👁 « Chez toi. Athènes 2016 » de Sandrine Martin (Casterman, 2021)

Sujet peu abordé, que ce soit dans l’actualité ou dans la littérature, ce roman graphique se concentre sur le parcours d’une femme (composé à partir de cinq témoignages réels) en exil et enceinte. Arrivée en Grèce avec son conjoint, nous la suivons dans son parcours de migration en même temps que dans son parcours médical et de maternité.

Quatrième de couverture : « En 2016, Sandrine Martin s’est rendue en Grèce avec le projet EU Border Care et a suivi les sages-femmes et les médecins qui prennent en charge les réfugiées pendant leur grossesse. Cette expérience humaine marquante lui a inspiré un récit bouleversant qui entremêle le parcours de deux femmes que les grandes crises contemporaines vont confronter à l’exil : une sage-femme grecque et une jeune syrienne.

Un roman graphique d’une grande acuité, qui témoigne autant de l’enlisement de la société grecque que de l’espoir et de l’énergie déployés dans l’expérience de déracinement. »

Ce travail littéraire et graphique découle d’un travail de recherche réalisé à l’échelle européenne. Une démarche dont le sérieux est aussi appréciable que les illustrations sont belles. Difficile de ne pas être impressionné·e par ce livre qui donne à voir un parcours de femme à travers le personnage de Mona, Syrienne, mais aussi de Monika, sage-femme grecque qui ausculte et suit des femmes migrantes en cours de grossesse.

C’est finalement plusieurs sujets qu’aborde ce récit : la situation concrète de personnes en transit, la douloureuse séparation d’avec les familles et le pays d’origine, les grossesses vécues alors que les femmes (ou les couples) ne savent pas où elles seront dans deux jours, deux mois ou deux ans, les injonctions médicales à l’encontre du corps des femmes et la place démesurée faite à la césarienne plutôt qu’aux accouchement par voie basse, ainsi que la crise économique qui impacte la Grèce.

A travers le parcours de deux femmes aux situations très différentes, ce sont des questions sociales qui sont posées et qui trouvent, à un moment ou à un autre, un écho en chacun·e de nous. A cheval entre la fiction et le documentaire, ce livre est terriblement intéressant et, si j’ai trouvé que certains aspects manquaient quant au sujet des grossesses de femmes migrantes, il a le mérite de rendre visibles des vécus invisibilisés et de le faire magnifiquement bien. Pour ma part, j’ai versé ma petite larme et la construction plus que crédible des deux personnages principaux m’a fait forte impression.

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Et vous, connaissez-vous des livres ou d’autres oeuvres sur ce sujet ?

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« Candy & Cigarettes – Tome 1 » de Tomonori Inoue (Casterman, 2019)

Si j’aime assez peu le travail de Luc Besson j’ai toujours eu un faible pour le film Léon. Alors, quand j’ai lu le résumé de ce manga je n’ai pas beaucoup hésité.

Quatrième de couverture : « Policier fraîchement retraité, Raizo n’aspire qu’a couler des jours paisibles. Mais sa maigre pension ne lui laisse pas le choix : il doit multiplier les petits boulots pour joindre les deux bouts. Sa rencontre avec la petite Miharu, tueuse à gages au service d’une mystérieuse organisation, va lui permettre de mettre du beurre dans les épinards. Au passage, il devra simplement bafouer tous les principes qui ont guidé son existence. »

Raizo est à la retraite mais, sa pension étant très légère, il continue de travailler dans une supérette. Nous découvrons qu’il a vraiment besoin d’argent – pour une noble cause – c’est alors qu’il va croiser une offre d’emploi obscure à la rémunération difficile à refuser… Après avoir passé sa carrière à protéger des gens il va devenir tueur à gages aux côtés de la jeune Miharu, onze ans.

J’ai beaucoup apprécié ce binôme qui apprend à se connaître et ne se fait pas de cadeau (avec humour). Mais je dois quand même souligner que j’ai été gênée par la sexualisation du corps de Miharu lors de son apparition dans le manga. Par ailleurs, et cela est peut-être personnel, je n’ai pas trouvé très judicieux d’appeler l’organisation qui embauche ces deux acolytes : Agence SS. J’ai cherché ce à quoi cela pouvait correspondre sans trouver de réponse (si vous l’avez, n’hésitez pas à me la donner) mais, à mes yeux, certaines initiales ont une portée historique difficile à ignorer lors de la lecture.

En dehors de ces deux remarques, je me suis plongée dans cette histoire avec une grande facilité et beaucoup de plaisir. C’est à la fois une lutte pour la survie, la naissance d’une amitié singulière et une histoire de vengeance personnelle. J’ai trouvé très intéressant qu’il y ait un questionnement aussi sur le principe des contrats : entre le fait que les cibles soient coupables mais protégées par un système corrompu et le fait que les tuer ne fait pas de Miharu et Raizo des justiciers mais bel et bien des meurtriers, eux aussi. Mais comment se fait-il qu’une si jeune fille se soit retrouvée dans une telle situation, avec une telle aptitude à tuer ?

Un récit proche de la trame de Léon mais qui a tout de même ses spécificités et qui place la jeune Miharu dans le rôle de l’experte en assassinats de sang froid. Si vous avez aimé le film, je pense que vous pourriez aimer ce manga, qui a été pour moi un divertissement efficace. Je prends donc dès à présent rendez-vous avec le deuxième tome.

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Et vous, quel est votre regard sur la mise en scène de certains jeunes personnages féminins dans les mangas ?

 

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« Knock Out ! » de Reinhard Kleist (Casterman, 2020)

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Auteur régulier de la collection écritures chez Casterman, je découvre Reinhard Kleist avec cet album touchant et engageant. Si la boxe n’est pas un sujet récurrent dans mes lectures, cette biographie questionne bien plus largement une histoire personnelle, la société américaine et l’homophobie dans le monde du sport à l’échelle internationale.

Quatrième de couverture : « Une ville, la nuit. Un homme est passé à tabac dans une ruelle par un groupe hurlant des insultes homophobes. Abandonné en sang dans le caniveau, il est abordé par une mystérieuse silhouette encapuchonnée, qui recueille sa confession. Né en 1938 dans une île des Caraïbes, Emile Griffith émigre aux Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale, où, devenu modiste, il confectionne des chapeaux pour femme. Jusqu’au jour où son patron repère son impressionnante musculature, due à une jeunesse passée à trimer dans des exploitations agricoles, et le présente à un entraîneur de boxe. Doué, Emile va rapidement grimper les échelons, mais avec le succès viennent la jalousie et les injures contre ce boxeur qui préfère les hommes… Le tragique destin du premier champion du monde de boxe homosexuel. »

Emile Griffith est un jeune homme passionné par la mode, en particulier par les chapeaux. Un jour, au travail, son employeur constate son physique d’athlète, parfaitement taillé pour la boxe. Les dés sont jetés : le tendre Emile va devenir un champion malgré son caractère qui ne supporte pas la violence. Parce que la lumière rend ivre, parce que l’argent permet de vivre, parce qu’il est tout simplement doué. Parce que la boxe, également, est l’un des rares sports accessibles hors cursus universitaire et dans un contexte ségrégationniste.

Emile enchaîne les victoires, Emile veut vivre sa vie personnelle librement dans un monde majoritairement hétérocentré et prisonnier des stéréotypes ultravirils de son sport. Il va devoir affronter les provocations et les humiliations, jusqu’aux coups de trop. Ces coups qui vont hanter ses jours et ses nuits, qui vont le poursuivre comme un fantôme sur le ring et dans la vie. Ces coups donnés à Benny Paret. La violence s’exercera aussi contre Emile en dehors des matchs, celle-ci ouvrant d’ailleurs le roman graphique.

L’histoire que nous raconte Reinhard Kleist fait malheureusement écho à de nombreuses autres depuis : le roman graphique se termine sur un dossier documentaire passionnant qui fait un état des lieux sur l’homophobie mais aussi sur la misogynie dans la boxe. Force est de constater qu’il y a encore pas mal de boulot pour faire tomber les murs des discriminations que ce soit dans le sport ou dans la vie quotidienne.

Je pense me diriger prochainement vers le roman graphique Le boxeur (Casterman, 2013) pour découvrir un peu plus Reinhard Kleist.

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Et vous, quels livres sur la boxe avez-vous aimés ?

 

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« Sengo – Tome 1 : Retrouvailles » de Sansuke Yamada (Casterman, 2020)

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En croisant ce manga, j’ai eu le sentiment qu’il abordait l’histoire japonaise d’une façon assez unique dans ce genre littéraire. Intéressée par cette période de l’histoire et par les parcours individuels, il n’a pas eu à beaucoup se défendre pour arriver entre mes mains impatientes.

Quatrième de couverture : « 1945, le Japon est vaincu. De retour au pays, deux soldats qui se sont connus sur le front, le bon vivant Kadomatsu et le désenchanté Toku, se retrouvent par hasard dans un Tokyo détruit et occupé par l’armée américaine. Entre débine et combines, marché noir et prostitution, la question quotidienne de la survie est si cruciale qu’elle éclipserait le désespoir chevillé à ces âmes vaincues. Malgré tout, au fil des nouvelles solidarités qui se nouent dans l’adversité, c’est bel et bien la vie qui regagne du terrain. »

Je dois dire que ce premier tome a été une claque. Les deux personnages masculins sont touchants, chacun à sa façon car très différents. L’un, Toku, dirigeait durant la guerre un groupe de soldats parmi lesquels se trouvait l’autre homme, Kadomatsu. Toku est revenu effondré et est rongé par la culpabilité, Kadomatsu cherche à reconstruire un quotidien sur les ruines du Japon vaincu, expérimentant différentes opportunités qui vont amener le récit à parler de la situation des femmes durant la guerre puis suite à la défaite.

Ce récit est difficile, car les japonais et japonaises sont profondément marqués, car les vainqueurs n’ont pas la victoire modeste, car les femmes sont considérées comme encore moins que des objets au service des désirs d’une partie des américains, car l’économie du Japon est brisée et que pour survivre le corps féminin est une ressource, car chaque jour est incertain pour les adultes comme pour les enfants et qu’il faut survrivre, d’une façon ou d’une autre. Mais ces deux hommes, que nous suivons dans plusieurs situations, sont aussi porteur d’humanité car ils sont là l’un pour l’autre et parfois pour d’autres civils aussi dont nous croisons le chemin et les histoires. Il y a des personnages féminins marquants également, que j’espère nous retrouverons encore dans les tomes suivants.

Une histoire frontale de reconstruction parmi les ruines du Japon qui nous parle des répercussions de la guerre à différents niveaux et qui saura émouvoir nombre de lecteurs. Je pense cependant que ce manga s’adresse à un public averti, notamment pour ce qui est de la représentation très explicité des scènes de sexe et la violence qui leur est particulièrement associée pour certaines d’entre elles.

Pour ce qui est des dessins, ils sont impressionants de réalisme et de détails. Différents des codes habituels du manga grand public, ils s’approchent parfois de la bande dessinée occidentale voire même parfois de l’ambiance de films noirs des années 1950-60 et, pour moi, induisent d’une certaine manière que le message est bel et bien pour un public adulte.

Un premier tome qui laisse une forte impression. Le deuxième tome (déjà paru) est sur ma liste pour avril et le troisième est annoncé par l’éditeur pour le mois de juin.

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Et vous, suivrez-vous Toku et Kadomatsu dans leur retour à la vie civile ?

❤ « Bâtard » de Max de Radiguès (Casterman, 2017)

Décidément, ces temps-ci les coups de cœur se suivent mais ne se ressemblent absolument pas ! Ce roman graphique n’était pas une priorité d’achat mais quand je l’ai croisé à la médiathèque il est devenu immédiatement une priorité d’emprunt et de lecture. Comme quoi, parfois, je ne me maîtrise pas, mais alors pas du tout. Et c’est ce que j’aime, qu’un livre m’appelle sans que je m’y attende et qu’il me fasse vivre une aventure folle. Bingo !


Quatrième de couverture : « May et son fils Eugene tracent la route, le coffre de leur voiture rempli de sacs de billets de banque. Ils viennent juste de participer à un coup exceptionnel : 52 hold-ups simultanés à la même heure, dans la même ville. La police n’a rien pu faire !

Commence alors la cavale musclée d’un surprenant duo de braqueurs. »


Je n’ai pas encore lu les bandes dessinées auxquelles a participé Tarantino, mais en réfléchissant, celle-ci pourrait bien lui parler. Elle rassemble tout ce que j’aime dans le genre : le banditisme, l’imprévu qui fait capoter le plan huilé, les trahisons, les poursuites, la violence ET le lien qui uni May et Eugene. C’est un duo auquel on s’attache quoi qu’ils fassent car leur lien est fait d’un amour indéfectible et inconditionnel, d’une protection mutuelle, d’une complicité fusionnelle. Mais c’est pas glauque non plus, juste qu’ils ont toujours été tous les deux, donc c’est une équipe soudée quoi qu’il arrive.

Bref, alors que ce duo de braqueurs part le coffre rempli de billets, le plan va un peu dériver et la priorité va être de savoir qui est digne de confiance et qui ne l’est pas, puis comment échapper à ceux qui, en plus du pognon, veulent le pouvoir. Car dans le cas présent, les deux s’obtiennent en laissant des cadavres comme le petit Poucet des cailloux. La quête d’un refuge sans laisser la moindre trace mais pas uniquement pour ce duo qui n’est peut-être pas celui que l’on croit.

Cette chronique est un peu désordonnée et je m’en excuse, mais je ne peux pas prendre le risque de vous en dévoiler plus. Juste : si vous aimez les vieux films de gangsters, Tarantino, les récits rythmés qui ne connaissent pas le bouton pause et les duos parent-enfant de caractère, vous n’avez aucune raison d’hésiter, ce livre est fait pour vous et j’espère que vous m’en donnerez de belles nouvelles. Que dire de plus pour vous convaincre si ce n’est que ce roman graphique a reçu le Prix SNCF du polar, catégorie bande dessinée en 2018 ?

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Et vous, êtes-vous prêts à démarrer aux côtés de May et Eugene ?

« Le vieil homme et son chat – Tome 3 : se frisent les moustaches » de Nekomaki (Casterman, 2019) #RLBD2019

C’est toujours avec joie que j’accueille un nouveau tome de ce duo : à la fois le duo d’auteurs mais aussi le tendre duo de personnages. Entre Daikichi et Tama c’est comme l’histoire d’un vieux couple, avec ses moments de douceurs et ses petits coups en douce qui mettent du piment dans leur vie à deux qui souffre toujours d’une grande absente : Yoshié.


Quatrième de couverture : « Le quotidien d’un vieil homme et son chat. Humour, tendresse et nostalgie. Le petit coin de paradis de Daikichi et Tama n’est pas épargné par les querelles entre voisins de toujours. L’arrivée d’une jeune et charmant docteur apaisera-t-elle les tensions ou, au contraire, provoquera-t-elle des crises de jalousie chez les grands-mères de l’île ? Daikichi observe ces chamailleries de loin, occupé qu’il est à se plier aux désidératas félins de son comparse. »


Mais une promesse est une promesse alors Tama continue à prendre soin de son maître sans oublier de le taquiner un peu au passage ou de profiter de sa gentillesse. La bonté est une chose, mais si on peut en tirer quelques bénéfices c’est quand même pas plus mal.

Une fois de plus, en même temps que nous suivons des épisodes de la vie de ces deux comparses, nous découvrons aussi la vie du village, son passé et son présent, l’histoire des habitants et les relations humaines qui s’y sont tissées. Lorsqu’un jeune médecin arrive (et n’attend que de repartir) des secrets vont être dévoilés, toujours sur le même ton tendre que l’on connaît des auteurs. Et si la dureté d’une voisine cachait en fait un grand cœur fatigué ? Et si l’aversion pour nos amis à quatre pattes cachait en fait la peur de souffrir ? Et si, au fond, nous étions tous humains avec nos qualités et nos faiblesses ?

Les petites histoires s’enchaînent en même temps que les saisons se suivent et j’attends déjà avec impatience qu’une nouvelle année dans ce village soit racontée. Tama, le matou au caractère bien trempé, m’a bien fait rire une nouvelle fois et les illustrations appellent toujours autant à la contemplation. Les traits sont d’une rondeur apaisante, l’aquarelle un appel au calme le temps d’une lecture qui fait oublier le gris du ciel. En un mot, j’aime et j’espère qu’une suite est au programme.

J’ai vu peu de retours de lectures sur cette série dans la blogosphère et, vraiment, je ne peux que vous la conseiller car elle mérite beaucoup de lecteurs et lectrices. Ne sommes-nous pas tous à la recherche d’un peu de douceur ?

Note : je me rends compte que je n’ai pas chroniqué le deuxième tome. C’est un oubli que je risque de ne pas rectifier, mais vous pouvez y aller les yeux fermés, les trois tomes ont le même ton.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas de chronique trouvée pour le moment.


 

Et vous, quelle douceur automnale voulez-vous conseiller ?

« 109 rue des Soupirs – Tome 1 » de Mr Tan et Yomgui Dumont (Casterman, 2019) #RLJ2019

C’est la rentrée littéraire des adultes mais aussi des plus jeunes, c’est important de le souligner. J’ai craqué sur cette petite bande dessinée jeunesse car ça faisait longtemps que je n’avais pas été dans un univers un peu burtonien et que j’imaginais déjà pouvoir l’offrir au plus grand de mes adoramonstres (comprenez neveux). ♥ Un premier tome amusant, parfois tendre, parfois loufoque, toujours porté par une envie de faire plaisir aux yeux des petits et des grands (qui aiment parfois se glisser dans leur pyjama d’anciens petits).


Quatrième de couverture : « La nouvelle série gothique et désopilante de Mr Tan ! Lorsque Elliot et ses parents emménagent au 109 rue des Soupirs, à Belle-en-joie, ils ne peuvent se douter que cette maison sinistre est réellement hantée… Enfin, surtout Elliot, car ses parents, accaparés par leur travail, l’abandonnent vite à son sort. Il ne tarde pas à rencontrer ses colocataires plutôt spéciaux, tandis que débarque une baby-sitter pas très commode, qui semble chercher quelque chose… Des fantômes, peut-être ? »


J’ai immédiatement été séduite par les illustrations de Yomgui Dumont : elles sont à la fois très orientées gothique et très expressives, un régal. Le personnage d’Elliot est très touchant et ses nouveaux amis n’ont pas fini de l’entourer pendant que ses parents lui préfèrent leur travail. Une amitié qui commence par le pire mais qui mènera au meilleur. Qui aurait cru que des hurlemenrs mèneraient à de magnifiques rires ?

Abordable et en même temps avec un humour qui fait que rien n’est jamais glauque. Oui, ce sont des fantômes, oui, ils sont morts et n’ont pas toujours tout d’accroché là où il faudrait, mais l’humour fait que c’est toujours léger. Ils ont chacun leur caractère et les personnages sont pensés pour être attachants séparément mais aussi ensemble. Une jolie troupe d’amis que l’on adore suivre. Une première aventure dont j’ai plus apprécié la mise en place que le dénouement final (j’ai quitté mon pyjama de petite à ce moment-là je crois) mais je suis sûre et certaine que mon adoramonstre va bien rigoler et que, lui comme moi, nous serons impatients de découvrir la suite !

Un agréable moment de distraction, idéal pour donner le goût de la bande dessinée dès 7 ans, avec des dialogues efficaces, des illustrations qui s’animent presque sous nos yeux et (je parle rarement de ce critère mais aujourd’hui j’y tiens) un prix très abordable. Alors, pourquoi se priver ?

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Et vous, quelles séries graphiques pour la jeunesse recommandez-vous ?

« Le livre de Jessie : journal de guerre d’une famille coréenne » de Park Kun-Woong (Casterman, 2019)

C’est un fait : en Europe, nous avons quelques faiblesses concernant l’histoire contemporaine de l’Asie. Alors, quand des auteurs arrivent à proposer des livres clairs et abordables sur certains épisodes importants de ces pays, il vaut mieux de pas les laisser passer.


Quatrième de couverture : « Adapté du journal original rédigé par Yang Wu-Jo et sa femme Choi Seon-hwa pendant l’occupation japonaise de la Corée.

Le dessinateur coréen Park Kun Woong s’empare d’un témoignage très sensible sur l’occupation japonaise : un journal rédigé à quatre mains par un couple et commencé à la naissance de leur fille Jessie. Ce récit qui court sur plusieurs années et capte avec beaucoup de densité le quotidien familial en temps de guerre, est régulièrement comparé au Journal d’Anne Frank.

C’est aussi un récit de transmission, dans lequel des jeunes parents confient à leur fille leur combat pour l’indépendance, leur engagement pour un pays qu’ils sont obligés de fuir et retrouveront en 1945. »


Park Kun-Woong possède ce talent. Il sait trouver les récits et travailler leur adaptation pour qu’ils soient appréhendables sans forcément avoir beaucoup de connaissances historiques. Pas d’inquiétude, il s’occupe de tout et prend le temps de vous expliquer. J’adore cette notion de vulgarisation mêlée aux talents graphique et narratif, c’est vraiment important à mes yeux. C’était déjà le cas avec le magnifique Mémoires d’un frêne que je vous recommande chaudement.

La Corée est occupée par le Japon et nombre de coréens hostiles à cette occupation (qui implique répression et surveillance policière) se réfugient en Chine, opposant commun du Japon. C’est dans ce contexte que nous suivons la vie de Yang Woojo et Choi Sunhwa et de leur premier enfant, la petite Jessie.

Un journal qui décrit l’exil, la recherche de refuges, les raids aériens et les bombardements, la croissance de la petite Jessie qui se construit sur les ruines et dans la peur. L’enfant devient alors un refuge. Elle est la vie quand la mort s’empare du monde qui entoure les parents. Jour après jour, mois après mois, années après années, les parents de Jessie tiennent un journal pour lui dire leur amour. Nous comprenons l’utilité de ce rituel : ne pas perdre pied et laisser une trace, la preuve de leur amour si jamais ils venaient à disparaître.

La météo et l’attente deviennent des protagonistes à part entière dans le sens où ils vont rythmer le récit : la météo deviendra déclencheur de bombardements, l’attente la compagne de l’incertitude. Si les personnages principaux sont coréens, nous voyons également la vie du peuple chinois dans la guerre et son immense sens de l’accueil et de résilience. Face au malheur jamais ils ne se démoralisent ou ne baissent les bras.

Ce livre est un témoignage de guerre et d’enfance dans la guerre, de résistance et d’exil. Les graphismes sont absolument magnifiques et différents de ce que l’ont peut habituellement croiser dans ce domaine littéraire. Le récit et sa conclusion permettent également de comprendre en partie pourquoi la Corée est désormais séparée en deux entitées étatiques différentes. La famille des témoins, émigrée aux États-Unis, nous rappelle que la fin de la guerre n’est pas pour autant la fin de l’exil. La guerre de Corée ne tardera pas à faire rage dès 1950.

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Et vous, quel livre sur l’histoire de la Corée conseilleriez-vous ?

❤ 👁 « Das Feuer » de Patrick Pécherot et Joe Pinelli (Casterman, 2018)

Ce roman graphique m’a absolument subjuguée ! J’en suis restée pensive un bon moment, de la boue et de la pluie plein la tête, des extraits de phrases, des mots en résonance dans l’esprit. Une claque.


Quatrième de couverture  : « Ce serait un crime de montrer les beaux côtés de la guerre, même s’il y en avait.

TAC ! TAC ! BAOUM ! BAOUM ! Les coups de fusils, la canonnade autour de moi. Partout ça crépite et ça roule, longues rafales et coups séparés. Sombre et flamboyant orage qui ne cesse jamais. Je suis enterré au fond d’un éternel champ de bataille. Depuis quinze mois, depuis mille cinq cents jours, du soir au matin sans repos, du matin au soir sans répit. La fusillade, le bombardement ne s’arrêtent pas. Comme le TIC-TAC des horloges de nos maisons, aux temps d’autrefois, dans le passé quasi légendaire. On n’entend que cela lorsqu’on écoute. TAC ! TAC ! BAOUM ! BAOUM !

L’horreur de la Première Guerre mondiale transposée dans le camp ennemi, c’est ce que Joe Pinelli tente de nous faire toucher du doigt en adaptant du côté allemand Le Feu, d’Henri Barbusse, écrivain qui a servi dans les tranchées. »

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Je ne suis pas à jour dans ma lecture des grands classiques sur la Grande Guerre, dont les titres de tête que je dois lire sont : À l’ouest rien de nouveau d’Erich Maria Remarque, Ceux de 14 de Maurice Genevoix, Les croix de bois de Roland Dorgelès et Le Feu d’Henri Barbusse. Et c’est de ce dernier que Patrick Pécherot et Joe Pinelli nous proposent une adaptation libre et graphique en plaçant le récit du point de vue allemand. Un positionnement qui rappelle que de chaque côté du front ce sont des hommes qui combattent et qu’ils ressentent la même peur, la même douleur, la même mort au cœur des entrailles.

C’est dans un désert de boue que nous suivons les hommes d’un régiment, qui creusent la terre molle et gluante, imbibée d’une pluie qui semble ne jamais cesser. Ces hommes, ils se découvrent tous différents et en même temps tous pareils : rien. Ce rien remplaçable car il reste toujours des vivants pour venir combler les morts, ce rien car chacun d’eux se perd dans des chiffres finaux impossibles à concevoir vraiment. Rien, car derrière la boue et entre les rideaux de pluie, la singularité de soi disparaît : tu es soldat, tu es chair à canon, tu es là et tu perds l’esprit comme tu glisses sur les cadavres embourbés.

« La bêtise et l’oubli sont des péchés et des crimes. Le silence n’aura d’autre conséquence que la répétition des événements. » (p. 205)

Ce roman graphique est une complainte, un chant d’honneur par ceux qui ne verront peut-être pas demain. Une rébellion par les mots, un regard vrai sur la situation, alors que les pieds continuent de chercher leur objectif : la tranchée.

Les illustrations sont à vous dégouter de la pluie, pleines de boue, d’eau, étouffantes. Les terres abîmées se fondent aux corps dévastés, les deux ne font plus qu’un. Un livre en noir et blanc, surtout en gris, qui impressionne autant par les détails et le réalisme de certains passages, que par la constance de l’ambiance étouffante. Je suis littéralement impressionnée et touchée par ce livre qui se révèle être une grande découverte pour cette fin d’année !

« La voici la guerre qui viole le bon sens, qui avilit les grandes idées, hideuse au moral comme au physique, la guerre qui commande tous les crimes. » (p. 201)

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Et vous, quelle bande dessinée conseilleriez-vous sur ce sujet ?

 

« La fille d’avril » d’Annelise Heurtier (Casterman, 2018)

J’ai trouvé que ce titre récemment paru était idéal pour la thématique du mois. Littérature adolescente et sujet qui engage au sein de la société et face à ses évolutions et ses questionnements encore en cours.


Quatrième de couverture : « À travers le parcours d’une adolescente déterminée, une plongée fascinante dans les années 60.

Comme pour la plupart des jeunes filles dans les années 1960, l’avenir de Catherine est tout tracé : se marier, avoir des enfants, puis s’en occuper le plus clair de son temps. Un jour, elle est contrainte de rentrer du collège en courant. C’est une révélation : quel sentiment de force, de liberté ! Mais courir, surtout pour une femme, est une chose alors impensable. Pourtant Catherine s’interroge, rêve d’une vie différente, s’entête… Jusqu’où sa détermination la mènera-t-elle ? »

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Le schéma narratif est assez classique : Izia, la petite-fille de Catherine, lui demande de lui raconter son histoire en lien avec des objets du passé qu’elle découvre. Mais il faut bien reconnaître qu’il fonctionne très bien et qu’il a quelque chose de douillet, de rassurant. Je me revois presque petite devant des films d’enfance, avec les grands-parents qui racontent des histoires, immortalisés sur des images qui vieilliront mal mais qui feront toujours leur petit quelque chose de proustien.

Bref, je reviens dans le sujet. Catherine avait 16 ans à la fin des années 1960 et elle se découvre l’envie puis le besoin de courir pour se sentir exister, pour faire exploser les murs des convenances qui l’étouffent. Le monde que l’on impose aux femmes lui est trop étroit et elle découvre peu à peu que les règles imposées ne le sont pas pour la protéger mais pour conserver un ordre établi. Le monde des hommes sur les femmes et les enfants. Car si le propos défend le droit des femmes de choisir la vie qu’elles souhaitent mener, il évoque aussi la place des enfants dans les familles et dans le société. Une place réduite à se taire et à écouter.

Annelise Heurtier, dans cette image romancée mais documentée des années précédant mai 1968, permet également d’aborder la question des classes sociales et de son déterminisme. Pour avoir de l’argent il faut faire des études, pour faire des études il faut de l’argent. Alors quand Catherine obtient une bourse pour étudier et peut-être aller jusqu’à obtenir son baccalauréat, quand elle sent qu’elle peut courir comme le font les hommes, quand elle sait qu’elle vaut d’être elle-même, la bête qui sommeille peut sortir ses griffes et secouer le monde.

Les personnages sont touchants, parfois irritants, mais font le décor d’un passé qui a évolué jusqu’à aujourd’hui. Il rappelle que s’il faut parfois du temps pour faire évoluer les mentalités, il ne faut pas se décourager et avancer pour les causes qui nous semblent justes.

Une très belle réussite qui m’aura emmenée avec elle dans un genre qui ne me met pas forcément à l’aise. Bravo !

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Et vous, avez-vous envie de courir avec Catherine pour faire avancer le monde ?

« Le vieil homme et son chat : n’ont plus peur des chiens » de Nekomaki (Casterman, 2018)

Une fois n’est pas coutume, je souhaite vous parler aujourd’hui d’un manga. Mais pas de n’importe quel type ! Un manga mignon tout plein qui fait du bien (même si je suis une madeleine et que j’ai pleuré dessus…) !


Quatrième de couverture : « Chaque moment du quotidien est un trésor d’humour, de tendresse et de nostalgie.

Daikichi, instituteur à la retraite et veuf, vit avec Tama, un chat de 10 ans. Ou bien est-ce Tama qui veille sur son vieux maître pour honorer une promesse faite à son épouse disparue ?

Au fil des saisons et d’un quotidien fait de promenades paisibles, de repas partagés entre voisins de toujours et d’évocations des années passées, Daikichi et son chat s’entraident, se chamaillent, et s’adorent. »


Nekomaki est un nom de plume qui cache en réalité deux personnes. Quatre mains qui ont su me toucher (drôle de formulation, je vous l’accorde) par la douceur de ce scénario et la beauté de ces illustrations ! J’en ai tout simplement pris plein les yeux et plein le coeur !

Il faut savoir que j’adore les chats. Alors quand j’ai vu la sortie de ce livre, la beauté de sa couverture et sa quatrième de couverture… Il m’a été impossible de résister. Et ça aurait été dommage de ne pas craquer !

Nous suivons principalement Daikichi et son chat Tama. L’un affronte chaque nouvelle journée, chaque nouvelle saison, avec un deuil à porter. L’autre, malgré son caractère bien trempé, protège le premier. Car une promesse a été faite à Yoshié et Tama est du genre loyal. Ce premier volume permet de mieux comprendre les différentes relations qui se sont nouées au cours d’une vie, dans ce petit village plein de chats. Du passé, marqué par la guerre et les hommes qui ne reviennent pas, aux croyances qui font que l’on veut toujours trouver le moyen de garder espoir, impossible de ne pas être ému. Si vous vous demandez quel est le rapport avec les chiens (vu le titre), il faudra parcourir ces belles pages !

J’ai beaucoup aimé ces deux personnages principaux ainsi qu’Iwao, le meilleur ami d’enfance de Daikichi, qui a des colères aussi grandes que sa générosité. J’ai aimé le ton adopté, le mystère qui entoure la vie des chats, l’épreuve du deuil qui est abordée avec finesse et pudeur. Si je m’attendais surtout à rire, c’est finalement une grande tendresse que j’ai trouvé dans ce récit et ça m’a séduit.

Une belle réussite, qui se feuillette sans fin pour savourer encore un peu ses belles pages et qui attend sa suite à paraître en octobre ! Par contre, je préviens que cette lecture donne envie d’adopter tous les chats des alentours.

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Et vous, envie de voyager dans le village des chats ?

« Wannsee » de Fabrice Le Hénanff (Casterman, 2018)

Ce roman graphique était de ceux que j’attendais avec le plus d’impatience de par son sujet. Après l’avoir feuilleté une première fois, c’est la qualité graphique du livre qui m’a mis une claque ! Le dessin est incroyablement réaliste mais sombre, il instaure une ambiance très forte, tout à fait adaptée à la lourdeur de la conférence de Wannsee.


Quatrième de couverture : « Au sommet de l’horreur bureaucratique : la conférence qui a organisé l’holocauste.

Wannsee, banlieue de Berlin, le 20 janvier 1942.

Quinze hauts fonctionnaires du Troisième Reich participent à une conférence secrète organisée par les SS. En moins d’une heure trente, ils vont entériner, et organiser, le génocide de millions de Juifs. »


La sobriété et le factuel sont deux pré-requis importants dans l’acte de la transmission historique. Clairement, Fabrice Le Hénanff y répond et déroule sous nos yeux la conférence du 20 janvier 1942, avec ses participants, les organes de du IIIème Reich et du NSDAP, tous rassemblés pour découvrir et adhérer à la « solution finale du problème juif » élaborée par Reinhard Heydrich, chef de la SIPO et du SD, ainsi que par Adolf Eichmann, responsable du Service des affaires juives et auteur du compte-rendu de la conférence.

« Les quinze participants à la conférence de Wannsee représentent la SS, la police et le parti nazi, ainsi que plusieurs ministères et organismes chargés de l’administration des territoires occupés en Europe de l’Est. Ces personnages appartiennent à l’élite de l’Allemagne nazie et dispensent leurs conseils aux plus hauts dirigeants du Reich. Leur tâche est de traduire dans les faits les décisions prises par les instances politiques. » La Conférence de Wannsee et le génocide des Juifs d’Europe : catalogue abrégé de l’exposition. Maison de la Conférence de Wannsee : Berlin, 2007.

Ce qui s’énonce comme une évacuation est en réalité une extermination qui ne recevra pas de résistance. Les échanges sur les modes opératoires, les débats et puis l’enthousiasme sont difficiles à regarder, à intellectualiser tellement ils sont ignobles. Malgré cette réunion, des évacuations ont déjà court dans l’Est de l’Europe et l’extermination a commencé, que ce soit avec la Shoah par balle ou les camions à gaz. La question de cette réunion est donc davantage d’adapter les pratiques en cours à l’ensemble des ressortissants juifs des territoires occupés.

« Le 20 janvier 1942, jour de la conférence de Wannsee, les exécutions de masse ont déjà été déclenchées depuis six mois en Union Soviétique, les déportations ont commencé et Chelmno, le premier camp d’extermination, est en activité depuis six semaines. » La Conférence de Wannsee et le génocide des Juifs d’Europe : catalogue abrégé de l’exposition. Maison de la Conférence de Wannsee : Berlin, 2007.

Cette réunion secrète, dont il ne devait rester aucune trace, est finalement l’un des rouages avérés de l’extermination grâce à l’unique dossier qui n’a pas été détruit et qui a été retrouvé. J’ai senti par cette précision comme un message sur l’importance de la trace et des archives, sur un fait fondamental à souligner : que l’histoire se construit sur des preuves.

Très didactique, cette bande-dessinée peut s’adresser à beaucoup de lecteurs, qu’ils soient sensibilisés à cette terrible période ou non, les faits sont clairs et l’auteur prend le temps de quelques explications sur chaque protagoniste en fin d’album.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : SambaBD • Une case en plus


 

En hommage à Claude Lanzmann (1925-2018),
qui aura passé sa vie à se battre pour montrer la réalité de la Shoah.
Merci Monsieur.

« En roue libre » de Nicolas Moog, Gilles Rochier et Jiip Garn (Casterman, 2018)

Je ne sais pas pourquoi, mais cette bande-dessinée, loin de mes sujets de prédilection, m’a tapée dans l’œil alors que je faisais ma veille. Aussitôt récupérée chez mon libraire, aussitôt dévorée, aussitôt méditée.


Quatrième de couverture : « Oh t’inquiète pas. Ils frappent pas les infirmes… Au pire, ils me piquent mon fauteuil pour promener leurs mômes. Ha ha !

Tonio, on va lui couper sa dernière jambe. Lui et moi, ça fait un bail qu’on traîne ensemble. On est restés au quartier, on s’est débrouillés comme on a pu. On a bien vieilli ? Je sais pas.

Tonio, sa jambe et lui, ils avaient jamais vu la mer. On a fait un crochet pour la leur montrer. »


Je ne veux pas tomber dans un misérabilisme qui ne fait pas avancer la question, je ne veux pas non plus nier la violence insidieuse qui se répend dans certains quartiers où l’avenir est un mot difficile à conceptualiser. L’avenir c’est demain, cette semaine, pour le reste on verra plus tard.

L’avenir de Tonio n’est pas très joyeux, il va perdre sa deuxième jambe. Avec elle, c’est le reste de son autonomie qui disparaît. Avec une jambe, tu peux encore aller pisser seul.

Le récit est tressé entre aujourd’hui et la jeunesse des deux protagonistes principaux : Tonio et son ami. On découvre un Tonio qui se noie dans le réconfort de quelques cannettes, discute en mode no filter et n’accepte pas de perdre la dernière jambe qui lui reste. Il fait tout comme bon lui semble, quand il veut, parce qu’il le peut. C’est cela qui va venir se mettre en contradiction avec son ami d’enfance ancré dans une réalité rationnelle qui devient peu à peu incompatible.

Ce type d’opération n’est pas une formalité, ce n’est pas qu’un rendez-vous inscrit dans un agenda, c’est perdre un peu plus de ce que l’on est. Tonio est en colère et taquiner son monde et ne pas se présenter aux rendez-vous c’est sa manière d’exister, il ne veut pas passer le reste de sa vie à subir.

On découvre au fil des pages des anecdotes de jeunesse qui auraient pu l’amener à perdre sa jambe, jusqu’au jour où c’est le cas. Ce sont des défis inconscients d’enfants, des challenges extrêmes qui font se sentir vivants dans une société qui vous enterre. Et dans ce monde de l’enfance, Tonio est une star. Il est poussé et porté toujours plus loin dans le danger par son fan club. Peut-être est-ce aussi pour cela que son ami s’en sent responsable. Mais la culpabilité n’est pas l’amitié.

Les dessins m’ont au départ un peu surprise, je n’ai pas du tout l’habitude de ce style, pour finalement me convaincre. Ils mêlent à la fois une douceur et une froideur qui sont particulièrement adaptés à l’histoire et à son contexte.

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