« Deux chambres avec séjour » d’Ibrahim Aslân (Actes Sud, 2013)

Je m’éclate depuis quelques semaines à remonter le fil des catalogues de maisons d’éditions que j’apprécie afin de dénicher des perles oubliées. Parce qu’il n’y a pas que les nouveautés ou que les classiques – quel que soit leur genre – qui constituent la littérature : il y a aussi les textes dont on ne parle plus forcément, à tort.

Celui-ci est un très bon exemple de textes jamais croisés sur les blogs ou sur les réseaux sociaux et qui a fait battre mon petit coeur. Parce que je suis la première à dire que je n’aime pas les histoires d’amour, il fallait bien qu’un texte vienne me contredire. Mais un texte emprunt de mélancolie, parce que c’est mon truc.

Quatrième de couverture : « Khalil et sa femme Ihsan vivent seuls dans un petit appartement de deux chambres avec séjour, qu’ils ne quittent pratiquement jamais. Depuis qu’il a pris sa retraite et que leurs deux enfants se sont mariés, ils n’ont plus rien à faire de leurs journées, sinon se quereller gentiment pour des broutilles, comme la manière de cuire les fèves, le choix des programmes télévisés ou la manie qu’a Khalil de commencer toutes ses phrases par je pense. Puis Ihsan meurt, laissant Khalil dans une extrême solitude, en proie aux soucis de la vieillesse, et c’est alors qu’il renoue avec son ancien quartier, ses anciens amis, et que le monde extérieur s’engouffre dans son vieil appartement, dont la porte reste désormais toujours ouverte…

Composé de courtes scènes apparemment banales de la vie quotidienne, mais dont chacune, sans le moindre artifice, s’ouvre sur des questionnements essentiels, ce feuilleton domestique est l’oeuvre ultime d’Ibrahim Aslân. Avec son style dépouillé, son regard minutieux sur les êtres et les choses, et la douce mélancolie qui s’en dégage, il nous plonge avec malice, comme par enchantement, dans l’étrangeté de l’ordinaire. »

C’est l’histoire d’un couple. Un vieux couple. De ceux qui sont capables de tout se dire avec une franchise désarmante, de ceux qui se connaissent par cœur et ont passé presque toute leur vie ensemble. Elle c’est Ihsan, lui Khalil. Les corps ont changé avec les années : voûtés, creusés de rides de joies et de peines, fatigués, ils gardent en eux les souvenirs d’une vie.

Le quotidien est calé sur une routine qui se dérègle en même temps que l’esprit se perd et les idées s’emmêlent un peu. Les journées se composent aussi de petites taquineries et habitudes chatouilleuses pour l’un ou l’autre.

Un jour, la femme, la mère, la hagga meurt. Comme ça. Un instant elle était là, l’instant d’après elle était partie.

Khalil se retrouve seul et c’est à ses côtés que nous allons suivre le cheminement du deuil, l’apprentissage de la solitude et la vie, malgré tout, qui continue avec des moments entre amis qui réinventent un quotidien aux souvenirs qui ont prit le goût de l’absence.

Ibrahim Aslân (journaliste et écrivain égyptien, 1935-2012) livre un roman – composé d’épisodes comme pour un feuilleton littéraire – tendre et mélancolique sur l’amour. L’amour marqué par la vieillesse et la fin de vie, l’amour d’une vie.

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Et vous, aimez-vous dénicher des perles dites oubliées ?

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❤ « Diên Biên Phù » de Marc Alexandre Oho Bambe (Sabine Wespieser, 2018)

Diên Biên Phù.eps

Ce roman dormait dans ma bibliothèque depuis plusieurs mois et, un matin, j’ai tendu la main, l’ai pris et ne l’ai plus reposé. Un matin, j’ai découvert Marc Alexandre Oho Bambe et j’ai eu un coup de cœur.

Quatrième de couverture : « Vingt ans après Diên Biên Phù, Alexandre, un ancien soldat français, revient au Viêtnam sur les traces de la fille au visage lune qu’il a follement aimée. L’horreur et l’absurdité de la guerre étaient vite apparues à l’engagé mal marié et désorienté qui avait cédé à la propagande du ministère. Au cœur de l’enfer, il rencontra les deux êtres qui le révélèrent à lui-même et modelèrent l’homme épris de justice et le journaliste militant pour les indépendances qu’il allait devenir : Maï Lan, qu’il n’oubliera jamais, et Alassane Diop, son camarade de régiment sénégalais, qui lui sauva la vie.

Avec ce roman vibrant, intense, rythmé par les poèmes qu’Alexandre a pendant vingt ans écrits à l’absente, Marc Alexandre Oho Bambe nous embarque dans une histoire d’amour et d’amitié éperdus, qui est aussi celle d’une quête de vérité. »

Le narrateur est un homme qui a passé sa vie à essayer de changer, d’étouffer ses sentiments laissés au Viêtnam vingt ans plus tôt, lors de la guerre d’Indochine. Il a fait sa vie, a tenté d’aimer sa femme sans y arriver et s’en veut pour ça. Il a eu des enfants et les a aimés de tout son coeur, mais aujourd’hui il doit les abandonner car il a besoin de retourner dans ce pays dans lequel il a vécu le pire et le meilleur. La guerre dévastatrice, l’amour et l’amitié. Là-bas, il y a vingt ans, il est mort. Là-bas, il y a vingt ans, il a doublement été sauvé.

Entre passé et présent, Marc Alexandre Oho Bambe nous parle de Diên Biên Phù, ce combat qui fut aussi une boucherie, symbole de l’orgueil des dirigeants français face à un peuple qui se battait pour sa liberté. Il nous parle de la guerre, mais aussi de l’amitié qui peut naître entre les hommes confrontés à la peur et à la mort. Alexandre est sauvé par Alassane, alors les questions du colonialisme, du combat juste ou injuste, de l’honneur et du racisme sont magnifiquement évoquées.

C’est une parole tout en douceur que distille l’auteur pour nous parler de la douleur mais aussi de l’amour enflammé que le narrateur va découvrir avec Maï Lan. Cette femme, aujourd’hui, Alexandre a besoin de la retrouver. Alors il part vers son avenir et, en même temps, sur les chemins de ses souvenirs.

Entre deux proses, Marc Alexandre Oho Bambe propose de la poésie. Car l’auteur est aussi poète et j’ai hâte de pouvoir découvrir l’un de ses recueils (ainsi que d’autres romans). J’ai été immédiatement envoûtée par sa délicatesse, son positionnement humain, sa douceur réconciliatrice.

C’est tout simplement un roman qui fait du bien en même temps qu’il réveille et se positionne dans des réalités de l’histoire pas si lointaine. Une fleur magnifique née sur le chaos.

A noter que Marc Alexandre Oho Bambe fera partie de la rentrée littéraire d’automne des éditions Calmann-Lévy. J’espère avoir la chance de le découvrir prochainement.

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