👁 « Prête-moi une fenêtre » & « Ce peu de vie » de Hala Mohammad (Bruno Doucey, 2018 ; Al Manar, 2016)

Lors de la préparation de ce mois thématique, plusieurs recueils de poésie se sont imposés à moi. Comme une évidence. Ces deux recueil d’Hala Mohammad en font pleinement partie et, depuis que je les ai lus, je les ouvre et les réouvre régulièrement. Je découvre et redécouvre sa voix, faite de lumière pour éclairer les ombres. Ce deux recueils sont présentés dans une édition bilingue arabe-français.

Née à Lattaquié, en Syrie, en 1958, Hala Mohammad a été amenée à fuir son pays pour trouver refuge en France.

« Ce peu de vie »

Quatrième de couverture : « Les papillons / Emigrant avec les familles / Sur les ballots / Sur les fleurs des robes des filles / Dans les poches des grands-mères / Dans les supplications des mères, / A la frontière / Ils ont ôté leurs couleurs / Et sont entrés dans leur exil / Photo souvenir / En noir et blanc. »

Premier recueil de Hala Mohammad publié en français, vingt-cinq poèmes qui disent l’absence, les lieux quittés, les joies passées, les violences qui perdurent dans la patrie perdue. L’autrice mêle aux mots emprunts de douceur, aux espaces de l’enfance et de la maison, la réalité crue. Elle crée un espace qui se déchire entre espoir et quotidien qui le malmène.

Un recueil qui nous parle d’humanité et de la Syrie dévastée. Parfait pour une première découverte de l’autrice et pour découvrir, en même temps, la maison d’édition Al Manar que je ne connaissais pas.

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« Prête-moi une fenêtre »

Présentation de l’éditeur : « La maison a beaucoup changé après ton départ… Les mots par lesquels s’ouvre le recueil d’Hala Mohammad laissent entendre qu’il y a un avant et un après, un ici et un ailleurs. Plus encore, un billet aller qui ne donne à l’exilée que peu d’espoir de retrouver indemne le pays qu’elle a laissé derrière elle. De poème en poème, l’auteure cartographie l’absence et son cortège de chagrins. Une révolution orpheline. La guerre. Les routes de l’exil. Les dures conditions de vie des gens qui ont parfois tout perdu mais qui continuent à vivre et à aimer. Car ce sont eux qui intéressent la poète-documentariste qui progresse caméra au poing. Avec un sens inné du court-métrage, elle défie la peur et nous livre un texte d’une force rare contre la géographie de la tyrannie. Sois la bienvenue, Hala : cette maison d’édition aux fenêtres ouvertes sur le monde est la tienne ! »

C’est avec le même ton que Hala Mohammad compose ce second recueil avec les éditions Bruno Doucey. A la fois dans l’évocation personnelle et tournée vers l’autre, l’autrice nous parle de son quotidien, de ses souvenirs, de ses proches, de l’adaptation à une nouvelle vie qui crie l’absence, de ce qui ne passe jamais, de la guerre, de la tyrannie, de l’effort pour l’oubli ne serait-ce que quelques minutes, d’autres personnes déracinées, des disparu·e·s.

C’est un recueil extrêmement dense et percutant. Certains poèmes sont gravés en moi, notamment lorsqu’elle parle d’être une gardienne de cimetière – ce dernier n’étant pas celui qu’on s’imagine – ou lorsqu’elle dépose des fleurs sur des tombes, au hasard, espérant que quelqu’un en déposera une sur celle de sa mère, sous l’olivier, en Syrie. Ce sont des pensées à la fois quotidiennes, que chacun·e de nous peut saisir, et en même temps complexes que partage Hala Mohammad.

On sent puissamment la déchirure et les voyages mentaux qu’elle réalise dans la maison de son enfance, probablement détruite depuis. Elle pense à la porte, au seuil, aux murs, aux détails qui faisaient un lieu réconfortant et unique pour elle, dans lequel ont déambulé des êtres chers. Ces pensées ont eu beaucoup d’écho chez moi, alors même que je ne peux en aucune manière comparer mon parcours au sien. Mais là est aussi la puissance de l’universalité de certaines expériences, comme celle des chansons de l’enfance qui s’inscrivent, se tatouent, en nous pour la vie.

Si j’ai été plus sensible à certains aspects qu’à d’autres, chaque poème est fort et porte une voix que je vous invite à lire et dire à voix haute à votre tour, pour qu’elle s’envole librement et qu’elle touche, peut-être, d’autres personnes encore. De mon côté, je vous donne rendez-vous très vite pour vous reparler de cette autrice, même s’il m’est toujours difficile de rassembler mes idées pour vous parler de poésie.

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Et vous, quelle est votre dernière découverte poétique ?

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« Feux » de Perrine Le Querrec (Bruno Doucey, 2021)

J’ai découvert Perrine Le Querrec avec son recueil extrêmement difficile mais non moins nécessaire Rouge pute. Alors, quand j’ai vu que les éditions Bruno Doucey éditaient son nouveau recueil, je n’ai pas hésité longtemps.

Présentation de l’éditeur : « Quel point commun y a-t-il entre la caverne où dansent des ombres, la ville de Pompéi et la bibliothèque d’Alexandrie ? Entre Jeanne d’Arc et Antonin Artaud ? Entre le Reichstag et Oradour-sur-Glane ? Entre un autodafé et une immolation ? Entre la rue de la Vieille-Lanterne à Paris et la place Jacques-Cartier de Montréal ? Entre la femme d’Henri Michaux et le printemps arabe de 2011 ? Entre la nuit polaire de Jack London et l’Australie de 2019 ? Il faudrait un répertoire pour dénombrer tous les feux dont parle Perrine Le Querrec dans ce livre incandescent. À la plasticité du feu répond celle de la page : que le poème soit centré comme un brasier ou en colonnes comme des flammes, l’arc électrique des mots crépite sur le papier. Un livre qui réactive une mémoire enfouie et allume des signaux. De quoi attiser la curiosité du lecteur qui brûle déjà d’entrer dans ces pages. »

Le feu : qui permet la vie et inflige la mort. Le feu : comme outil de persécution et comme arme de rébellion. Le feu : réel ou symbolique. Tous les poèmes de ce recueil parle de feux, qu’ils soient littéraires, historiques, sociaux ou encore linguistiques.

De l’origine de l’humanité aux plus grands drames de l’histoire, en passant par des faits quotidiens et des explorations d’oeuvres littéraires, la multitude de références rassemblées par Perrine Le Querrec ont fait entrer mon esprit à l’état d’ébullition. C’est un véritable voyage dans le temps et dans l’espace.

Nombre de poèmes m’ont plus, dans leur fond mais aussi dans leur forme. Car cette dernière est vraiment travaillée. La composition des poèmes est parfois très visuelle et j’ai vraiment apprécié ce processus qui s’est ajouté à une oralité efficace. Cela m’a donné un sentiment de complétude dans la démarche poétique.

Si vous me connaissez, vous devez vous douter que j’avais une petite curiosité particulière. Je travaille sur la représentation de la Seconde Guerre mondiale – et plus particulièrement de la Shoah – dans la littérature et je m’attendais donc à lire des poèmes sur le sujet. Je trouve la proposition de Perrine Le Querrec très forte, percutante en peu de mots. Nous reconnaissons immédiatement Auschwitz-Birkenau, nous reconnaissons immédiatement Oradour-sur-Glane. (Ce petit focus ne concerne qu’une toute petite part du recueil.)

Si nous sentons tout au long de la lecture l’intérêt de l’autrice pour l’histoire et ses moments marquants, il est impossible de ne pas parler de féminisme. L’engagement de Perrine Le Querrec s’exprime avec coeur et colère, détermination et incandescence.

Il ne me reste plus qu’à découvrir les événements que je ne connais pas encore – et d’approfondir les autres – afin de relire les poèmes à la lumière de nouvelles connaissances. J’ai hâte de relire et de redécouvrir ce recueil.

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Et vous, à quoi pensez-vous avec le mot « feu » ?

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❤ 👁 « Pour une poignée de ciel : poèmes au nom des femmes dalit » anthologie établie par Jiliane Cardey (Bruno Doucey, 2020)

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Voilà une invitation qui ne pouvait se refuser : rencontrer des femmes mises à l’écart de la société, discriminées, maltraitées, qui ont eu la possibilité de parler, qui ont décidé de dire au monde leur vie et les injustices qui la composent. Des textes forts de femmes courageuses au quotidien, dans un pays dangereux pour elles.

Quatrième de couverture : « Des jeunes filles terrifiées qui perçoivent la date du mariage comme un nœud sur la corde, des femmes considérées comme du bétail, le travail incessant dans la maison en terre battue, le sel des larmes, des corps que l’on malmène comme on malmène la terre… Cette anthologie de la poésie dalit donne la parole aux laissées-pour-compte d’une société divisée en castes ; et l’on comprend, lisant ces pages bouleversantes, qu’être femme et intouchable c’est subir une double peine. Jusqu’au jour où… Pour une poignée de ciel raconte la façon dont la femme dalit se saisit d’un crayon. Pour crier sa révolte. Pour en appeler à la liberté. Pour réclamer l’égalité. Pour dire non aux rapports de domination. Qu’elle devienne quelqu’un en étudiant ou confie à la poésie le soin de son émancipation, elle fait irruption dans l’Histoire de l’Inde postcoloniale. Un livre essentiel, qui ne laissera personne indifférent. »

Du rapport aux parents, qui luttent au quotidien, qui s’éreintent à travailler sans s’arrêter dans l’espoir d’offrir un avenir meilleur à leurs enfants, jusqu’au chemin de la révolte, des dizaines de femmes parlent de leur vie, des épreuves vécues, du patriarcat et de la violence masculine, d’une réalité dont on ne parle que trop peu. Elles le font avec hargne, avec colère, avec amour aussi pour leurs proches, avec réalisme, avec le sens de l’ironie également. Un panel de tons pluriel, universel, alors que le monde détourne les yeux sur cet esclavage dont l’abolition a pourtant été promulguée en 1950, mais toujours ancrée dans l’une des plus grandes populations mondiales.

Au-delà des textes et de leur engagement personnel comme collectif, c’est une part de la culture indienne que nous pouvons découvrir entre ombre et lumière. Si d’une part on nous explique des points de mythologie et de culture on nous confronte également à l’hypocrisie d’une société dont des référents ancestraux justifient les discriminations d’aujourd’hui. Des discriminations et violences accentuées pour les femmes.

En lisant ce livre vous ne pourrez pas ne pas vous sentir concernés et vous entendrez longtemps résonner ces voix dans votre esprit. Ne pas les oublier, en parler et les écouter. Pour ouvrir sur l’actualité, le confinement est ordonné en Inde et ces femmes, leur famille, leurs enfants, seront particulièrement vulnérables : au virus, oui, mais aussi à la famine.

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Et vous, connaissez-vous des livres sur ce sujet ?

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❤ 👁 « La robe froissée » de Maram al-Masri (Bruno Doucey, 2012)

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La voix de Maram al-Masri a une douceur que que j’écoute avec plaisir et que j’entends très facilement quand je la lis. Et dans ce recueil, c’est la voix d’une femme, d’une mère qui s’exprime à nouveau. Une femme qui a quitté sa Syrie natale et qui, ici, nous parle du Nord. Ce Nord qui représente une partie de mon histoire familiale, que je n’ai pas revu depuis de nombreuses années, mais que je tiens en affection.

Quatrième de couverture : « D’où vient-elle ? D’un pays de soleil, sur les rives orientales de la Méditerranée, là où furent trouvées les tablettes des premiers alphabets. Ses souvenirs ont la couleur des jardins suspendus, l’odeur du cumin et de la menthe, la transparence du verre soufflé. Maram al-Masri est née à Lattaquié, en Syrie. Ce n’est pas dans son pays que je l’ai rencontrée, mais à Paris où les pas de l’exil l’ont portée. En 2009, une résidence d’écriture l’entraîne dans le nord de la France : Maram découvre les villes noyées de brume, les maisons qui se serrent les unes contre les autres comme pour se tenir chaud, une région aux antipodes de sa terre natale. Et pourtant… Pourtant, lorsque se mêlent rires d’enfants et fragilités sociales, crises économiques et ambiance de fêtes foraines, le regard du poète ne connaît plus de frontières. »

Une fenêtre qui donne sur la place de la ville. Derrière elle, une femme. Elle regarde la vie qui s’écoule, avec les acteurs heureux et moins heureux qui la composent et l’hiver qui les éloigne, le soleil un peu pâle, les maisons collées les unes contre les autres, comme voulant se réchauffer entre elles, un hiver de plus dans leur longue histoire.

Derrière cette fenêtre, elle nous parle des fêtes foraines comme de réflexions sur l’exil. Ce sont des instants vus avec le bagage d’une vie. Des mots qui veulent aussi gâter les enfants, les protéger et faire qu’ils ne manquent ni d’amour ni de sucreries. Faire qu’ils gardent le plus longtemps possible leur enfance.

Ce mélange de douceur et de clairvoyance sur la dureté de la vie ouvre une réflexion sans fin, de celles qui vous accompagnent, au chaud dans nos pensées. Une rencontre, une alliance culturelle portée par un regard bienveillant qui fait du bien, tout simplement même s’il m’a rendue un peu nostalgique.

Le recueil se termine par un ensemble différent Petit cheval et autres poèmes qui rappelle l’humanisme de l’auteure qui dépasse toute les frontières et dénonce la violence de la guerre, mais aussi les douleurs quotidiennes.

Note à moi-même : faire grandir encore ma collection des titres de Maram al-Masri. Car sa sensibilité et sa délicatesse me font gonfler le coeur.

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Et vous, voulez-vous lire le Nord à travers les yeux et les mots de cette auteure ?

❤ 👁 « Je ne peux le croire : Fukushima, Nagasaki, Hiroshima, haïkus & tankas » anthologie établie par Dominique Chipot (Bruno Doucey, 2018)

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Le 6 août 1945, la première attaque nucléaire de l’histoire eut lieu à Hiroshima. La cible : les civils. Hommes, femmes, enfants. Trois jours plus tard, le 9 août, la population de Nagasaki connu le même sort. Un Japon incendié et dévasté par les armes les plus destructrices de l’histoire pour accélérer une capitulation qui se précisait pourtant. Impossible de justifier l’injustifiable. Mais regarder, 75 ans après, ne pas oublier la folie des hommes, la douleur indicible des victimes et la violence du nucléaire qui s’est à nouveau déversée sur le Japon en 2011, à Nagasaki. Cette anthologie est l’une des plus difficiles que j’aie eue à lire, mais il le fallait. Car aujourd’hui, les armes et centrales nucléaires sont présentes sur tous les continents et restent une menace permanente. Une menace dont les puissants ne veulent se défaire malgré les écrans de fumée de bonnes intentions.

Quatrième de couverture : « En mars 2011, un séisme frappe le Japon, entraînant l’accident nucléaire de Fukushima. Pour le monde entier, l’histoire paraît alors se répéter. Chacun songe aux deux bombes atomiques qui ont été larguées sur Hiroshima et Nagasaki en août 1945, catastrophe sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Nous savons quelle déflagration cela a provoqué dans la littérature occidentale. Mais que sait-on des poètes japonais qui écrivirent ces tragédies en lettres de cendre ? Près de 120 poètes répondent à cette interrogation, parmi lesquels Matsuo Atsuyuki, un des rescapés de Nagasaki, dont les haïkus ont bouleversé le Japon, ou Oyama Takami, figure majeure du tanka, qui s’éleva toute sa vie contre l’armement nucléaire. Poètes d’un jour ou écrivains confirmés, victimes ou simples témoins des désastres qui ont endeuillé leur pays, ces poètes japonais se frayent chemin parmi les décombres. Avec l’espoir que le genre humain ne s’anéantisse pas par lui-même. »

Je ne suis pas une habituée des haïkus mais la forme de cette poésie impressionniste m’a emmenée avec elle. Dire en peu de mots, confier un sentiment, l’essence d’un moment qui a traumatisé une vie, des vies. Ce sont ces peu de mots pour dire beaucoup qui m’ont impressionnée et énormément émue. Ces haïkus expriment le besoin de dire, l’importance des mots pour tenter d’exorciser ces minutes, ces heures, ces jours impossibles à oublier. Pour rendre un peu de réalité et de vie aux proches perdus aussi. Pour témoigner aussi au monde.

Le recueil s’ouvre sur le poème La guerre de Matsuï Yoshiko, un grand coup qui se poursuit tout au long de la lecture. Un dernier cri de désespoir qui donne son nom à l’anthologie, face aux guerres sans cesse recommencées à peine les précédentes théoriquement terminées. Les mots dépassent les lieux et les dates car la douleur de la perte n’a pas de frontières, car l’empathie est en chacun de nous, qu’elle ne soit encore qu’un bourgeon ou une fleur épanouie. Mais les mots doivent malgré tout rappeler des lieux et des dates car l’histoire, ici portée par la littérature, doit nous sensibiliser pour aujourd’hui et pour demain, nous faire garder les yeux et le coeur ouverts.

La première partie est consacrée au séisme de Fukushima, un nom désormais tristement célèbre à ajouter à la liste des noms tristement célèbres. Vient ensuite un semble de Matsuo Atsuyuki, Poèmes d’un rescapé, qui dit la douleur des absents, le deuil impossible et la colère qui suivent le passage des années sans s’atténuer. Il dit aussi les répercussions des radiations sur les corps des décennies après les bombes, l’isolement de ceux que l’on appelle les atomisés. Pour moi, c’est un texte immense à mettre dans les manuels scolaires. La troisième partie revient enfin sur les bombes de 1945, Hiroshima, Nagasaki.

Cette anthologie nous exhorte au souvenir et à la parole. C’est à chacun d’entre nous qu’il revient de mettre les différents gouvernements face à leurs reponsabilités, ensemble. De faire en sorte que la liste des noms tristement célèbres ne s’allonge pas.

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Et vous, quel livre en lien avec le nucléaire conseilleriez-vous pour sensibiliser sur cette question ?

👁 « Je franchis les barbelés » de Souad Labbize (Bruno Doucey, 2019)

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Souad Labbize est née en Algérie et a vécu dans différents pays avant de s’installer en France. Confrontée concrètement à la violence, elle nous parle ici des routes de l’exil, du poids de la religion, de la guerre du point de vue de la société civile.

Quatrième de couverture : « Mon baluchon d’exil et Berceuse pour le dieu de la guerre : les textes qui composent le livre de Souad Labbize donnent le ton d’une poésie écrite par une femme celle qui a fait le choix de l’exil pour échapper aux diktats imposés par les hommes et par la religion. Femme libre, femme livre… Qu’elle évoque ceux que nous nommons aujourd’hui migrants, exilés, réfugiés, ou raille le retour du divin dans le quotidien, l’autrice affirme son droit à l’insoumission et à la liberté. Avec des mots simples, des images concrètes, l’espace du rêve à portée de main, elle dit non au dieu douteux qui s’en sort avec un casier judiciaire vierge. Et l’on se plaît à rêver d’un monde où l’exil s’écrirait en deux mots, ex-il, tant l’avenir de l’humanité semble passer par la parole des femmes. »

Composé de deux parties, ce recueil m’a demandé plusieurs jours de lecture, pour intégrer et digérer les différents poèmes qui prennent la route et se confrontent à l’inconnu, à ce qui est resté derrière l’auteure et derrière les milliers et milliers de vies qui marchent vers un demain, ailleurs, à ce qui a causé le départ aussi.

Certains poèmes ont été plus difficiles à habiter que d’autres, la langue de Souad Labbize parle cependant avec force et ses mots sont frappants et riches d’images difficiles à ne pas se figurer. La beauté de certaines sont présentes pour prendre le dessus sur la laideur des réalités, l’effet est indéniable. Et dans la colère se mêle la beauté, liée à l’enfance ou au pays qui a porté ses premiers mots et ses premiers pas. Un amour pour les souvenirs, un amour pour les proches. Mais des souvenirs entâchés de peur et de tristes constats.

La difficulté de partir, l’incertude d’avoir fait le bon ou le mauvais choix, le doute sur la route, les souvenirs qui portent autant qu’ils blessent, le courage et les moments de désespoir, l’accueil relatif et les stéréotypes à l’encontre les exilés. Souad Labbize dénonce les nationalismes, les guerres au nom de Dieu, les enfants assassinés par les bombes, elle nous parle aussi du besoin de dire mais de la difficulté qui parfois l’empêche. Ce n’est pas pareil de dire et d’écrire. Elle nous parle de beaucoup de choses et il faut venir et revenir entre ses mots car il est impossible de les résumer. Il vaut mieux vous y inviter.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Chroniques des imposteurs


 

Et vous, accompagnerez-vous ses pas à travers les barbelés ?

❤ 👁 « Métropoèmes » de Maram al-Masri (Bruno Doucey, 2020)

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Paru le même jour qu’Elles sont au service de Fabienne Swiatly, ce recueil lui répond magistralement en nous invitant à ne plus baisser les yeux et à porter attention aux personnes qui nous entourent dans les transports en commun mais aussi, plus largement, dans la vie.

Quatrième de couverture : « Ligne 5, République, Bobigny… Ligne 9, Jasmin, La Muette, Charonne… Chaque jour des millions de femmes et d’hommes se croisent dans le métro parisien, les yeux rivés à l’écran de leur téléphone mobile, pressés d’arriver à destination. Et pourtant, il y a tant à voir et tant à vivre dans ce monde souterrain. Tant de livres à déchiffrer sur les visages que l’on côtoie. Tant de scènes à filmer avec la caméra de l’empathie. Tant de jeunes et de vieux, de malades et de bien-portants, de riches et de pauvres emportés dans le même voyage. Il fallait un regard de poète pour mettre au jour l’inépuisable richesse de ces transports en commun. Ce regard, c’est une femme venue de Syrie qui nous l’offre, dans ces métropoèmes écrits directement en français. La poésie aussi est un service public. »

Rien qu’en ouvrant et en feuilletant ce recueil la surprise est bonne. Le travail éditorial nous emmène directement dans le métro parisien avec ses stations comme chapitres, ses déambulations sous terres formalisées. Nous sentons presque les flux de voyageurs autour de nous, nous entendons presque la voix mécanique qui égraine les noms dans la rame. Ce livre, j’ai tenu à le lire en grande partie dans les transports justement. En situation, parce que ce que nous dit Maram al-Masri, on l’a vu et on le voit au quotidien.

Elle nous dit les hommes, les femmes et les enfants qui sont sur le bord des quais ou à côté de nous, qui nous ressemblent mais que nous ne voulons pas voir, que nous évitons du regard. A qui nous avons donné, une oreille ou une triste pièce, et à qui nous ne donnons plus. Ces hommes, ces femmes et ces enfants à qui il est urgent de donner des mots et à qui il faut rendre existence. De station en station, ce sont des vies que l’auteure écrit avec une infinie bienveillance, avec cette compassion indissociable de la tristesse et du cœur.

J’ai été immensément émue à la lecture de ce recueil, rythmé par des citations d’autres poètes de tous âges et de tous parcours, d’une vie ou d’un jour, comme je suis émue au quotidien par le monde dans lequel je vis, comme vous l’êtes aussi j’imagine, je le sais. Continuons à l’être en étant un peu plus acteurs et en voyant ce que, parfois, nous ne voulons pas voir, en écoutant ceux que nous ne faisons qu’entendre, en levant les yeux et en faisant une place près de nous, comme on invite un ami, un proche. Redonnons du sens au commun, à ce qui nous rassemble sous la lumière jaunie : notre humanité.

Ces textes sont à mettre entre toutes les mains, à glisser dans toutes les oreilles, car ils sont universels et sont un cri qui doit nous réveiller à l’autre. Ce cri, c’est la poésie. Sublime.

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Et vous, voyagerez-vous dans les boyaux de la terre avec cette auteure ?

❤ 👁 « Elles sont au service » de Fabienne Swiatly (Bruno Doucey, 2020)

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Pour commencer ce mois consacré à la poésie et aux éditions Bruno Doucey, j’ai souhaité vous parler de l’une de leurs dernières publications. Fabienne Swiatly s’est beaucoup intéressée au milieu du travail et ici ce sont les femmes qui sont mises en avant, les femmes qui sont dans des emplois au service des autres, souvent dans l’aide à la personne, dans la santé, dans l’assistance. C’est vrai, c’est beau, c’est un acte social. Tout simplement.

Quatrième de couverture : « Aide à la personne, soin, accueil, éducation… Prise en charge du corps de l’autre… Entretien des bureaux, des maisons, des écoles.

Dès les premiers mots, le ton est donné sans faux-semblants : c’est des femmes au travail dont nous parle ce livre composé de petites proses. Soixante-deux textes pour être précis, comme autant d’instantanés cadrés serrés, de fragments sans prétention qui donnent à voir les fragments de vie de celles qui sont au service. Sans jugement ni commisération, avec un sens aigu du détail et du langage des corps, Fabienne Swiatly scrute la réalité sociale et les tâches dévolues aux femmes. Pénibilité, abnégation, révolte ou beauté du geste –, celles qui se taisent trouvent dans la plume exacte de l’autrice une alliée de premier ordre. Total respect. »

Infirmières, femmes de ménages, caissières, prostituées, ces femmes sont photographiées à un moment de leur vie professionnelle par la bienveillance de Fabienne Swiatly. Entre jeu sur les mots du quotidien, ironie d’un instant, douceur d’un geste, altruisme immodéré, injustice sociale ancrée, réalité cruelle, réparties percutantes, l’auteure nous fait voyager dans des vies de femmes.

Chaque portrait est un instantané. Une poésie du quotidien, en prose. Un portrait par page, un tiers de page. Un petit texte porteur de grands sujets de société. Dire beaucoup en peu de mots, c’est le talent de Fabienne Swiatly. Et avec la réflexion, l’émotion. J’en ai vécu tout un panel, dans un premier temps lors d’une lecture de l’auteure (magnifique moment avec le ton originel), puis seule, au milieu des gens, dans le bus. Le lieu où l’on ne se regarde pas ou si peu. Lieu où les vies se croisent, et parmi elles des femmes, qui sont au service, y vont ou en reviennent.

Les histoires de ce livre ne restent pas calmement rangées entre les pages, elles prennent vie et nous suivent. Une conclusion qui fait grandir le regard porté à l’autre, comme dans le dernier recueil de Maram Al-Masri, Métropoèmes. Deux nouveautés qui se répondent et qui, pour citer Bruno Doucey, pourraient être deux silex qui créent des étincelles.

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Et vous, souhaitez-vous porter votre regard sur ces instants ?

❤ 👁 « Les obus jouaient à pigeon vole » de Raphaël Jerusalmy (Actes Sud, 2018)

Voici encore un livre qui m’a tapé dans l’œil en début d’année par sa couverture magnifique, son titre étonnant et sa quatrième de couverture intrigante. Ce fut une entrée en poésie qui m’a fortement marquée et que j’ai pris plaisir à relire pour ce mois consacré à la Première Guerre mondiale.


Quatrième de couverture : « 1916 : tranchée de première ligne, au lieu dit le Bois des Buttes. Le 17 mars, vers seize heures, le sous-lieutenant Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire, engagé volontaire surnommé Cointreau-whisky, est atteint à la tempe par un éclat d’obus. Un cruel compte à rebours retrace les vingt-quatre heures précédant l’impact.

La camaraderie, la trouille, les infimes moments de calme, la musique des bombes, une odeur qui surgit dans le soir, la faim, la paix qu’on attend, la mort qui vague, le souvenir de l’amour… – c’est cette curieuse alchimie que saisit le récit de Raphaël Jerusalmy, montrant Apollinaire, l’artiste, le combattant, le soldat de l’art, traquant la poésie jusque dans la bataille.

La guerre pourrait au moins servir à ça : vivre chaque minute comme si demain n’existait pas, écrire chaque ligne comme si c’était la dernière. »


Raphaël Jerusalmy réussit le tour de force d’amener de la poésie dans les tranchées sans en atténuer l’horreur. Car la poésie est aussi nourrie du pire, elle est aussi là pour montrer, décrire et regarder de plus haut la réalité.

L’écriture est superbe et le récit prend vie, nous nous sentons dans les boyaux en compagnie de Guillaume Apollinaire, poète ayant choisi de s’engager au combat et dont le décompte des heures le séparant d’un impact qui le blessera à la tête commence. Il n’en mourra pas, c’est la grippe espagnole qui l’emportera en 1918, mais la mort est présente. Elle rafle les innocents, attend de prendre les autres. Elle veille.

C’est la vie dans les tranchées que nous suivons sur deux journées, avec ses personnages attachants et les peurs de chacun d’entre eux. Apollinaire, lui, cherche et élabore ses mots. La guerre, pour lui, est aussi affaire de poètes et elle exerce sur lui un attrait étonnant. Mais elle le déçoit aussi un peu, cette guerre faite d’attentes interminables et d’habitudes. Les camarades apportent leurs mots qui viennent nourrir la réflexion d’Apollinaire, ils apportent leur souffle et leur histoire, ils sont des repères : parler éviterait de devenir fou.

Un texte d’une grande beauté qui rend hommage aux hommes anonymes qui ont fait face à la Grande guerre ainsi qu’au poète, qui aura gagné l’immortalité.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Le dit des motsL’art et l’êtreA les lire


 

Et vous, quel livre de Raphaël Jerusalmy recommandez-vous ?

« L’enfant n’est pas mort » de Nimrod (Bruno Doucey, 2017)

J’ai redécouvert la poésie en début d’année grâce aux éditions Bruno Doucey qui publient des auteurs qui me touchent et qui, même si je ne comprends pas toujours l’ensemble des textes (je le reconnais sans complexe), m’émeuvent.

Cet article est également l’occasion de mettre en avant la collection Sur le fil : « Des romans où le destin d’un poète croise la grande Histoire. » J’adore cette collection, il ne me manque plus qu’un titre (cinq sont parus) pour être au complet et j’attends d’autres publications avec impatience ! Cette collection est dirigée par Murielle Szac, qui dirige aussi la magnifique collection Ceux qui ont dit non chez Actes Sud junior.


Quatrième de couverture : « 1er avril 1960 : un bébé noir est tué par la police dans un ghetto d’Afrique du Sud. C’en est trop pour Ingrid Jonker, une jeune blanche qui fonce rencontrer la mère de la victime. Elle, la fille de l’un des dignitaires de l’apartheid, va écrire un poème bouleversant à la suite de ce drame. Mai 1994 : Mandela monte pour la première fois à la tribune de l’assemblée. Devant les députés médusés, il lit le poème d’Ingrid Jonker. Car la poésie est le fil de soie qui relie Nelson et Ingrid, par delà les différences de couleur de peau. Faisant alterner avec brio la grande figure de Mandela et la fragile silhouette de la poète, Nimrod nous entraîne dans la douloureuse tragédie d’un pays qui se mêle au mal de vivre d’Ingrid. Comment survivre quand votre père est une ordure et qu’il vous renie ? »


Ce court livre revient sur la période de l’Apartheid en Afrique du Sud. Plusieurs thématiques et personnages se croisent autour de la situation politique et sociale de ce pays en proie au racisme. Ingrid Jonker, jeune femme tiraillée entre la recherche de l’amour d’un père, de l’amour d’hommes qui jouent puis la repoussent et de sa fille. Une femme qui, confrontée à la nouvelle de l’assassinat d’un bébé, va décider de s’engager en tenant tête aux hommes de son entourage, de sa vie. Les mots qu’elle veut faire exploser pour dénoncer seront alors plus importants que son bonheur. Fille d’un afrikaner pro-apartheid elle remettra tout en jeu pour la justice et la reconnaissance des faits tels qu’ils sont : injustes et inhumains.

Nous croisons également Nelson Mandela qui découvrira les mots d’Ingrid Jonker lors de son très long emprisonnement. Et ces mots, porteurs de justice pour les sud africains Noirs et venant d’une femme blanche, sont emprunts d’un espoir unique, celui d’une réconciliation possible. Ils lui donnent espoir, le font tenir et il va finir par les connaître par cœur. Et quel acte plus fort que de les dire à son tour à la tribune de l’assemblée alors que c’est là même que le père d’Ingrid l’a reniée ?

Ce livre est un puissant portrait de femme passionnée et libre, la photographie de la violence d’une société majoritairement raciste, un geste contre l’oubli de cet enfant qui est devenu un symbole de la brutalité de l’Apartheid, une illustration de la force des mots et de la poésie comme engagement.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Lire dit-elle


 

Et vous, est-ce une collection que vous avez envie de découvrir ?

« Le rapt » de Maram al-Masri (Bruno Doucey, 2015)

Ce recueil de poésie est à la fois très court et très long. Court, car il peut se lire vite si l’on lit avec les yeux mais en mettant le coeur de côté. Long, car la souffrance d’une mère ne peut s’effacer avec rapidité, d’un revers de main.


Quatrième de couverture : « Neuf mois pour qu’un cœur palpite… Le recueil de Maram al-Masri débute par l’évocation d’une vie à naître. La naissance, les premiers mots, les premiers pas… D’un poème à l’autre, l’auteure esquisse une histoire sentimentale de la maternité. Mais soudain, le texte bascule : l’enfant lui est enlevé, le bonheur d’aimer cède la place à une déchirure, son corps de mère entre dans la guerre.

Avec une simplicité désarmante, Maram raconte un épisode douloureux de sa propre histoire, faisant de l’enlèvement de son fils en Syrie l’acte fondateur de sa vie de poète. Un second texte, intitulé Le semainier, témoigne de sa lutte pour conquérir le droit d’écrire et de se donner à elle-même une seconde chance de vivre. Un livre écrit avec le sel des larmes et le ventre noué des grandes émotions. Un livre que je publie pour qu’à travers lui toutes les mères empêchées puissent se faire entendre. »


Ce recueil de poésie secoue le corps – berceau de l’humanité -, l’esprit et le coeur. Ces textes, malgré leur contexte d’écriture spécifique, possèdent une raisonnance bien plus large.

Un enfant est enlevé à sa mère. Ce fait peut s’inscrire, malheureusement, hors du temps, hors d’un lieu, hors de toute culture. La douleur d’une mère est un langage universel. Ce livre est un cri de souffrance autant qu’un cri d’amour. Difficile de ne pas partager les émotions de l’auteure. Difficile de ne pas sentir la peau douce, au parfum si tendre de l’enfance, de ne pas sentir aussi le lait aigre, la petite main pourtant puissante qui s’agrippe à nos doigts, qui nous attrappe mentalement.

L’absent est infiniment présent et il n’est pas besoin d’être mère (ou parent) pour partager ne serait-ce que partiellement cette douleur que rien n’efface, que rien ne panse, ce manque que rien ne remplace.

Un livre qu’il faut prendre le temps de lire, d’éprouver, dans lequel on revient de temps en temps et qui ne perd rien de sa force.

J’aime énormément le fait que les éditions Bruno Doucey publient la poésie en langue originale en regard de sa traduction. L’auteure a elle-même traduit ses poèmes en français et je suis convaincue que cela conserve d’autant plus la force de ses mots, des choix linguistiques, qui illustrent son vécu.

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Et vous, avez-vous un recueil de poésie à conseiller ?

« Caché dans la maison des fous » de Didier Daeninckx (Bruno Doucey, 2015)

J’ai dévoré Galadio il y a quelques mois et l’écriture de Didier Daeninckx était un appel à en lire plus : directe mais délicate, juste et engageante. Savoir en plus que cet auteur a participé à la collection Sur le fil des éditions Bruno Doucey a abouti à un achat qui n’a demandé aucune réflexion supplémentaire.


Quatrième de couverture : « 1943, asile de fous de Saint-Alban en Lozère.

Deux psychiatres organisent la résistance à l’embrigadement des fous et à leur négation. L’un, Tosquelles, a fui l’Espagne franquiste ; l’autre, Bonnafé, communiste, est un ami des surréalistes. Ils cachent les résistants blessés de la région. Ils y accueillent une jeune fille juive résistante, Denise Glaser, en même temps que le poète Paul Éluard et sa compagne Nusch. Éluard y passe huit mois, avec cette double menace de l’enfermement des êtres et de l’enfermement du monde dans la barbarie, cette double résistance à la normalité et à la folie. Dans cet hôpital, où l’on favorise le surgissement de ce que l’on nommera plus tard l’art brut, le poète-résistant découvre, sous le regard fasciné de Denise, comment la parole des « fous » garantit la parole des poètes. Une plongée vertigineuse à laquelle nous convie Didier Daeninckx. »


C’est un beau moment que propose Didier Daeninckx dans cet hôpital psychiatrique dont le directeur préfère l’appellation d’asile. Et pour cause, toutes sortes de personnes sont accueillies pour les protéger de la folie humaine. Car la folie peut être plurielle. Elle peut être en nous depuis toujours, elle peut être aussi le résultat de la vie et des hommes qui la composent.

Dans cet asile, ce lieu d’accueil, la survie s’organise. Il faut en effet faire face à la faim et au froid, avancer jour après jour. C’est dans ce contexte que Denise va arriver, protégée par ces lieux car elle est juive mais aussi résistante. Autant dire qu’elle a un profil qui la met en danger dehors. Elle va être en charge de la bibliothèque. Chacun, s’il est accueilli, participe à la vie de l’asile en fonction de ses compétences. Un soir, un couple arrive sous de faux noms : Paul Eluard et sa compagne, Nusch. La poésie va alors rythmer les jours et prendre du sens dans le combat mais aussi au contact des personnes internées. La langues des personnes diagnostiquées pour de la folie est libre, elle a ses couleurs, elle a ses références et elle va nourrir l’écriture poétique de Paul Eluard. Ce dernier ouvrira des espaces poétiques à Denise.

Inspiré de faits réels, ce livre est très touchant et que dire de la poésie d’Eluard si ce n’est qu’elle est puissante et qu’elle démontre une nouvelle fois la force des mots dans le combat, que l’une des libertés fondamentales est bien celle de pouvoir dire et écrire librement. L’écriture peut délivrer ou, au moins, faire perdurer l’espoir.

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Et vous, avez-vous un livre de Didier Daeninckx à conseiller ?