objet très intéressant : une poupée noire fabriquée par la mère de la narratrice, une femme appartenant à une famille d’exploitants, au même titre qu’un meuble, esclave. Ces poupées ont fait l’objet d’une exposition récemment et je dois dire qu’il faudrait que je me renseigne encore davantage sur ce précieux témoignage qui rend encore plus vif le sujet abordé ici, car impossible de dissocier la poupée de l’enfance, même si elle ne représente pas uniquement cela.

A l’ouverture du roman, Lizzie est devenue une vieille femme. Un jour, quelqu’un frappe à sa porte et lui montre une poupée. Aucun doute, c’est la sienne, celle que sa mère lui avait confectionné pour cet anniversaire, celui d’il y a bien longtemps mais qu’elle ne pourra jamais oublier. Les souvenirs affluent et le lecteur va remonter le temps en compagnie de Lizzie, enfant du 19ème siècle, esclave d’un maître moins pire que certains mais qui reste un homme qui possède des hommes sans que cela ne lui pose problème.

La vie quotidienne, le rapport aux maîtres et à la jeune maîtresse à peine plus âgée que Lizzie, les peurs et les rumeurs d’une guerre qui finira par se déclarer comme Sécession. Puis, un déclencheur. Celui qui va tout faire changer pour la mère et la fille.

J’ai aimé ce portrait de jeune fille, mais aussi de femme car la mère de Lizzie occupe une place importante dans le récit. J’ai trouvé l’écriture de Paula Jacques adaptée à la sensibilité du sujet ainsi qu’à l’âge des lecteurs. J’ai cependant trouvé qu’il manquait un peu de nuance concernant Abraham Lincoln et la situation sociale des années 1920, le présent de Lizzie, devenue une vieille femme. J’aurais juste aimé une précision : tout ne s’est pas joué en un combat, la lutte pour l’égalité n’était pas au bout de ses peines.

Ce roman reste une entrée intéressante sur ce sujet pour les lecteurs à partir de 12 ans, il ne manquera pas de faire émerger des questions, d’amorcer une conversation qui nous concerne tous.

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Et vous, quel autre livre pour la jeunesse conseillez-vous sur ce sujet ?

❤ « Mutafukaz’Puta Madre – Intégrale » de Run et Neyef (Ankama, 2017)

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Attention, ceci est une alerte coup de cœur ! Et cela faisait bien longtemps que mon petit palpitant n’avait pas autant chaviré. De la violence, des questions de société, de la vengeance, du poil, du tatouage et de la testostérone à ne plus savoir qu’en faire. Bienvenue dans ce spin-off consacré à El Diablo !

Quatrième de couverture : « Niland, Californie. Entre les mobil-homes pourrissant au soleil et la poussière du désert qui s’infiltre partout, le petit Jesus, 12 ans, essaie de grandir tant bien que mal sans modèle paternel. Un soir d’Halloween, il observe dans le terrain vague en face de chez lui un être étrange, à tête de citrouille. Personne d’autre ne voit Spooky, comme il le baptisera plus tard. Mais Spooky a une drôle d’influence sur Jesus, et l’incite régulièrement à commettre des actes de délinquance. Et lorsque la mère découvre le corps sans vie de son demi-frère de 2 ans, Jesus doit faire face aux enquêteurs alors que toutes les preuves l’accablent. »

J’ai décidé de tout faire à l’envers : après le dernier spin-off en date, Loba Loca, je remonte le fil avec celui-ci. Il faut dire que la série mère me faisait un peu peur (mais depuis avoir annoncé que j’attendrais un moment avant de la commencer, je me la suis achetée…). Et, vraiment, je crois que j’en suis encore plus dingue que de Loba Loca !

Ce comics se concentre sur la vie d’un personnage en particulier : El Diablo (de son vrai nom Jesus), dieu de la lucha mais qui, ici, ne le sait pas encore. Nous revenons sur son enfance emprunte d’injustice, sur le système judiciaire et pénitencier américain qui ne manque pas de mettre en colère (c’est la version polie de ma pensée), sur la vie qui doit reprendre et la difficile réintégration, sur les gangs et leurs déboires, mais aussi sur l’amour et l’espoir.

Run et Neyef nous proposent un travail ultra léché et équilibré, rythmé et percutant qui ne saurait laisser personne indifférent. C’est l’histoire d’un garçon que personne ou presque n’a protégé… C’est l’histoire d’un monde qui n’est pas beau à voir mais qui accueille, parfois, un rayon de soleil synonyme de lendemain.

L’éventail d’émotions par lesquelles les auteurs nous font passer mérite grandement ce coup de cœur, j’ai eu beaucoup de mal à tourner la dernière page tellement je m’étais attachée à Jesus, mais aussi fondue dans cet univers graphique et littéraire de haute qualité. Bref, si vous hésitez encore, succombez à la tentation.

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Et vous, prévoyez-vous un petit détour sur les pas d’El Diablo ?

« Andrew est plus beau que toi » d’Arnaud Cathrine et The anonymous project (Flammarion, 2019)

Aujourd’hui je vais vous parler d’un roman paru dans une toute nouvelle collection de chez Flammarion. Ce beau format riche en illustrations porte un concept qui m’a tout de suite intéressée car j’avais eu la même idée (qui n’a pas encore pris forme car cela demande un gros travail de documentation) il y a de nombreux mois : à partir de photographies de particuliers anonymes, penser une histoire dans l’Histoire.


Quatrième de couverture : « Qui peut se permettre de dire qu’un frère est plus beau que l’autre ? En l’occurrence, un membre de la famille. Et cette famille, c’est celle d’Andrew et Ryan Tucker, nés dans les années 1940 à Los Angeles. Une famille américaine, middle class. Les trajectoires croisées des deux frères se déploient sous la plume aussi concise qu’intense d’Arnaud Cathrine, qui revisite, à travers ces photographies d’époque, un univers mythique et fascinant : la Californie des années 1940 à 1980. »


Faire de chacun la source de l’histoire contemporaine. c’est ce que nous propose Arnaud Cathrine, en collaboration avec The anonymous project, qui collecte et conserve des photographies de particuliers et les a mis à disposition pour ce projet littéraire.

A la frontière du roman, du roman-photos et du commentaire d’album de famille, ce livre-concept est un ovni qui s’aborde avec une facilité déconcertante. Très vite, nous trouvons notre place dans cette famille dont le père est traumatisé par sa participation à la Seconde Guerre mondiale, qui est devenu père sans avoir le temps de s’y préparer et qui sera marqué à vie par la disparition de son frère. Un père mutique et secret, un père fantôme qui sera craint et sera aimé, aussi, même si cet amour s’avère parfois douloureux. La mère, aimante et forte, qui écorchera parfois l’image de la famille idéale américaine qui aura su faire face aux épreuves, cette mère prête à remettre en question sa vision des choses pour ne pas perdre un fils. Un portrait admirable dans sa force et dans ses failles.

Et enfin, les enfants : trois garçons. Les liens qui unissent, les conseils qui accompagnent jusqu’à l’adolescence, la vie qui éloigne. C’est Andrew que nous suivons sur une grande partie du récit et avec qui nous cherchons notre place dans cette société qui se perd elle-même sur plusieurs décennies : entre la guerre en Europe, la guerre du Vietnam, la lutte pour les droits civiques, le summer of love, la libération des moeurs pour la nouvelle génération et le monstre du sida qui montre pour la première fois ses crocs. Andrew, à force de se chercher, va se trouver. Mais cette révélation à soi-même aura un prix familial. Ryan reprendra le récit, pour un final extrêmement émouvant et infiniment humain.

Arnaud Cathrine signe un très beau récit, il prouve que l’histoire collective est portée à sa façon par chaque famille, que la famille parfaite est un mythe et une façade (notamment aux États-Unis) et nous rend le passé extrêmement proche. Peut-être car certains combats ont évolué mais n’ont pas disparu. Je pense aussi qu’il nous invite à penser autrement notre propre collections d’instantanés un peu fanés. Le choix des photographies est remarquable, tout fonctionne et j’ai cru entendre des rires derrière certaines photos comme on peut en avoir quand on croise certains clichés familiers qui nous sont familiers ou qui nous surprennent. En conclusion, cette collection est une très belle initiative et j’ai hâte de me plonger dans le second volume paru à ce jour (qui est déjà sur ma table de nuit) !

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Et vous, est-ce un concept qui retient votre attention ?

❤ « Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage » de Maya Angelou (Les Allusifs, 2008 / Le livre de poche, 2009)

J’avais vu passer ce livre il y a des années, la couverture m’avait interpelée, le titre aussi, mais je n’avais pas répondu aux sirènes de la tentation. J’aurais dû. Car ce livre est une pépite. Premier volet de l’autobiographie de Maya Angelou, il peut se lire comme un one shot qui exprime une jeunesse blessée, que ce soit par les adultes mal intentionnés ou égoïstes, que ce soit aussi par la ségrégation. Un morceau d’histoire personnelle qui rejoint l’histoire des États-Unis.


Quatrième de couverture : « Dans ce récit, considéré aujourd’hui comme un classique de la littérature américaine, Maya Angelou relate son parcours hors du commun, ses débuts d’écrivain et de militante dans l’Amérique des années 1960 marquée par le racisme anti-Noir, ses combats, ses amours. Son témoignage, dénué de la moindre complaisance, révèle une personnalité exemplaire. à la lire, on mesure – mieux encore – le chemin parcouru par la société américaine en moins d’un demi-siècle… »


En lisant ce livre, je ne me suis pas ennuyée une seule seconde. Maya Angelou chausse ses yeux d’enfants et nous fait remonter le temps. Elle nous dit les choses avec les mots tantôt de la petite fille qui sommeille encore en elle, blessée mais résiliente, tantôt de la femme qu’elle est devenue, engagée et amoureuse de liberté.

Maya (Marguerite de son prénom de naissance) est née en 1928 à Saint-Louis. Après une enfance dans le sud et des épreuves innommables à surmonter, elle sera l’un des visages de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis. Un visage, j’ai l’impression, peu connu en France.

Autour de la petite Maya gravite une famille qui a du mal à se rassembler. Ce sera l’occasion pour elle et pour son frère, dont elle est très complice, de voyager dans le nord des États-Unis, de découvrir autre chose que le sud et ses lois raciales plus qu’assumées. Elles sont même appréciées, savourées. Le nord lui donnera le sentiment de pouvoir être quelqu’un mais avec des parents dysfonctionnels, la grand-mère restée au sud est un phare. Un phare qui ne répond pas aux brimades et aux provocations. Qui chante pour rester calme.

Maya Angelou nous parle de son quotidien, étouffé par la chaleur et la peur, structuré par l’éducation stricte d’une grand-mère qui veut garder ses petits en vie, stimulé par une envie de liberté, divisé par une famille dispersée entre plusieurs États. Elle nous rappelle l’importance de faire face aux injustices et de protéger les enfants de la folie et de l’inconstance de certains adultes. Elle exprime magnifiquement aussi la capacité qu’ont les enfants à avancer et à se reconstruire sans effacer ni excuser ce qui l’a forcée, elle, à panser ses blessures.

Une œuvre que l’on comprend aisément comme devenue classique aux États-Unis, à replacer dans un contexte historique et linguistique parfois, qui éclaire l’histoire du pays et qui a été pour moi un grand coup de cœur.

Préférant les grands formats aux poches, j’ai réussi à me procurer ce livre en occasion dans son édition aux Allusifs mais qui n’est plus édité. Pour le trouver facilement, je pense qu’il vous faudra choisir celui paru au Livre de poche.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Journal d’une Book Addict


 

Et vous, avez-vous ce livre ou un autre de Maya Angelou ?