« Sur un air de fado » de Nicolas Barral (Dargaud, 2021)

Des illustrations réalistes aux couleurs douces qui nous emmènent directement dans les années 1960 ; une histoire dans l’Histoire qui interroge la responsabilité individuelle et l’inaction dans une société répressive.

Quatrième de couverture : « Lisbonne, été 1968. Depuis 40 ans, le Portugal vit sous la dictature de Salazar. Mais, pour celui qui décide de fermer les yeux, la douceur de vivre est possible sur les bords du Tage. C’est le choix de Fernando Pais, médecin à la patientèle aisée. Tournant la page d’une jeunesse militante tourmentée, le quadragénaire a décidé de mettre de la légèreté dans sa vie et de la frivolité dans ses amours. Un jour où il rend visite à un patient au siège de la police politique, Fernando prend la défense d’un gamin venu narguer l’agent en faction. Mais entre le flic et le médecin, le gosse ne fait pas de distinguo. Et si le révolutionnaire en culottes courtes avait vu juste ? Si la légèreté de Fernando était coupable ? Le médecin ne le sait pas encore, mais cette rencontre fera basculer sa vie… »

J’ai vraiment été emportée dans cette histoire qui nous présente un homme passif, Fernando Pais, sous la dictature de Salazar et dont les actions passées, le vécu quelques années auparavant, expliquent le positionnement présent. Un fuite de la mélancolie.

Si Fernando fait son travail de médecin sans être très regardant, nous voyons à travers lui et ses relations un aperçu de la censure, des arrestations arbitraires et des tortures, de l’organisation de l’opposition et des risques encourus. La vie peut se dérouler relativement tranquillement dans un régime autoritaire, à condition de ne pas poser de questions, de ne pas égratigner les opinions nationalistes et les mœurs rigides et conservatrices, et de fermer les yeux sur beaucoup de choses.

J’ai aimé que la remise en question de son quotidien par Fernando se fasse par la rencontre d’un enfant. J’adore quand les enfants et leur sens de la liberté et de l’injustice impactent les adultes et c’est le cas ici. Une rencontre qui va secouer Fernando et sa vie égocentrée.

Il est question de sacrifices, de regrets et de remords qui sont souvent le prix de l’engagement au coeur duquel des vies sont en jeu. Des conséquences qui poussent au renoncement au militantisme pour préserver ce qui peut encore l’être. Mais jusqu’à quand et jusqu’où peut-on vraiment accepter ?

Un roman graphique rythmé avec des personnages bien élaborés qui explore la réconciliation avec soi et avec les blessures du passé ainsi que la notion d’engagement. Une belle découverte, graphiquement élégante dans son classicisme et sa palette de couleurs, qui exprime l’importance de certaines rencontres dans les parcours individuels.

Comment ne pas découvrir des airs de fado après cette lecture ?

Je remercie les éditions Dargaud ainsi que NetGalley France pour l’accès à ce roman graphique en service de presse.

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« DoggyBags – Tomes 1 & 15 » (Ankama, 2011-2020)

J’ai remarqué cette série de la collection Label 619 à deux occasions : la première en voyant le sujet des histoires rassemblées dans le tome 15, Mad in America (le racisme et la violence aux États-Unis), la seconde en cherchant d’autres travaux de Run et Guillaume Singelin après avoir beaucoup apprécié Mutafukaz et ses spin-off. Run est ici rédacteur en chef tout en participant à une partie des récits graphiques présents dans chaque tome.

Quatrième de couverture : « Plus brutal qu’un coup de fusil à pompe en pleine tête et plus vicieux qu’un arrachage de dent à la pince-monseigneur, DoggyBags est un hommage aux pulps et aux comics d’horreur des années 50 qui ne fait pas dans la dentelle : les chromes rugissent, les calibres crachent et l’hémoglobine coule à flot dans la joie et la mauvaise humeur. Sortez vos p’tits sacs pour toutous, parce qu’il va y avoir de la viande en rab. »

Mad in America correspondait à mes sujets d’intérêt mais j’ai également souhaité découvrir un tome non thématique pour mieux saisir l’esprit de cette série. J’ai opté pour le premier numéro réédité cette année à l’occasion des 15 ans des éditions Ankama. Je cherchais aussi des récits graphiques à offrir à mon frère en sachant qu’il est amateur de l’univers de Quentin Tarantino. Je vous le dis tout de suite : si vous appréciez aussi ce réalisateur, ses choix de scénarios, ses ambiances et sa passion pour la décoration intérieure à base d’hémoglobine, vous pourriez trouver là votre bonheur !

Je suis une ignare absolue en ce qui concerne les pulp magazines. Voilà, c’est dit. Mais est-ce que ça empêche de s’immerger dans la lecture et d’en profiter ? Non. Et ce que j’ai encore plus apprécié c’est la présence de pages documentaires qui apportent des contenus complémentaires aux histoires. Bon, quand ça concerne des armes ça me passe un peu au-dessus, mais quand il est question de sujets de société je suis complètement absorbée. C’est ce que j’avais aussi adoré dans Mutafukaz Puta Madre. C’était aussi pertinent que glaçant.

Je vous donne quelques indications ci-dessous sur chaque histoire, très rapidement, pour vous donner une rapide idée car sagissant d’histoires courtes, je ne veux surtout pas vous gâcher la moindre surprise (mais quand même vous donner envie de les découvrir).

Concernant le tome 1, nous sommes ici sur trois histoires qui n’ont pas de thématique commune :

  • Fresh Flesh & Hot Chrome par Guillaume Singelin : une histoire de loups-garous et de bikers qui souligne de poids de l’appartenance au groupe dans ces organisations. Je n’ai pas spécialement accroché à l’histoire même si j’ai adoré, une nouvelle fois, le style graphique de Guillaume Singelin.
  • Masiko par Florent Maudoux : ambiance Kill Bill mais en différent (et là, vous me dites merci mais pas merci pour la précision de l’information). J’ai beaucoup aimé cette dose d’adrénaline qui mêle organisations louches, têtes mises à prix, vengeance, amour, maternité, fantastique, humour potache et sacrées échanges de coups. Un personnage principal auquel je me suis tout de suite attachée et un rythme narratif irréprochable.
  • Mort ou vif par Run : alors là, grosse ambiance épaisse qui renifle le cadavre abandonné en plein soleil. Une course poursuite endiablée dans la chaleur du désert : un flic, un malfrat et une flopée de vautours. Non loin de là, la frontière du Mexique.

Concernant le tome 15, Mad in America, les trois histoires tournent autour du racisme et de la violence aux États-Unis :

  • Manhunt par Peter Klobcar : deux hommes blancs ont pour projet de lyncher un jeune homme noir, Sydney. Leurs plans ne tournent pas comme ils l’ont prévu et une bête rôde dans le bayou. Une bête qui a faim de chair fraîche. Sentiment mitigé pour ce récit dont je n’ai pas vraiment saisi la tournure, mais glaçant dès le départ, sans le moindre doute.
  • Conspi Racism par Run et Ludo Chesnot : j’ai trouvé cette histoire exceptionnellement menée ! Elle décortique la force des idées complotistes, leurs rouages et leur fond de commerce : la frustration individuelle en lui donnant un poids collectif. Il est question des ravages de ces idées cumulées au racisme déjà effroyablement mortifère et à la circulation non contrôlée des armes, aux tueries de masse. Dans ce contexte complotiste que l’on peut lier sans problème au réel se déploie une fiction passionnante qui tient en haleine du début à la fin et qui donne un sentiment d’inextricabilité. Puissant.
  • Heritage par Run et Gasparutto : ici nous abordons la question du racisme par l’haleine puante de haine des membres du Ku Klux Klan. Une façon de souligner qu’aujourd’hui encore l’organisation n’est pas morte. Il est question de vengance et de questionnement sur la vengeance : si chacun venge quelqu’un, jusqu’où cela ira ? Entre justice personnelle (mais collective d’une certaine façon aussi) et escalade de la violence, chacun hérite de son histoire personnelle mais aussi de l’histoire du pays. Une histoire qui se conclue sur une citation de Martin Luther King toujours d’actualité, toujours d’une grande justesse.

Vous l’aurez probablement compris, j’ai davantage été séduite et marquée par le tome 15 de DoggyBags pour les sujets des nouvelles graphiques. C’est une sensibilité qui m’est propre et je pense que chaque volume de cette série saura trouver son public. Pour ma part, je vais rester très attentive à leurs parutions car j’ai pris plaisir à découvrir les deux volumes.

Dernière précision concernant les contenus et leur niveau de violence : les volumes précisent qu’il s’agit de contenus pour lecteurs avertis. J’avais un peu peur mais finalement ça reste très raisonnable. Je ne peux pas me positionner sur les autres volumes mais j’ai déjà été extrêmement choquée par des contenus (ici je parle de séries) qui ne prenaient pas autant de précautions et qui se sont révélées insoutenables. Ici, ce n’est pas le cas. Je pense donc qu’un lectorat adulte de manière générale (ou même de grands ados à partir de 16 ans) devrait faire face sans souci.

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Et vous, avez-vous une petite envie de pulp magazine ?

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« Eclats/Cicatrices – Tomes 1 & 2 » d’Erik de Graaf (Champaka Brussels-Dupuis, 2020)

Deux volumes, deux personnages témoins de l’histoire : Victor et Esther. L’objectif de l’auteur avec ce travail est de montrer comment la guerre a impacté les vies dites normales à partir d’un travail de recherche dans ses archives familiales.

Quatrième de couverture : « Un an après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Esther et Victor, anciens amants, se retrouvent dans un cimetière. Ils ne se sont plus revus depuis l’invasion des Pays-Bas par les troupes hitlériennes. Tous deux sont marqués par les années de guerre qu’ils tentent, vaille que vaille, de se transmettre en mots. Leurs récits, chargés en émotion, portent sur les choix – souvent impossibles – qu’ils ont dû faire, les êtres chers qu’ils ont perdus et, surtout, la bataille qu’ils ont menée avec leur conscience. Des amis proches ont en effet opté pour la résistance, d’autres pour le Front de l’Est. Sans oublier qu’Esther est Juive.

Éclats est la première partie de cette histoire sur la perte. Perte de l’innocence, des rêves, de la jeunesse et, bien sûr, de la liberté. »

Comme beaucoup de blogueurs•ses, j’ai été intriguée par les illustrations de ces deux couvertures qui se répondent d’une bien jolie manière. Le sujet étant en lien direct avec ma ligne éditoriale, le style graphique m’intriguant, je me suis donc laissée tenter et je remercie chaleureusement NetGalley France ainsi que les éditions Dupuis de m’avoir permis de les découvrir en service de presse.

Si j’ai apprécié la démarche mémorielle, le travail de l’auteur sur son histoire familiale, sa volonté de montrer des destins dans un contexte précis, j’ai été moins convaincue par la mise en application. Le début de l’histoire nous ancre en 1946. La guerre est finie, Victor rend visite à l’un de ses amis, au cimetière. Là, il retrouve Esther qu’il n’avait pas revue depuis plusieurs années, depuis l’avant… Entre eux va s’installer une conversation pour comprendre ce que chacun a vécu durant la guerre, pour comprendre les amis perdus, les collaborations locales, les engagements résistants, les arrestations, les violences, les disparitions. Mais voilà, les dialogues ont à mes yeux manqué de fluidité, de naturel, ils m’ont semblé presque trop écrits.

Concernant l’histoire en elle-même, nous découvrons un quotidien de guerre aux Pays-Bas (généralement associé à la jeune et inoubliable Anne Frank), entre la mobilisation des soldats de ce pays réputé neutre et le déversement de la guerre : que ce soit du côté des soldats, des civils ainsi que des familles juives qui tentent d’échapper aux rafles. Dans tout cela, la vie est composée de choix, de décisions et d’absences qu’il faudra porter tout le reste de son existence. Il est aussi des infinis Et si qui torturent et rongent les personnages, les survivants.

La fin de chaque tome est augmentée des documents d’archives que l’auteur a pu trouver sur sa famille et il explique alors son histoire (avec les questions auxquelles il n’aura probablement jamais de réponses) et ce qu’il en a utilisé pour écrire la fiction historique que compose cette courte série graphique.

Une démarche intéressante qui peut même devenir inspirante pour chacun•e d’entre nous, nos aïeux ayant vécu de près ou de loin des périodes qui ont bouleversé la marche du monde et qui, eux aussi, ont du faire des choix (que nous connaissons ou non, ou juste partiellement), mais le résultat ne m’a pas réellement convaincue. Si vous lisez beaucoup sur cette période historique, je pense que vous pouvez passer votre chemin et prioriser d’autres lectures plus poussées, si au contraire vous souhaitez découvrir ce sujet dont vous ne connaissez que peu de choses, je pense qu’en l’occurrence ces deux albums sont tout à fait appropriés.

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Et vous, quel livre conseilleriez-vous pour commencer à lire sur la Seconde Guerre mondiale ?

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❤ « Là où vont nos pères » de Shaun Tan (Dargaud, 2007)

Cet album m’a été conseillé à plusieurs reprises et il est possible qu’il vous ait également été chaudement recommandé. Faites confiance à ces conseils : c’est une merveille d’humanité, de narration et d’illustration.

Quatrième de couverture : « Pourquoi tant d’hommes et de femmes sont-ils conduits à tout laisser derrière eux pour partir, seuls, vers un pays mystérieux, un endroit sans famille ni amis, où tout est inconnu et l’avenir incertain ? Cette bande dessinée silencieuse est l’histoire de tous les immigrés, tous les réfugies, tous les exilés, et un hommage à ceux qui ont fait le voyage… »

Une ville occidentale comme beaucoup d’autres, une famille, une ombre qui plane sur eux. Le père fait sa valise et part. Sa destination : un ailleurs inconnu, une ville dans laquelle il va tenter de reconstruire un quotidien, une nouvelle vie.

Sans aucun texte, Shaun Tan nous parle d’exils et d’accueil, de parcours de vies, de rencontres, de rêves perdus et de l’espoir en l’avenir. C’est un véritable tour de force car les mots ne manquent pas, les illustrations sont tellement expressives qu’elles se suffisent à elles-même et que l’ensemble est extrêmement lisible. L’absence de textes me fait même me dire que si cet album est à destination des adultes il pourrait aussi être accessible à des lecteurs•trices plus jeunes. Le propos mélange réalisme, poésie et onirisme pour aborder des situations concrètes vécues par des personnes déracinées : la barière des langues et l’universalité du langage des gestes, les coutumes, l’alimentation, les technologies du quotidien, etc.

Une œuvre absolument remarquable — inspirée de récits de personnes ayant vécu l’exil ou de l’histoire comme celle d’Ellis Island — qui risque de se faire une place dans le cœur des lecteurs•trices durant encore de très nombreuses années. Une lecture qui va me pousser à lire les livres déjà parus de Shaun Tan et à rester attentive aux prochains.

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Et vous, quel album sans texte vous a conquis ?

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❤ « L’homme qui tua Chris Kyle » de Fabien Nury et Brüno (Dargaud, 2020)

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Difficile de passer à côté de ce roman graphique paru courant mai et qui a emballé nombre de chroniqueurs et de lecteurs. Je peux désormais affirmer que, comme eux, cette lecture m’a passionnée autant qu’elle m’a sidérée.

Quatrième de couverture : « Chris Kyle est un héros. Ancien sniper chez les Navy Seals durant la deuxième guerre d’Irak, il a tué plus de 160 cibles. Au faîte de sa gloire (Clint Eastwood a même acheté les droits de son autobiographie, bestseller aux États-Unis, pour en faire un film – ce sera American Sniper), Chris Kyle dédie sa vie à aider ses anciens camarades de combats marqués aussi bien physiquement que mentalement par la guerre. Eddie Ray Routh est l’un d’entre eux.

Le 2 février 2013, l’inconnu Eddie Ray Routh abat la Légende Chris Kyle. Ce livre raconte le crime – et ses conséquences. »

Je me suis littéralement pris une claque : de la première à la dernière page. Le scénario est écrit d’une façon exceptionnelle : documentaire, factuelle mais aussi engagée. Il reconstitue, restitue et confronte les données, celles-ci portées par le talent graphique de Brüno.

Ce documentaire graphique expose des faits de société : la construction de héros militaires nationaux, la prise en charge des traumatisés de guerre, la libre circulation des armes à feu, la place de la religion dans les débats publics. Autant le dire : des sujets qui font monter ma tension mais qui m’intéressent.

J’ai immensément apprécié les nuances, l’absence de manichéisme et en même temps la façon dont les dysfonctionnements ressortent.

Chris Kyle est la parfaite machine de guerre, il fait fantasmer tout patriote, il devient l’allégorie de la puissance et de la virilité américaine. Son score est à glacer (voire congeler) le sang mais il est la résultante de sa formation militaire avec en plus un certain talent mortel. Il est l’homme qui a le plus tué en mission. De retour au pays, il va poursuivre son engagement professionnel et personnel dans ce qu’il sait faire de mieux : tirer et toucher sa cible, dans son idée d’aider et de protéger. Car il n’est pas revenu indemne d’Irak.

Eddie Ray Routh n’a rien qui puisse correspondre au stéréotype du héros américain : il n’a pas combattu. Pourtant, il a vu et a participé à des missions extrêmement difficiles. Il est traumatisé mais n’est pas pris au sérieux car, lui, n’a pas été au cœur des tirs croisés. La montagne de pilules prescrite n’aide pas, la drogue pour soulager et/ou fuir non plus. Crises psychotiques, cauchemars, le quotidien est invivable et son comportement dangereux pour lui et ses proches.

Aux côtés de Chris Kyle ce 2 février 2013, son meilleur ami, Chad Littlefield, sera aussi assassiné.

Au milieu de tout cela, une grande part de la société qui aime les héros prêts à tout pour la patrie, qui a besoin de cloisonner le bien et le mal à sa façon sans remettre en cause son mode de pensée et de vie, qui aime Hollywood et ses histoires qui posent une nouvelle réalité.

Si vous souhaitez en savoir plus sur ce fait ainsi que sur son traitement au sein de la société américaine (qui révèle des réactions qui dépassent l’événement), je ne peux que vous inviter à découvrir ce remarquable roman graphique qui tient le lecteur en haleine du début à la fin. Un gros coup de cœur initiateur de débats, car la littérature sert aussi à ça.

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Je tiens à remercier chaleureusement les éditions Dargaud ainsi que la plateforme Netgalley France pour ce service de presse.

 


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Et vous, quelles oeuvres sur la société américaine recommandez-vous ?

 

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« Knock Out ! » de Reinhard Kleist (Casterman, 2020)

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Auteur régulier de la collection écritures chez Casterman, je découvre Reinhard Kleist avec cet album touchant et engageant. Si la boxe n’est pas un sujet récurrent dans mes lectures, cette biographie questionne bien plus largement une histoire personnelle, la société américaine et l’homophobie dans le monde du sport à l’échelle internationale.

Quatrième de couverture : « Une ville, la nuit. Un homme est passé à tabac dans une ruelle par un groupe hurlant des insultes homophobes. Abandonné en sang dans le caniveau, il est abordé par une mystérieuse silhouette encapuchonnée, qui recueille sa confession. Né en 1938 dans une île des Caraïbes, Emile Griffith émigre aux Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale, où, devenu modiste, il confectionne des chapeaux pour femme. Jusqu’au jour où son patron repère son impressionnante musculature, due à une jeunesse passée à trimer dans des exploitations agricoles, et le présente à un entraîneur de boxe. Doué, Emile va rapidement grimper les échelons, mais avec le succès viennent la jalousie et les injures contre ce boxeur qui préfère les hommes… Le tragique destin du premier champion du monde de boxe homosexuel. »

Emile Griffith est un jeune homme passionné par la mode, en particulier par les chapeaux. Un jour, au travail, son employeur constate son physique d’athlète, parfaitement taillé pour la boxe. Les dés sont jetés : le tendre Emile va devenir un champion malgré son caractère qui ne supporte pas la violence. Parce que la lumière rend ivre, parce que l’argent permet de vivre, parce qu’il est tout simplement doué. Parce que la boxe, également, est l’un des rares sports accessibles hors cursus universitaire et dans un contexte ségrégationniste.

Emile enchaîne les victoires, Emile veut vivre sa vie personnelle librement dans un monde majoritairement hétérocentré et prisonnier des stéréotypes ultravirils de son sport. Il va devoir affronter les provocations et les humiliations, jusqu’aux coups de trop. Ces coups qui vont hanter ses jours et ses nuits, qui vont le poursuivre comme un fantôme sur le ring et dans la vie. Ces coups donnés à Benny Paret. La violence s’exercera aussi contre Emile en dehors des matchs, celle-ci ouvrant d’ailleurs le roman graphique.

L’histoire que nous raconte Reinhard Kleist fait malheureusement écho à de nombreuses autres depuis : le roman graphique se termine sur un dossier documentaire passionnant qui fait un état des lieux sur l’homophobie mais aussi sur la misogynie dans la boxe. Force est de constater qu’il y a encore pas mal de boulot pour faire tomber les murs des discriminations que ce soit dans le sport ou dans la vie quotidienne.

Je pense me diriger prochainement vers le roman graphique Le boxeur (Casterman, 2013) pour découvrir un peu plus Reinhard Kleist.

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Et vous, quels livres sur la boxe avez-vous aimés ?

 

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« La différence invisible » de Julie Dachez et Mademoiselle Caroline (Delcourt, 2016)

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Je commencerai cet article en remerciant ma collègue qui m’a prêté ce roman graphique dont j’entendais parler depuis longtemps. Sa lecture a été très émouvante et m’a appris beaucoup de choses sur l’autisme, ce que soit sur sa réalité mais aussi sur les a priori liés.

Quatrième de couverture : « Marguerite a 27 ans, en apparence rien ne la distingue des autres. Elle est jolie, vive et intelligente. Elle travaille dans une grande entreprise et vit en couple. Pourtant, elle est différente. Marguerite se sent décalée et lutte chaque jour pour préserver les apparences. Ses gestes sont immuables, proches de la manie. Son environnement doit être un cocon. Elle se sent agressée par le bruit et les bavardages incessants de ses collègues. Lassée de cet état, elle va partir à la rencontre d’elle-même et découvrir qu’elle est autiste Asperger. Sa vie va s’en trouver profondément modifiée. »

Ce roman graphique est une forme de témoignage de Julie Dachez et cela se sent. Les situations ont une précision émotionnelle qui m’ont tout simplement bouleversée. Marguerite vit la vie sociale avec difficulté, les interactions sont épuisantes et stressantes, le bruit permanent la vide de toute énergie, son quotidien doit être extrêmement réglé pour éviter tout imprévu, source d’angoisse. Tout cela, il faut la connaître pour le savoir. Alors des jugements sur certaines réactions peuvent être vite faits. Mais même en la connaissant, certaines personnes n’arrivent pas à comprendre son besoin de solitude, de confort, de silence. Marguerite se sent mal, depuis toujours elle ressent ce décalage que ce soit dans sa vie personnelle ou professionnelle.

Un jour, une occasion se présente à elle de passer des tests relatifs aux troubles du spectre de l’autisme. Alors, les résultats vont tomber comme une libération : le droit d’être soi, de comprendre sa différence, de l’accepter, de l’aimer, de s’aimer et de prendre soin de soi en écoutant ses besoins. Mais elle va aussi réaliser que le mot autisme est accompagné de nombreuses idées préconçues dans son entourage, qu’il va falloir combattre avec patience et pédagogie.

C’est cette histoire ainsi que des informations concrètes sur l’autisme que nous propose ce roman graphique salutaire.

Si j’ai beaucoup aimé les propos j’ai moins apprécié les illustrations, mais il s’agit là d’un avis purement subjectif. Elles sont agréables, mais j’ai une préférence pour les styles graphiques plus singuliers.

Je ne peux que conclure cette chronique en soulignant l’intérêt de cette publication, sur l’importance de traduire pour le plus grand nombre la réalité d’une vie et les erreurs de jugements liés à l’autisme. Ces textes nous font nous comprendre et donc nous rapprocher en laissant de côté, je l’espère, les jugements hâtifs.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Bar à BDSab’s pleasuresA propos de livres…La Case de l’oncle WillChroniques littérairesDes livres, des livres !Enlivrez-vous !Le livroblogDélivrer des livresLa bibliothèque du DolmenLes billets de FannyLa malle aux livresMicMélo littéraireGirl kissed by fireMon coin lectureD’autres vies que la mienneEchappéesBouquinbourgMyPrettyBooksA portée de plume…AkayanaTu vas t’abîmer les yeuxUne vie, des livresAngélique AliceChat’PitreEnna lit, Enna vit !La demoiselle aux cerfsDans la bibliothèque de CallysseLe Blog de LutrolleDu temps pour nousLire par EloraLoeildem • Le Nez dans les BouquinsLe Capharnaüm éclairéL’Encre BleueLes Miss Chocolatine bouquinentLes bullettes colorées


 

Et vous, quels livres sur l’autisme ou d’autres syndrômes méconnus recommanderiez-vous ?

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❤ « Ce qui nous sépare » d’Hélène Aldeguer (Futuropolis, 2020)

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Voilà un roman graphique nécessaire, bénéfique ! Un travail qui nous oblige à regarder en face le racisme malheureusement ordinaire qui peuple notre quotidien, une oeuvre qui nous appelle à voir et à ne plus laisser passer les remarques naïves qui couvrent d’autres idées.

Présentation de l’éditeur : « Après avoir raconté la désillusion des jeunes Tunisiens dans leur pays en 2013, deux ans après le printemps arabe, Hélène Aldeguer raconte le quotidien de Bilal, un jeune Tunisien venu à Paris afin de poursuivre ses études grâce à une bourse au mérite, et terminer son master d’histoire contemporaine.

Si Bilal découvre une vie pleine de possibilités, son statut d’homme arabe le rattrape dans une société française en crise identitaire. Ses fantasmes d’une Europe de tous les possibles se heurtent alors au racisme et aux préjugés.

Un récit très actuel et nécessaire, sur notre société et sur le déracinement intérieur de ces jeunes venus en France et qui sont accueillis bien différemment selon leurs origines… »

Bilal vit à Paris. Il a reçu un bourse pour venir y étudier. Une chance exceptionnelle qui implique aussi des sacrifices alors que la Tunisie est secouée et qu’il est séparé de sa famille. Une chance si exceptionnelle que sa soeur ne pourra sûrement jamais y prétendre. Bilal est conscient de cette chance mais il est aussi rongé par la culpabilité de celui qui est parti et qui vit en sécurité, il se sent lâche, impuissant.

Il y a aussi Léa, sa petite amie. Et les amis de Léa. Dès qu’ils se retrouvent quelques remarques fusent, l’air de rien, l’air tout d’un coup lourd. Ici, le racisme s’exprime au détour de conversations innocentes, il frappe sans prévenir et l’auteure nous montre des situations que nous avons déjà tous rencontrées, des situations qu’il faut tenter de ne plus laisser se dérouler sans réagir. Le choix des mots, les préjugés, les raccourcis, Hélène Aldeguer nous montre en face les situations dans lesquelles des personnes sont stigmatisées en fonction de leurs origines. C’est absolument remarquable d’efficacité !

En parallèle de ces situations, l’actualité est abordée à juste titre. L’auteure rappelle à chaque lecteur•trice que les personnes mortes noyées dans la Méditerranée sont des frères, des soeurs, des cousins, des enfants, des parents qui ont eu l’espoir d’un ailleurs. Ils ne sont pas des chiffres devant lesquels nous détournons le regard.

Visuellement magnifique, aux couleurs douces et aux formes rondes qui tranchent avec la dureté du propos, je vous conseille chaudement cet album qui trouvera autant sa place dans une bibliothèque personnelle que dans un CDI. Attention, coup de cœur ! Je lirai donc d’ici peu le précédent roman graphique de l’auteure : Après le printemps : une jeunesse tunisienne.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas de chronique trouvée pour le moment.


 

Et vous, quelle bande dessinée ou quel roman graphique dénonçant le racisme en France conseilleriez-vous ?

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« Apprendre à tomber » de Mikaël Ross (Sarbacane, 2019)

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Je n’avais pas vu passer ce roman graphique à sa parution et c’est l’un de mes libraires, voyant mes achats sur des enfances fissurées, qui me l’a vivement conseillé. Je l’ai donc ajouté à la pile sans pour autant savoir à quoi m’attendre. Et c’est une histoire à la fois tendre et poignante que nous livre Mikaël Ross.

Quatrième de couverture : « Depuis la mort soudaine de sa mère, la vie bien organisée de Noël vole en éclat. Il a rencontré cet homme étrange à la barbe blanche qui a dit qu’il ne pouvait plus rester seul. L’homme a dit aussi que Noël devait déménager, loin de Berlin, loin de chez lui. Mais lui, Noël, il veut rester ici, à Berlin, dans le vieil appartement qu’il a toujours connu. Mais Noël n’a pas le choix, il doit se plier à la volonté des autres… Il est envoyé dans un établissement de soins, où il y a d’autres personnes handicapées, comme lui… Tu verras – a dit l’homme : ici c’est spécial, différent des autres centres, chacun a son appartement et doit apprendre à se gérer, tu y seras bien. C’est la première fois de sa vie que Noël vit seul. C’est aussi la première fois qu’il doit faire avec autant d’autres personnes. Pas facile quand on a été protégé par un amour maternel immense et inconditionnel. À qui peut-il faire confiance ? Qui peut-il aimer ? Qui l’aime vraiment ?… »

Noël est un jeune homme atteint d’un handicap mental. Jusqu’à présent, il a toujours vécu sous la protection de sa mère, seule personne peut-être à véritablement le comprendre et lui permettre d’affronter le quotidien. Mais, une nuit, sa maman fait un AVC. Dès le début de cette histoire j’ai eu le coeur particulièrement serré pour ce garçon qui comprend que la situation n’est pas normale et qui doit réagir et trouver de l’aide avec ses forces et ses faiblesses. A l’hôpital, la sentence tombe : sa maman est dans le coma et les médecins ne peuvent dire si elle se réveillera.

Sans maman et sans autonomie, Noël va être emmené dans une institution spécialisée qui a la particularité d’être très intégrée parmi les habitants d’une ville allemande. Une institution avec des règles mais aussi avec des espaces de liberté. Une institution avec d’autres personnes qui doivent accorder leurs caractères et leurs émotions. Ce sera pour Noël une épreuve : quitter sa maman, quitter sa maison, se reconstruire un quotidien, s’intégrer et se faire des amis. Peut-être aussi tomber amoureux d’une princesse. Qui sait ?

En petits chapitres qui montrent des séquences de cette nouvelle vie, nous faisons nous aussi nos premiers pas dans cette nouvelle vie aux côtés de Noël. Nous espérons avec lui que sa maman se réveillera et nous découvrons des personnalités singulières, attachantes bien que parfois intimidantes. Et dans ce quotidien d’aujourd’hui se rappelle l’histoire, celle de la place des personnes handicapées dans la société, de l’évolution de la considération qui leur est portée mais aussi des périodes tragiques.

En fin d’album, une documentation sur ce lieu qui existe réellement, à l’initiative d’une association, vient appuyer les propos du roman graphique. De quoi prendre encore davantage conscience de l’importance des établissement de soins et de l’apport de l’inclusion.

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Et vous, quel livre sur le handicap mental recommanderiez-vous ?

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« Khalat » de Giulia Pex d’après Davide Coltri (Presque Lune, 2020)

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Une partie de ma bibliothèque est consacrée aux migrations, aux récits d’exils. C’est donc naturellement que j’ai impatiemment attendu cette parution de début d’année.

Quatrième de couverture : « Qu’emporteriez-vous si, une nuit, vous étiez contraints de quitter votre maison pour toujours ? A quels compromis seriez-vous disposés à vous résoudre et où finiraient vos ambitions, les rêves et l’amour ? Inspiré d’une histoire vraie, Khalat raconte ce qui se cache derrière l’un des nombreux visages qui peuplent nos villes, celui d’une femme et de sa marche forcée, de la naïveté au désenchantement, de la Syrie à l’Europe. »

Je m’attendais à un récit touchant, ce fut le cas, mais j’ai été en plus éblouie par les illustrations de Giulia Pex. Leur réalisme et les choix stylistiques de l’auteure-illustratrice apportent une grande force aux propos. Surtout, si vous le croisez, feuilletez-le pour découvrir ces illustrations qui font entrer dans l’intime tout en gardant une juste pudeur.

Khalat est une jeune femme, étudiante, vivant en Syrie. Appartenant à la communauté kurde, dans une zone en tension politique et civile, dans une zone où le conflit va exploser. Entre tradition et modernité, Khalat suit des études en littérature et rêve d’un amour foudroyant. Dans ce quotidien plein de promesses, la violence va frapper, va tuer et pousser sur les routes de très nombreuses familles. Celle de Khalat sera parmi elles.

Une grande part du récit se passe sur les routes de l’exil, sur les camps de réfugiés, sur les peurs et les risques, sur les rencontres, sur la fatigue qui affaiblit les parents, sur les choix à faire malgré les différents risques, sur l’attente et la conscience de ce qui a été perdu, sur le deuil et l’espoir confié aux lendemains.

Ce témoignage complet vient s’ajouter à ceux entendus ou lus précédemment et qui seront entendus ou lus prochainement. Il dit des similitudes et des différences, mais clame surtout trois nécessités pour la survie des hommes, des femmes et des enfants : la possibilité de quitter des zones de danger, la sécurité sur la route, la décence des pays d’accueil. Des nécessités qui sont encore aujourd’hui des combats quotidiens. Chaque témoignage compte car chaque vie compte.

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Et vous, ferez-vous la connaissance de Khalat ?

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« Le retour » de Benjamin Dickson (Actes Sud, 2020)

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Des dessins bruts pour une histoire qui va briser les attentes d’un enfant au retour de son père de la guerre. Un récit qui exprime la violence rapportée du front jusque dans le salon élaboré à hauteur d’un enfant qui va être amené à grandir d’un coup, trop vite. Une découverte marquante.

Quatrième de couverture : « 1945. Dans Bristol dévastée, un gamin retrouve son père rentré du front. La nouvelle vie espérée tourne rapidement au drame. Un récit poignant sur la difficulté du retour à la vie civile quand on a connu les atrocités de la guerre. »

Benjamin Dickson nous parle de plusieurs choses ici : de l’après-guerre aux blessures encoe vives, de l’état des villes détruites par les bombardements, des familles qui vivent encore dans ces villes, de l’absence des hommes partis avec l’armée, d’un enfant qui rêve du retour de son père pour que la vie familiale recommence comme avant, d’un homme qui rentre hanté par ce qu’il a vu et ce qu’il a fait, qui n’est plus le même. Il y a aussi la question des hommes qui reviennent, et de ceux qui ne rentreront jamais.

De nombreux sujets très bien liés dans ce roman graphique historique qui prend, page après page, le chemin du drame domestique du fait des névroses post-traumatiques. Sa force ? Entrer dans un foyer et montrer les conséquences des conflits – quels qu’ils soient – sur les hommes qui se répercutent sur les familles. La fin d’une guerre n’est jamais la fin et un traumatisme peut en engendrer un autre.

Les illustrations sont parfaitement adaptées au ton du récit, le noir et blanc renforce encore son ambiance oppressante. Un point de vue touchant, une construction narrative saisissante, cela donne une réussite qui remue.

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Et vous, quel livre sur la guerre vue par des enfants conseillez-vous ?

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« Ascender – Tome 1 : La galaxie hantée » de Jeff Lemire et Dustin Nguyen (Urban Comics, 2020)

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Je dois avoir un don pour commencer des séries de BD sans comprendre que ce sont des suites et qu’il me manque un morceau des intrigues. Un premier tome qui m’invite à découvrir la série initiale, Descender.

Quatrième de couverture : « Dix ans après que les machines ont quitté la galaxie, la magie a repris ses droits au seul bénéfice de Mère, personnage terrifiant parvenu à soumettre plusieurs planètes à sa volonté.

Sur Sampson, la jeune Mila et son père Andy recueillent contre toute attente un petit droïde qui va attirer l’attention des sbires de Mère. Ils doivent quitter la planète, mais dans un monde sans technologie, la tâche n’est pas aisée… »

Une couverture à couper le souffle qui promet de magnifiques illustrations, un univers différent de tout ce que je lis, un monde soumis à la volonté d’une seule femme avide de pouvoir, un père et sa fille qui vont devoir fuir… Ce comics avait de nombreux points forts à mes yeux.

Ce premier tome consiste à mettre en place l’histoire de cette deuxième période et même sans avoir lu Descender il se comprend très bien. J’ai bien senti qu’il me manquait quelques informations, des événements passés, mais cela n’a pas gâché ma lecture pour autant. D’un côté le pouvoir de Mère et l’organisation de son totalitarisme, de l’autre Mila et son père, qui découvrent un petit robot plus ou moins par hasard. Sauf que la technologie est interdite qui quiconque en possède est immédiatement pris en chasse par la milice de Mère. Dès la découverte du petit droïde, rien ne sera jamais plus comme avant pour Mila.

Si pour l’histoire j’ai réussi à accrocher et à suivre (je me sens toujours toute petite face à la fantasy), j’ai finalement été plus partagée concernant le travail d’illustration. Je n’ai pas vraiment été séduite par la colorisation et je suis tombée sur un livre pas très bien imprimé, donc un peu flou. Un petit hic qui a parfois un peu parasité le plaisir de lecture.

J’attends donc le deuxième tome pour découvrir la suite des aventures de cette jeune fille, au cœur d’une histoire qui la dépasse. Si vous avez lu Descender, je me ferai un plaisir de lire vos avis sur cette série initiale.

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Et vous, allez-vous entrer en résistance avec Mila ?

« Clinton Road » de Vincenzo Balzano (Ankama, 2020)

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Après avoir lu beaucoup de retours positifs et avoir admiré la beauté des illustrations, ce comics a été rapidement un nouvel adopté dans ma bibliothèque. L’occasion pour moi de changer un peu de registre littéraire.

Quatrième de couverture : « New Jersey, 1978. Tous les matins, John, ranger du comté de Passaic, fait la route entre sa maison et le bar de son ami Sam afin de prendre un café et de bavarder avant sa journée de travail. Rien qui ne puisse sembler étrange jusque-là. Sauf que la Clinton Road – 15km d’asphalte où il patrouille quotidiennement – s’avère être la route la plus hantée des Etats-Unis : disparitions inquiétantes, phénomènes paranormaux… C’est aussi sur cette route maudite que son fils unique, Benjamin, a été vu pour la dernière fois… »

Tout au long du récit, Vincenzo Balzano va nous faire osciller entre réalité et fantastique, perdant le lecteur entre ce qu’il pense être réel, ce qui ne l’est pas et les mystères de la frontière entre la vie et la mort.

John est ranger. Tous les jours, il part patrouiller sur la fameuse Clinton Road, largement réputée aux États-Unis pour ses manifestations paranormales mais aussi pour les disparitions inexpliquées qui y ont eu lieu. John – et le lecteur qui va se faire des noeuds au cerveau en cherchant à dénouer l’histoire – va y croiser des personnages inquiétants ou rassurants, mais aussi et surtout le fils du ranger.

Dès le début on sent que l’ambiance est lourde, la situation familiale de John et son fils est ébréchée, amputée. Les illustrations sont très efficaces, et que dire de la colorisation qui joue un rôle de premier plan sur l’atmosphère dès les premières pages ! Petit à petit, ce que j’imaginais être un récit linéaire va basculer dans un périple proche de la folie. Une folie, sœur du deuil impossible.

Je suis passée à côté du coup de coeur, un peu déçue de ne pas y avoir eu droit, mais j’ai passé un bon moment de lecture, dépaysant et typiquement fantastique : quand le réel et l’imaginaire ne font plus qu’un et que la dissociation se complique de page en page, jusqu’au final glaçant. En un mot : si vous aimez le fantastique dans un contexte contemporain, allez-y, si vous avez encore un doute sur le fait d’apprécier, allez-y.

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Et vous, quelle route oppressante avez-vous aimé prendre dans la littérature ?

« Liens de sang » de Damian Duffy et John Jennings d’après Octavia E. Butler (Presque Lune, 2019)

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En ce début d’année j’ai souhaité encore élargir mes voyages dans les genres littéraires. Et quitte à me mettre à la science-fiction, autant le faire en restant dans des thématiques auxquelles je suis sensible. C’est pourquoi je me suis tournée vers ce roman graphique que j’avais repéré dès sa parution mais qui m’avait justement un peu fait peur du fait de son traitement par le biais non purement historique. Alors, avais-je raison d’avoir peur de la science-fiction pour traiter l’histoire de l’esclavage ? Non, j’ai eu complètement tort.

Quatrième de couverture : « Dana, jeune femme noire vivant dans les années 1970, est soudainement et inexplicablement transportée de sa maison en Californie vers le Sud d’avant la guerre civile (1861-1865). Alors qu’elle voyage dans le temps en plusieurs allers et retours entre sa réalité contemporaine où elle est une femme libre et l’époque de la guerre de Sécession, elle se retrouve à devoir survivre dans une plantation sudiste, confrontée à Rufus, son ancêtre blanc et esclavagiste. Adapté du célèbre roman d’Octavia E. Butler, Liens de sang (Kindred) a reçu l’Eisner Awards 2018 de la meilleure adaptation d’une oeuvre littéraire. Dans son roman, Octavia E. Butler explore en profondeur la violence et la perte d’humanité causées par l’esclavage aux Etats-Unis, et souligne son impact complexe et durable sur le monde actuel. »

Si vous êtes aussi un peu frileux, la première information qui m’a rassurée a été de découvrir qu’il s’agissait de l’adaptation graphique d’un roman écrit par une grande voix de la science-fiction américaine, Octavia Estelle Butler (1947-2006). Ce roman, publié sous le titre Kindred, la rendra célèbre lors de sa sortie en 1979. C’est bon, je suis rassurée, j’y vais.

Si j’ai mis du temps à apprécier le travail graphique, j’ai beaucoup apprécié la construction du récit. Science-fiction oui, mais abordable et très compréhensible pour le novices. Les voyages dans le temps sont efficaces et glaçants, le personnage de Dana est très touchant : sa personnalité est bien fouillée et les dilemmes qu’elle traverse la rendent encore plus crédible et attachante. J’aime les personnages qui doutent, ça leur donne un aspect réel.

Qui est Rufus, cet ancêtre que Dana est appelée à sauver à plusieurs reprises ? Quel est le moyen de rentrer retrouver sa propre vie ? Comment survivre seule et avec les secrets de sa vraie vie ? Comment faire cesser les violences vues, vécues, ainsi que les voyages dans le passé ? Dana aura-t-elle des séquelles de ces voyages dans le passé ? C’est un tourbillon de questionnements et de nécessité de fuite que nous proposent Octavia Estelle Butler et ses adaptateurs dans ce récit au souffle toujours court, Dana retenant sa respiration ou devant courir en voulant échapper aux prédateurs.

Entre histoire de voyages dans le temps et illustration de la propriété morale et physique des maîtres sur les esclaves, ce livre témoigne d’une mémoire à maintenir. Je souhaite à cette oeuvre de nombreux lecteurs et j’espère qu’elle sera l’occasion de rendre plus visible Octavia Estelle Butler auprès des lecteurs francophones.

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Et vous, vous joindrez-vous à Dana pour ne pas la laisser seule ?

« Orbital – Tomes 1 & 2, première mission » de Sylvain Runberg et Serge Pellé (Dupuis, 2006-2007)

Je crois que cette chronique orientée littérature de science-fiction est une première sur mon blog. Ce n’est pas du tout un genre vers lequel j’ai l’habitude de me tourner et j’ai du mal à avoir une sensibilité pour les univers souvent représentés. Mais j’ai décidé de me faire un peu violence avec cette série dont j’avais offert les deux premiers tomes à mon amoureux qui, lui, est beaucoup plus sensibles à ce genre.

Quatrième de couverture : « Caleb et Mézoké forment un binôme exemplaire : c’est la première fois dans l’histoire de la galaxie que leurs peuples respectifs accèdent à cet honneur. Les Sandjarr, le peuple de Mézoké, s’étaient tenus à l’écart des instances politiques intermondiales jusqu’à ce que les guerres humano-sandjarr éclatent. Les humains avaient été écartés jusqu’à présent des plus hautes instances. Leur binôme revêt donc une importance symbolique. À peine sortis de leurs séances d’entraînement, les voilà embarqués pour leur première mission. Ils partent pour Senestam où un groupe de parias humains tentent d’exploiter illégalement une mine détenue par les Jävlodes. »

Je me suis tournée vers cette série car elle contient des sujets auxquels je suis sensible : la réconciliation entre deux peuples et la mission du binôme principal consistant à désarmorcer des conflits avant qu’ils ne se déclenchent. Donc changer de genre, j’essaye, mais en restant près de mes sujets. *C’est mon côté un peu arnaqueuse.*

Si je dois commencer par un très gros point fort c’est la qualité des illustrations : elles sont juste magnifiques, j’ai passé pas mal de temps à les regarder en détail tellement je me régalais. La mise en place de l’histoire est bien gérée et prend un temps certain mais nécessaire ; il faut dire qu’il y a pas mal de choses à expliquer avant de lancer concrètement la mission du duo. J’ai à peu près tout suivi mais je me suis un peu perdue entre les différents représentant des peuples et les nombreuses planètes (et c’est là que je risque de décrocher à chaque fois avec la science-fiction).

Le duo formé, la mission peut commencer. Et si j’ai eu quelques surprises, des retournements de situations auxquels je ne m’attendais pas, la résolution m’a semblée un peu simple. Mais dans l’ensemble la lecture s’est déroulée avec facilité et j’ai apprécié le duo, l’ensemble de la mission un peu moins. A voir si les tomes suivants seront plus efficaces pour moi.

En conclusion, pour les lectrices et lecteurs néophytes dans ce genre, c’est clairement une série abordable et qui peut être une agréable porte d’entrée, notamment grâce aux illustrations très engageantes. Je vous invite à prendre directement les deux premiers tomes car le premier se termine alors que la mission commence à peine. Et pour les plus curieux, ils existe une intégrale de la première période ! Pour les connaisseurs, je suis curieuse de lire vos retours.

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Et vous, quelle est votre bande dessinée de science-fiction incontournable ?

👁 « Réfugiés à Berlin » d’Ali Fitzgerald (Presque Lune, 2019)

Je m’intéresse de plus en plus aux publications des éditions Presque Lune et je dois dire que celle-ci a bien fait sa place dans ma wishlist dès l’annonce de sa parution. Nous suivons Ali, artiste américaine installée en Allemagne, qui rencontre des réfugiés et travaille avec eux la langue à l’aide du dessin. Cette technique permet de s’évader un peu de la bulle coupée du monde qu’est le centre d’accueil ainsi que d’extérioriser des traumatismes.


Quatrième de couverture : « Au cours de l’été 2015, Ali Fitzgerald commence un atelier hebdomadaire de bandes dessinées avec des réfugiés à Berlin, soutenu par Comic Invasion et Amnesty International. Dans cette non-fiction graphique surréaliste — c’est ainsi qu’elle définit sa bande dessinée — l’autrice présente avec beaucoup de sensibilité les difficultés que rencontrent les réfugiés en Europe. En leur proposant de dessiner, elle leur offre un moyen d’exprimer, sans forcément parler, ce qu’ils ont vécu et ce qu’ils espèrent. Tout en suivant leur parcours, elle raconte Berlin et établit avec beaucoup d’habileté un parallèle instructif entre ce drame actuel et celui des Juifs obligés de fuir les pogroms des années 1920, puis persécutés plus tard par les nazis. Les témoins qu’elle invoque pour parler de ce passé sont deux écrivains importants dont elle cite des phrases soigneusement choisies : Joseph Roth et Christopher Isherwood. La richesse du texte et la simplicité des dessins font de ce livre un roman graphique émouvant et passionnant. »


Ce sont des portraits construits à partir de ces séances qu’Ali Fitzgerald nous confie. Des hommes, des femmes, des enfants qui doivent apprendre une langue, faire des démarches et attendre des papiers avant de pouvoir essayer de reprendre une vie dite normale, loin de leurs racines et des proches restés au pays.

De cette situation ultra-contemporaine, l’auteure nous parle également des migrations du début du 20ème siècle à Berlin et ses alentours, notamment des familles juives d’Europe de l’Est qui fuyaient les pogroms et les persécutions antisémites répétées et ancrées. Entre passé et présent, elle décrit des exils, des accueils plus ou moins adaptés, plus ou moins rapides mais aussi les montées des nationalismes et des fermetures d’esprits.

Je suis un peu restée insensible au style graphique d’Ali Fitzgerald mais j’ai beaucoup apprécié ses références littéraires qui éclairent des migrations centenaires et elle m’a par exemple vraiment donné envie de découvrir Joseph Roth et Christopher Isherwood. Les portraits sont touchants notamment par leur diversité de parcours et de caractères. Elle inscrit ces rencontres dans une temporalité donnée mais aussi dans sa propre évolution personnelle, ce qui transforme par moment ce roman graphique en journal plus intime, avec des réflexions sur l’acceptation et l’affirmation de soi. L’auteure préfère le terme de non-fiction graphique surréelle à celui de journalisme graphique pour décrire son livre et en cela la place de l’autobiographie instantanée en est pour moi la principale nuance.

Malgré de réelles qualités j’ai eu un peu de mal à me situer dans la densité du propos : les témoignages sont touchants notamment dans leur pudeur, l’histoire de Berlin et les différentes périodes historiques abordées sont très intéressantes, l’histoire des vagues nationalistes l’est tout autant, les questions de l’auteure vis-à-vis d’elle-même m’ont par contre un peu laissée de marbre et je n’ai pas vraiment compris cette approche supplémentaire. J’ai passé un bon moment mais ce livre sera plus une porte d’entrée vers d’autres sources qu’un ouvrage de référence pour moi. Mais je passe parfois à côté de pépites, alors n’hésitez pas à le découvrir et à me donner à votre tour votre avis !

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas de chronique trouvée pour le moment.


 

Et vous, connaissez-vous et aimez-vous cette maison d’édition ?

❤ « Bâtard » de Max de Radiguès (Casterman, 2017)

Décidément, ces temps-ci les coups de cœur se suivent mais ne se ressemblent absolument pas ! Ce roman graphique n’était pas une priorité d’achat mais quand je l’ai croisé à la médiathèque il est devenu immédiatement une priorité d’emprunt et de lecture. Comme quoi, parfois, je ne me maîtrise pas, mais alors pas du tout. Et c’est ce que j’aime, qu’un livre m’appelle sans que je m’y attende et qu’il me fasse vivre une aventure folle. Bingo !


Quatrième de couverture : « May et son fils Eugene tracent la route, le coffre de leur voiture rempli de sacs de billets de banque. Ils viennent juste de participer à un coup exceptionnel : 52 hold-ups simultanés à la même heure, dans la même ville. La police n’a rien pu faire !

Commence alors la cavale musclée d’un surprenant duo de braqueurs. »


Je n’ai pas encore lu les bandes dessinées auxquelles a participé Tarantino, mais en réfléchissant, celle-ci pourrait bien lui parler. Elle rassemble tout ce que j’aime dans le genre : le banditisme, l’imprévu qui fait capoter le plan huilé, les trahisons, les poursuites, la violence ET le lien qui uni May et Eugene. C’est un duo auquel on s’attache quoi qu’ils fassent car leur lien est fait d’un amour indéfectible et inconditionnel, d’une protection mutuelle, d’une complicité fusionnelle. Mais c’est pas glauque non plus, juste qu’ils ont toujours été tous les deux, donc c’est une équipe soudée quoi qu’il arrive.

Bref, alors que ce duo de braqueurs part le coffre rempli de billets, le plan va un peu dériver et la priorité va être de savoir qui est digne de confiance et qui ne l’est pas, puis comment échapper à ceux qui, en plus du pognon, veulent le pouvoir. Car dans le cas présent, les deux s’obtiennent en laissant des cadavres comme le petit Poucet des cailloux. La quête d’un refuge sans laisser la moindre trace mais pas uniquement pour ce duo qui n’est peut-être pas celui que l’on croit.

Cette chronique est un peu désordonnée et je m’en excuse, mais je ne peux pas prendre le risque de vous en dévoiler plus. Juste : si vous aimez les vieux films de gangsters, Tarantino, les récits rythmés qui ne connaissent pas le bouton pause et les duos parent-enfant de caractère, vous n’avez aucune raison d’hésiter, ce livre est fait pour vous et j’espère que vous m’en donnerez de belles nouvelles. Que dire de plus pour vous convaincre si ce n’est que ce roman graphique a reçu le Prix SNCF du polar, catégorie bande dessinée en 2018 ?

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Et vous, êtes-vous prêts à démarrer aux côtés de May et Eugene ?

❤ 👁 « Et pourtant elles dansent… » de Vincent Djinda (Des ronds dans l’O, 2019)

Ce roman graphique rend compte d’une année de l’auteur passé aux côtés de femmes ayant fui leur pays et demandant l’asile en France. Les entretiens, les parcours de vie, les raisons des départs, les regrets, les inquiétudes, les blessures, celles qui ont réussi à cicatriser et celles qui resteront ouvertes, voilà ce que nous propose Vincent Djinda en restituant la parole des femmes, en créant un prolongement de l’espace d’expression libre qu’est la précieuse association Femmes en Luth de Valence.


Quatrième de couverture : « Marie-Noëlle, Denise, Asyath, Odile, Lizana, Emina ou encore Augustine et d’autres, toutes femmes réfugiées en France, se retrouvent à l’association Femmes en Luth à Valence et se sont confiées sur les raisons qui les ont contraintes à quitter leurs pays, souvent pour leur survie, laissant parfois leurs proches et leurs biens derrière elles. Portant le poids d’une culpabilité qui ne les quittera pas, elles évoquent les violences subies, les tortures au travers de leurs témoignages, affichent leur courage et transmettent malgré tout un message de paix. Elles chantent, dansent, peignent et sourient ! Seul homme présent dans l’association, Vincent Djinda les a accompagnées durant une année. »


Au départ j’ai un peu de mal à comprendre la structure des dialogues car Vincent Djinda s’efface pour laisser l’espace aux femmes. Cela fait qu’en fonction des réponses on imagine les questions, on imagine les échanges mais on nous donne uniquement à voir et à lire les expressions des femmes et leurs mots. Il n’y a aucun parasitage (même bienveillant) en dehors des pensées, des avis et des témoignages. A leur côté il y a aussi Odile qui gère l’association et suit les dossiers de demandes d’asile et d’aides auprès de l’État français. Elle est une bouée de secours dans l’océan administratif qui ne tient pas compte des réalités des personnes qui arrivent sur le territoire. Elle est aussi un peu une maman ourse, qui sait quand rassurer et quand secouer un peu pour le bien des femmes qui perdent espoir, qui perdent patience. Car le chemin est long et les désillusions nombreuses. C’est aussi cette difficulté à être en règle que Vincent Djinda restitue, la pauvreté, les chambres d’hôtel réservées pour une poignée d’heures avant de retourner dans le froid, la séparation d’avec les proches, les emplois plus que précaires qui usent la santé mais qui restent mieux que rien.

J’ai particulièrement apprécié (si l’on peut dire) que ce roman graphique donne une place importante à l’expression des violences spécifiques qui sont faites aux femmes. Ces violences sexuelles dont on ne dit pas toujours le nom et la réalité, qui sont non seulement subies sur la route de l’exil mais aussi sur le territoire français. Cet aspect est l’une des grandes forces de ce roman graphique car il fait la place aux mots sur ce qui est la blessure la plus intime qui soit, que l’on cache, qui devient trop souvent une honte familiale que la victime doit assumer et qui reste une arme de guerre dans de trop nombreux pays où le sexe et le ventre des femmes sont aussi des espaces à conquérir et à ravager pour les bourreaux.

Mais ce que Vincent Djinda montre aussi, c’est la force de ces femmes qui avancent un pas après l’autre, qui se relèvent quand elles tombent et qui ne baissent pas les bras, si ce n’est pour les lever ensuite encore plus haut. C’est la résilience et la force pour une lutte juste : pour la survie, puis pour la vie. Alors, ensemble elles créent et se soutiennent. Alors, ensemble elles sont plus fortes.

Ce livre fait désormais partie de ceux que je range parmi les nécessaires de par son humanité, son respect et sa transparence. Un travail remarquable qui efface les frontières et qui devrait être lu par le plus grand nombre à l’heure où les nationalismes salissent l’humanisme de leur bave acide.

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Et vous, quels témoignages de femmes souhaitez-vous partager ?

👁 « Amazona » de Canizales (Editions l’Oeuf, 2019)

C’est en parcourant, les yeux plein d’étoiles, les rayonnages de la magnifique librairie Expérience à Lyon que je suis tombée sur cette petite merveille dont je n’avais jamais entendu parler. Pourtant le sujet est d’actualité et le livre de qualité. Une publication intéressante et marquante qui invite à regarder de plus près les éditions l’Oeuf, basées à Rennes, et qui s’étaient déjà distinguées avec Hallali de Claire Malary, Grand Prix Artémisia 2019.


Quatrième de couverture : « Andréa est une indigène de la forêt amazonienne colombienne. Sa tribu, chassée de sa terre sacrée confisquée pour y installer une mine, se meurt, parquée dans des bidonvilles de la ville de Cali. A la mort de sa petite fille, elle entreprend le long chemin qui revient à sa terre, guidée par l’esprit du jaguar, pour aller y enterrer sa fille, malgré les soldats et les miradors qui en empêchent l’entrée.

L’histoire se déroule le 28 juin 2014, le jour du match de la coupe du monde Colombie-Uruguay qui paralyse le pays… »


Andréa et tous les membres de sa tribu ont été chassés de leurs terres, celles de leurs ancêtres, celles des esprits de la forêt, celles dans lesquelles poussaient leurs racines depuis des générations et des générations, celles dans lesquelles ils puisaient leur force de vie. Pourquoi cette exclusion ? Car les terres minières comptent plus que les hommes, les femmes et les enfants. Pour preuve : ils ont survécu grâce à la vigilance du mari d’Andréa. Sans lui, ils auraient été abattus dans la nuit, dans leur sommeil, comme d’autres tribus avant eux.

Après la fuite, l’exil. Des jours de voyage pour arriver à Cali, à 38 dans une maison insalubre et étouffante de 57m². Qui peut se l’imaginer ? Qui peut supporter ? Cloîtrés car ils ne montrent pas une belle image du pays alors que la coupe du monde de football bat son plein et que l’équipe colombienne monte les échelons, la chaleur et le manque d’air va avoir raison de la petite Amalia. Andréa va alors suivre l’esprit du jaguar qui l’emmène sur les terres volées, les terres ravagées de ses ancêtres pour y enterrer la petite parmi les siens et en accord avec les traditions de la tribu. Mais ce voyage extrêmement risqué sera aussi l’occasion de se battre pour cette femme courageuse qui n’a pas dit son dernier mot et qui est prête à risquer sa vie pour que justice soit rendue à sa tribu.

Arrivée à son ancien village, l’étouffement nous prend à notre tour, face à ces gardiens sans cœur et sans honneur, pions qui obéissent aveuglément ou manipulateurs intéressés. Car les femmes sont des cibles. Le passé resurgit dans le présent et d’anciens chemins se croisent à nouveau, avec complexité mais aussi, peut-être, avec le réveil d’une morale jusqu’alors anesthésiée. C’est un récit extrêmement tendu et percutant que nous propose Canizales, un récit qui ne laisse pas indifférent et qui est porté par des illustrations faussement douces. Un roman graphique qui mérite que l’on parle davantage de lui.

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Et vous, connaissez-vous cette maison d’édition ?

« Un enfant comme ça » d’Antoine Bréda (La Boîte à Bulles, 2019)

Ce roman graphique correspond typiquement à ce que je recherche en ce moment : une histoire qui nous parle d’humanité avec sensibilité et des illustrations qui se distinguent par leur singularité. Et cette singularité graphique fait écho à la différence de Charles, que ses parents ne comprennent pas et qu’ils vont emmener voir une personne qui mesure la bêtise des enfants.


Quatrième de couverture : « Charles est un petit garçon différent. Peut-être à cause de ses lunettes à cordon ? Ou alors parce qu’il ne met pas les animaux de la ferme à l’intérieur des barrières ? Avec un père qui ne comprend pas et une mère apeurée, Charles grandit et devient malgré lui un adulte. Mais même ainsi, Charles est différent. Trop peut-être, puisque malgré tout l’amour qu’il a en lui, personne ne semble vouloir accepter ce curieux mutisme de l’âme. Cette fragilité aveugle et cette délicatesse silencieuse qui l’anime. L’auteur nous emmène ici dans le quotidien à nu d’un être dénué de malice faisant face à la réalité dans son insidieuse cruauté. La vie telle qu’elle est sans artifice, à travers le regard simplet sans être sot de Charles. Un portrait qui appelle à la tolérance de l’autre et qui rappelle que malgré nos différences, nous sommes tous des êtres sensibles et que tous nous avons besoin qu’une oreille attentive nous comprenne. Un livre qui touche, qui bouscule tout en douceur et qui au final, fait du bien ! »


A priori Charles est bête (parole de spécialiste), mais c’est pas grave, on va le placer avec d’autres enfants comme lui, encadrés par un enseignant formé à des méthodes savamment pensées pour le faire rentrer dans le moule, bien comme il faut. Si ça résiste ? On forcera un peu. On n’a jamais vu un cube passer par un trou circulaire ! Un moule, donc, qui ne lui correspond pas mais qui convient à la masse, alors ce doit être le bon, celui qui rend heureux.

Et si… Et si ce n’était pas le cas ? Et si nous étions en capacité d’accepter les enfants avec leurs spécificités, leurs particularités, ce qui les rend unique ? Et si nous n’aliénions pas leur monde en voulant le calquer sur des logiques d’adultes pressés par l’efficacité et la productivité ?

Charles est devenu un adulte qui se fond dans la masse mais qui ne s’intègre pas pour autant. Transparent, coincé dans une bulle, coincé en lui, il passe à côté de sa vie. Et lorsque le petit Julien, son fils, est surpris à mettre les animaux en dehors de l’enclos comme lui à son âge, la malédiction de l’enfant jugé bête par les spécialistes de l’enfance tend à se perpétuer…

Ce roman graphique aborde avec sensibilité la différence d’un enfant que ses parents vont tenter de rendre normal (concept qui m’échappe). Mais il se concentre surtout sur la vie d’adulte de Charles, car il a fait un bout de chemin mais se confronte à de nouvelles difficultés face auxquelles il se retrouve perdu, désemparé. Entre la violence du monde qui l’entoure et quelques mains tendues, c’est un récit touchant que nous livre Antoine Bréda sur l’acceptation de soi et des autres.

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Et vous, quel livre sur la dénonciation de la norme conseilleriez-vous ?