Epuisé, cet album m’a quand même fait de l’oeil. Pourquoi ? Car il est écrit par Jamila Mujahed, journaliste afghane très investie pour la cause des femmes et qui a elle-même vécu et subi la première prise de Kaboul par les talibans. Un changement de régime qui lui fit perdre ses droits. C’est son témoignage, illustré par Simona Bassano de Tufillo, qui est livré ici par le prisme du port forcé de la burqa.
Quatrième de couverture : « Essayez de boire, de manger, de marcher, d’embrasser, ou même de vous faire reconnaître de vos enfants ou de votre mari. Essayez de vivre avec une burka… »
Chaque double page est composée de la même façon : un court texte à gauche qui exprime ce qu’est être une femme enfermée par les lois misogynes des talibans, une caricature à droite qui vient interroger l’absurdité de la situation.
Pour commencer et ne pas être incomprise : les signes et symboles religieux dans l’espace public ne me posent aucun problème (ce que prévoit d’ailleurs la laïcité) mais il y a une immense différence entre le fait de porter ces signes dans un pays qui laisse le choix à chacun•e et le fait de n’avoir aucun choix et de se voir contraint•e de les porter – au risque de subir des conséquences qui peuvent être fatales. Ici, nous sommes bien dans un contexte de dictature religieuse qui ne laisse aucun choix aux femmes : elles ne s’appartiennent plus à aucun niveau.
Il résulte de cette lecture une impression de choc. Jamila Mujahed n’avait jusqu’alors jamais porté la burqa et, du jour au lendemain, la voilà sans travail, forcée de rester chez elle. Pour sortir dans la rue – en cas de nécessité absolue – elle se voit recouverte de la tête aux pieds, enfermée dans une prison de tissu qui la met en plus en danger dans la rue, faute de pouvoir voir correctement ce qui l’entoure.
Cacher les femmes, les réduire à la servitude des hommes et des foyers, les rendre invisibles en même temps qu’éternelles suspectes et coupables, voilà l’injustice dont il est question. Et voir cette violence systématique se reproduire relève de l’insupportable. La force de cet album vient de son ton à la fois personnel et factuel.
Pour ce mercredi, jour des petits, je vous propose ce bel album travaillé en miroir entre doubles pages et entre textes et images. Un travail percutant qui trouvera son public auprès des jeunes lecteurs et lectrices à partir de 10 ans.
Quatrième de couverture : « Un hommage puissant à tous les enfants du monde qui rêvent, où qu’ils soient, d’un ailleurs. »
La potentielle difficulté avec cet album ne se cachera pas dans le texte mais au niveau du sujet lui-même car la comparaison demande du recul et un minimum de connaissances sur le fait que des enfants, des adolescents et adultes d’ailleurs regardent d’autres pays que le leur, rêvant à ces derniers au futur, au cœur de leurs nuits noires et de leurs journées maigres en espoir.
Chaque double page compare des situations : humaines, sociales, géographiques, météorologiques, politiques. Car il existe dans certains pays le travail des enfants, les famines, les enfants-soldats, les sécheresses, les guerres, les dictatures… Et quelques rares instants où les enfants peuvent être des enfants. Ils rêvent d’un ailleurs, là où l’avenir ne rime pas avec la peur de mourir.
Viendront le départ, la traversée qui frôle le drame, l’arrivée et le regard qui se dirige de l’autre côté, où les proches sont restés.
Peu à peu, des images viennent se désunir des textes d’espoir et montrent que le pays rêvé, fantasmé, n’est pas parfait, qu’il laisse certaines personnes au bord des routes. Ce double positionnement invite de fait le·la lecteur·trice à regarder sa situation et à voir les écarts de traitement des populations dans le monde tout en étant conscient·e de ce qui doit être amélioré.
Un album grave, fort et éloquent, publié avec le soutien d’Amnesty International.
J’ai découvert Elise Gravel il y a quelques années, dans le cadre d’un travail qui visait – notamment – à déconstruire les stéréotypes et préjugés auprès de jeunes publics et certains des supports qu’elle rend disponibles sur son site sont merveilleusement bien conçus. Elle prouve avec talent que l’on peut s’atteler à de grandes causes et mener des combats citoyens et humains avec des pitchounes et des préadolescents sans se départir d’humour. Ce dernier étant parfois même essentiel pour ouvrir le dialogue, libérer la parole, confronter différentes visions du monde et enfin désamorcer des idées reçues.
Quatrième de couverture : « Un réfugié, c’est quoi ? Un être humain comme toi et moi !
Qui sont les réfugiés ? Pourquoi fuient-ils leur pays ? À quels dangers sont-ils confrontés ? Et sont-ils toujours bien accueillis ? »
C’est sans aucune hésitation que j’ai souhaité découvrir cet album et vous en parler dans le cadre du mois thématique de juin. Les enfants entendent parler du sujet des réfugiés à toutes les sauces depuis plusieurs années et ce livre souhaite expliquer clairement qui ils sont. Car les enfants sont sensibles à ce qui est juste ou injuste, j’aime leur confier des livres leur permettant contrer de possibles amalgames couramment portés au sein de la société des adultes.
Elise Gravel prend le temps de représenter – avec des phrases simples – différentes situations qui expliquent la nécessité de partir de chez soi pour des raisons de survie et de respect des droits humains tout en rappelant que nous sommes tous égaux. L’autrice parle des contextes, des difficultés, des risques, du manque d’accueil et des camps de réfugiés. Avec un dessin tendre, en rondeur et coloré, elle montre des réalités adaptées à l’âge des jeunes lecteurs et lectrices sans oublier de dire que ce que cherchent ces personnes ce sont des vies normales et en sécurité.
L’album se termine sur des portraits de réfugiés célèbres, d’hier et d’aujourd’hui, ainsi que sur des portraits d’enfants réfugiés d’aujourd’hui. Une ouverture qui ne manquera pas de créer des moments d’échanges ainsi que de nombreuses réflexions.
Un livre d’utilité publique qui a sa place dans toutes les écoles.
C’est une nouvelle pépite que nous proposent ce mois-ci les éditions Rue du monde. Le lire c’est immédiatement vouloir l’offrir. L’histoire d’une famille qui va pêcher au point de développer une activité florissante, certes, mais qui va également vider la mer.
Quatrième de couverture : « Attention Petit Pêcheur ! À vouloir prendre trop de poissons, on transforme le fond de la mer en désert… Et le Roi-des-crabes n’aime pas du tout ça ! Mais peut-être qu’avec ta famille, vous allez apprendre à jardiner l’océan autrement ? »
Au départ, Petit Pêcheur ne prend que le poisson dont il a besoin pour nourrir sa famille, contrairement à d’autres pêcheurs plus gourmands autour de lui. Ses enfants demandant juste un petit poisson de plus, il se retrouve à délivrer le Roi-des-crabes d’une bouteille. Celui-ci va proposer à Petit Pêcheur d’exaucer un seul et unique vœu. La tentation est grande de vouloir en avoir plus… au risque de chambouler la nature.
Visuellement très beau, cet album permet de parler de consommation raisonnée avec les plus jeunes à partir du cas de la pêche intensive, un sujet important mais rendu accessible et pédagogique notamment grâce aux touches d’humour très efficaces. Car si les poissons disparaissent, d’autres animaux ont leur mot à dire sur la modification de l’environnement.
Une morale pour petits et grands pour apprendre à construire un regard critique sur l’exploitation de la nature à outrance, la surconsommation et les disparitions en chaîne. Il souffle aussi un vent d’espoir, invitant à appréhender une nature en partage, inspirant des voies de réparations dans lesquelles s’engager.
La vie de Janusz Korczak et son engagement pour le respect de l’enfance me touchent beaucoup et c’est avec délicatesse, et en puisant notamment dans son journal qui nous est parvenu, qu’Adam Jaromir a composé les textes de cet album, mêlant la voix du docteur à celle d’une enfant pour décrire la vie de l’orphelinat de fortune déplacé dans le ghetto de Varsovie.
Présentation de l’éditeur : « Ghetto de Varsovie, mai 1942 – Près du mur sud où se trouve aujourd’hui le théâtre de marionnettes Lalka, se dressait autrefois un bâtiment gris de quatre étages : le dernier siège de l’orphelinat juif Dom Sierot (La Maison des Orphelins). Il fut un établissement pilote historique dans l’éducation des enfants, dans la bienveillance et la démocratie, ouvert à la fin de l’année 1912, dirigé par le docteur Korczak.
Genia, une petite fille de 12 ans, tient son journal sur les recommandations du docteur.
L’orphelinat dans lequel elle vit, avec 190 autres enfants, les accompagnants et le docteur est un modèle d’accueil où règnent le respect des enfants, la bienveillance, l’écoute, le dialogue.
L’Histoire s’arrête malheureusement en 1942, quand les SS les embarquent tous en direction de Treblinka où ils seront gazés dès leur arrivée, le 6 août 1942. »
Tola, orpheline, arrive à Dom Sierot. Une autre jeune fille – la seconde narratrice après Janusz Korczak – va l’accompagner dans ses premiers pas dans l’orphelinat et avec elles nous découvrons un quotidien, une société organisée autour des enfants, de leur éducation et de leur protection, dans le ghetto de Varsovie. Les illustrations mêlées aux collages m’ont beaucoup marquée, je réalise que j’aime vraiment ce procédé dans l’illustration (je l’avais par exemple adoré dans le magnifique roman graphique Heimat) que je trouve très émouvant.
Alternant la voix de l’enfance et celle de Janusz Korczak, qui représente aussi le témoin de ce qui se passe hors des murs de l’orphelinat, ce sont des portraits attachants, les relations entre les enfants, les manques et les courages qui s’écrivent au fur et à mesure que les pages se tournent. Face à un durcissement des conditions de vie dans le ghetto, le manque de nourriture et la volonté de concentrer les esprits des enfants sur autre chose que l’absence, la faim et les inconnues des lendemains, Mademoiselle Esther, encadrante, va proposer d’organiser une représentation théâtrale. La dernière qui aura lieu entre les minces murs qui protégaient les enfants et les adultes de l’orphelinat.
Les deux points de vue sont formalisés par deux typographies différentes, astuce que j’ai beaucoup appréciée, qui se comprend naturellement. Je me dis que ça peut être un bon moyen d’en faire la lecture à deux voix avec un·e jeune lecteur·trice (je vais essayer lors de mes prochaines vacances).
Si généralement la déportation est associée au nom d’Auschwitz-Birkenau dans la littérature, et encore plus pour la jeunesse, cette histoire permet aussi de faire apparaître un autre nom tristement connu : Treblinka. Cela me semble important pour la représentation de l’histoire de la Shoah dans les œuvres culturelles.
L’album est à destination de la jeunesse (je dirais à partir de 10-12 ans), mais il fait partie de ces ouvrages qui s’adressent aussi aux adultes. Pour ma part, j’ai prévu de vous parler à nouveau de Janusz Korczak et des enfants de l’orphelinat avec son Journal du ghetto, avec le roman Le livre d’Aron de Jim Shepard ainsi qu’avec un autre album jeunesse : Le dernier voyage. Le docteur Korczak et ses enfants d’Irène Cohen-Janca et Maurizio Quarello.
J’aime beaucoup les éditions Le Port a jauni, maison d’édition indépendante marseillaise qui propose de la poésie bilingue en arabe et en français ainsi que des albums pour la jeunesse. Jusqu’à présent j’avais surtout craqué sur de la poésie et, à l’occasion du mois libanais organisé par la page Instagram @autricesdumonde, j’ai souhaité découvrir cet album qui parle aux plus jeunes (et aux moins jeunes) du handicap, de l’amitié et du fait de trouver sa place dans le monde.
Quatrième de couverture : « Elle et les autres est un livre à plusieurs voix : deux narratrices, deux chapitres pour la découverte d’un univers scolaire, métaphore du monde. C’est une histoire sur l’image de l’autre et la délicate appréhension d’autrui, sur la différence avec en filigrane, le handicap physique. »
En faisant mes recherches préliminaires pour préparer le challenge #autricesdumonde je me suis imposé des priorités pour ne pas partir dans tous les sens : trouver des livres peu visibles actuellement et écrits par des autrices qui vivent au Liban. J’ai été forcée de constater que trouver des livres répondant à ces priorités a drastiquement réduit le choix : beaucoup d’auteurs libanais sont traduits pour assez peu de d’autrices. Ne connaissant pas la vie littéraire libanaise, j’ignore s’il y a beaucoup plus d’auteurs publiés que d’autrices également dans le pays. La question reste en suspens mais je suis malgré tout très contente de ma sélection.
Ce recueil de deux petits textes pour deux regards est écrit par Nahla Ghandour et est illustré par Jana Traboulsi, toutes deux libanaises. Comment ne pas le découvrir dans le cadre du challenge ? Impossible.
Nadia est nouvelle dans sa classe. Une de ses camarades – qui raconte – la regarde sans cesse, ne peut pas s’en empêcher. Peu à peu, nous découvrons que Nadia a un handicap physique. Surprenant le regard de sa camarade, Nadia va aller à sa rencontre. Un pas courageux qui va faire naître une amitié. Un texte plein de douceur sur la force de la rencontre, de la déconstruction des distances liées à l’inconnu.
Dans le second texte Nadia devient la narratrice et parle des rangs d’élèves au moment d’aller en classe. Avec la clef qui est à la place de l’une de ses jambes elle réalise qu’elle ne peut pas marcher à la même vitesse que ses camarades. Elle va alors s’interroger sur la façon d’adapter son rythme à celui du monde qui l’entoure. Ce texte m’a serré le coeur et j’aurais aimé que le monde alentour s’adapte aussi à la marche de Nadia. Mais l’idée est de chercher et de trouver son rythme, sa place. Qui que nous soyons, nous en avons une.
Un album aux messages forts que je vais offrir à mes neveux et nièces (la famille s’est recomposée et agrandie, j’ai maintenant cinq pitchounes à gâter). J’ai un peu regretté de ne pas avoir un format bilingue car j’y étais habituée avec cette maison mais il y a quelques mots en arabe qui accompagnent les illustrations et il se lit de droite à gauche. C’est aussi important pour moi de sensibiliser les enfants à cette graphie et à cette langue du fait des paroles discriminantes que l’on peut entendre au quotidien (pour le dire calmement).
Je vais continuer à découvrir cette belle maison, à vous en parler un peu plus aussi. N’hésitez pas à aller voir leur catalogue, je suis sûre qu’au moins un livre vous fera envie !
Parler du vieillissement de proches aux enfants, de maladies qui y sont liées (et qui parfois apparaîssent tôt) n’est pas toujours évident. C’est pourtant un sujet important afin que le lien ne se rompe pas face à ce qu’ils pourraient avoir du mal à comprendre : une personne qui change petit à petit de façon irrémédiable. Afin que les enfants n’en souffrent pas trop non plus même si la tristesse ne peut être absente.
Quatrième de couverture : « Bout-de-Chou adore son papy : il connait le nom des 123 fleurs qui poussent dans sa véranda ! Avec lui et mamie Gerda, Bout-de-Chou fait des puzzles, joue aux mots croisés, hume l’odeur du café… Mais un jour, papy Kay perd ses mots. Alors Bout-de-Chou les ramasse et les garde précieusement dans une boîte…
Une partie des recettes est reversée à l’association France Alzheimer. »
Betina Birkjaer et Anna Margrethe Kjaergaard parlent aux plus jeunes de la maladie d’Alzheimer avec une profonde douceur, tant dans les illustrations que dans la façon de réprésenter la mémoire qui se vide de ses mots. En effet, alors que papy Kay connaissait tous les noms de ses très nombreuses fleurs et des milliers d’autres mots, il semble avoir un peu de mal à les trouver jour après jour.
Sur le sol Bout-de-Chou découvre les mots que son papy a perdus, chaque jour plus nombreux. De l’impression de quelques étourderies à la prise de conscience de la maladie, mamie Gerda et Bout-de-Chou vont accompagner papy Kay avec bienveillance même si le quotidien est loin d’être facile.
Les mots trouveront un nouveau refuge et papy Kay sera entouré avec compréhension. Plus tout à fait le même, mais quand même lui.
C’est beau, c’est doux, c’est plein d’amour. Les autrices sont là pour dire que ce ne sera pas facile, que ce sera aussi un peu triste mais qu’avec de l’amour et en profitant des moments présents, ça ira.
Une étoile parle aux enfants. Une étoile qui fut placée de force sur les poitrines (et parfois au bras ou encore dans le dos) de millions d’hommes, de femmes, d’enfants. Une humiliation qui visait à rendre la population juive visible, immédiatement repérable dans la vie de tous les jours, plus facile à écarter, discriminer, persécuter.
Quatrième de couverture : « Ma mère était ciseaux, mon père toile légère.
Ainsi parle l’Étoile jaune jadis cousue à la place du cœur au revers des vestes des juifs persécutés au cours de la Seconde Guerre mondiale. Elle témoigne des horreurs de la Shoah et nous raconte l’histoire de dix destins parmi des millions d’autres – un enfant, un rabbin, une professeure, un libraire, un pauvre, un vieux, un innocent, un fou, une violoniste, une fillette – enlevés, persécutés, maltraités, jetés dans les trains nazis vers les camps de la honte.
Aujourd’hui la petite étoile brille encore et témoigne au firmament de la mémoire. »
L’étoile jaune est l’un des symboles les plus utilisés dans la littérature de la Shoah pour la jeunesse, ici elle va donner voix à dix personnes qui ont dû la porter. Ces portraits témoignent chacun d’un aspect des persécutions et de l’idéologie antisémite à l’œuvre durant la Seconde Guerre mondiale : du processus raciste et discriminatoire au processus génocidaire.
Après l’introduction du récit, chaque portrait s’ouvre sur une double page colorée puis la tragédie individuelle et collective est évoquée dans des palettes de couleurs amplement plus sombres et par un court texte qui dit l’angoisse, la discrimination, l’injustice, la violence, la déportation, l’assassinat des êtres.
Réalisé dans une forme intéressante, je souligne le travail réalisé à partir de photographies d’archives. Il y a une réelle émotion dans le fait de reconnaître certaines photographies d’archives retravaillées, d’en découvrir d’autres, car les documents deviennent témoins et parfois seules preuves de l’existence de vies par la suite détruites. Sur cet aspect, j’aurais aimé que les références des photographies qui ont inspirée Vittoria Facchini soient mentionnées pour des questions documentaires et pour permettre de les retrouver, pourquoi pas dans le cadre d’un travail scolaire par exemple.
Le découpage d’une étoile qui traverse toutes les pages de l’album crée un effet de présence/absence en même temps que de déchirure indélébile. Les illustrations rappellent les dessins sur calque que l’on réalise durant l’enfance. Des crayonnés font également penser à des gestes enfantins : incertains, parfois malhabiles et en même temps profondément impliqués.
J’ai cependant eu un embêtement avec l’emploi de certains mots que j’ai parfois trouvés inadaptés pour le public visé, de phrases pouvant être à double tranchant (j’ai une réserve concernant La violoniste, dans le texte et l’image). Je pense également qu’il peut y avoir un choc avec La fillette dont la dernière illustration est sûrement celle qui demandera une vigilance particulière quant à l’âge de lecture ou la sensibilité de l’enfant (personnellement, je n’adhère pas à ce choix de représentation). La représentation de l’intérieur des camps et l’évocation des chambres à gaz dans la littérature pour la jeunesse, particulièrement sous la forme d’un album illustré, est un aspect du livre à prendre en considération dans le fait de proposer – ou non – ce livre.
Autre maladresse, à mon sens : chaque portrait est lié à un terme qui caractérise la personne (vous pouvez les retrouver dans le résumé ci-avant). Tout de suite l’un d’eux m’interroge : l’innocent. Utilisé dans le sens d’ignorant et/ou naïf, il m’a fait un drôle d’effet par rapport aux neuf autres portraits du livre : ne sont-ils pas innocents aussi, dans le sens non-coupables ? La petite fille, n’est-elle pas aussi innocente et naïve comme le veut son âge ? Je suis peut-être pénible, mais la Shoah est un sujet qui appelle à peser les mots, d’autant plus à l’adresse d’un jeune public.
Cet album est conseillé par les éditions Gallimard Jeunesse à partir de 9 ans (je trouve que c’est encore un peu jeune) et demandera un accompagnement, au moins pour les premières lectures. Pour ma part, si j’ai apprécié certains aspects du livre, la démarche des auteurs et une grande partie des textes, je ne suis pas certaine de le conseiller à toute personne souhaitant aborder la Shoah avec un enfant. A mes yeux, il n’est pas adapté comme premier livre à faire découvrir sur le sujet. Il pourra éventuellement intéresser des enseignants•es et médiateurs•ices culturels qui travaillent sur le sujet afin d’élaborer un travail mémoriel à partir de photographies d’archives à destination de jeunes publics (et même adolescents).
Nous nous retrouvons pour un nouveau mercredi des petits ! Aujourd’hui il sera question de pollution et de son impact sur la nature et les animaux. Lee Myung-ae n’a pas besoin de beaucoup de mots pour transmettre un message fort, porté par des illustrations captivantes et émouvantes.
Présentation de l’éditeur : « J’habite une petite île qui flotte au beau milieu de la mer. Cette île où j’habite est remplie de petites choses de toutes les couleurs. Ces choses se déversent petit à petit dans la mer en suivant les fleuves, ou bien elles arrivent en grand nombre, portées par les puissantes vagues des tempêtes ou des raz de marée…
Sur mon îletraite avec poésie de l’existence du continent plastique et de ses impacts sur la vie et la survie de la faune des océans.
Le continent plastique, c’est 80 000 tonnes de déchets, à perte de vue. Une gigantesque décharge qui flotte dans le Pacifique.
Un véritable sujet politique relayé, entre autres, par National Geographic, l’association WWF et d’autres médias.
Un album fort, dont la narration met en avant la voix de l’animal et dont les illustrations poétiques et singulières font apparaître la couleur au fur et à mesure de la lecture. »
Il est question d’une île constituée du plastique des humains. Ce plastique – ces petites choses pleines de couleurs – sont jetées dans la nature et suivent les cours d’eau ou sont emportées par les intempéries. Petit à petit, le plastique envahit les océans jusqu’à ce que l’inimaginable devienne réel : que les déchets prennent peu à peu la taille d’un continent.
Partant d’un espace humain et se déplaçant vers une île de plastique habitée par des animaux, l’autrice avance doucement vers un constat grave : les animaux se coincent dans les déchets et en avalent, les poissons sont moins nombreux et, malgré l’intervention d’organisations écologistes, le plastique ne cesse de s’agréger à l’île.
Les enfants sont sensibles aux injustices, ils ont une logique forte de leur candeur qui leur fait percevoir immédiatement certaines bêtises des adultes et je suis persuadée que cet album les touchera au coeur. Il n’est pas choquant mais pour parler de ce sujet il faut quand même montrer certaines choses et Lee Myung-ae le fait en douceur, petit à petit. Elle ne cache pour autant pas le drame qui se joue et j’ai aussi apprécié cette franchise que l’on doit aux enfants. Enfin, j’ai été touchée par le fait que l’histoire est racontée du point de vue d’un macareux moine et non d’un humain.
C’est un très bel album engagé pour qui souhaite aborder avec de jeunes lecteurs•trices la question de l’écologie et de l’impact de la vie quotidienne humaine sur le monde. Je le mets directement dans la pile des livres que je vais offrir, sans aucune hésitation.
Nous nous retrouvons pour un mecredi des petits au coeur du Challenge coréen ! Parce qu’il n’y a pas de raison que tous les âges ne s’y retrouvent pas ! Au programme : un matou qui n’a pas l’air très doux, des oeufs délicieux et un poussin câlin !
Quatrième de couverture : « Lors d’une visite au poulailler, un gros matou peu recommandable vole un œuf, le gobe tout rond… et donne naissance à un poussin tout penaud. Ces deux là n’ont rien en commun et pourtant il ne se quitteront plus. Le petit lecteur comprendra que le plus important c’est de se sentir bien dans une famille, quelle qu’elle soit !
Une histoire sur l’amour tout court, portée par l’originalité de ses personnages et la force de leurs sentiments. »
Dès le début, ce prédateur d’oeufs de poules qu’est Chat Chelou a un aspect aussi inquiétant qu’amusant. Dans des illustrations sobres mais expressives, Baek Heena installe une ambiance singulière qui se partage en trois temps : méfiance, humour et tendresse.
Je m’attendais à une construction plus appuyée de la relation d’amour entre le chat et son poussin, l’histoire se déroule finalement très vite (en même temps, nous sommes sur un album de 40 pages) et j’aurais aimé quelques pages de plus pour pleinement apprécier cette jolie histoire.
Toujours est-il qu’il exprime de façon originale la force de l’amour, quelles que soient les différences entre les êtres. Il peut naître en toute situation, même la plus improbable, et il a le pouvoir de tous nous transformer.
Les enfants pourront rire à gorge déployée avec ce matou mal léché, notamment avec des allusions à la grosse commission (je m’inquiète sérieusement, à 30 ans, d’en être toujours à ce stade dans mon humour) avant de s’émouvoir devant le petit poussin qui aura hérité du pelage de sa maman-matou. Et puis, un poussin, c’est quand même sacrément mignon !
Je testerai cette lecture auprès de jeunes lecteurs•trices au cours de l’année. Cette chronique sera donc peut-être amenée à être enrichie dans les prochains mois.
Nous nous retrouvons en ce jour des petits avec ces deux magnifiques albums cartonnés aux couleurs acidulées et à la poésie qui fera fondre de nombreux coeurs. Ils s’inscrivent dans la série Promesses, qui comprend aujourd’hui quatre titres (je n’ai pas encore eu le plaisir de découvrir les deux premiers mais, souhaitant les offrir, ce sera fait dans l’année).
De jolies pages découpées, des illustrations tendres et amusantes, des couleurs vives et douces à la fois, des textes qui font du bien aux petits qui écoutent et regardent comme aux grands qui les lisent : ces deux albums m’ont fait rire autant qu’ils m’ont émue.
Se basant sur des anecdotes réalistes, sur des attitudes et réactions enfantines, Christine Roussey met des couleurs, de la poésie et de la bienveillance dans les situations du quotidien. Au-delà de ces anecdotes, l’auteure met des mots sur ce qui est invisible aux yeux, ce qui n’est ni palpable ni quantifiable : l’amour indéfectible.
A un âge où l’enfant peut être souvent demandeur, en recherche de preuves, dans le besoin d’être rassuré quant à une certaine sécurité émotionnelle, cette série de petits livres peut être tout à fait adaptée. Je pense notamment à des petit•e•s qui deviennent grandes soeurs ou grands frères, qui perdent tout à coup leur place d’enfant unique, qui vont devoir accepter de partager l’attention et qui vont avoir besoin d’être rassurés sur l’amour qu’on leur porte.
Autre point positif que j’ai apprécié : les messages sont à la première personne, ainsi la tendresse n’est pas associée à une personne en particulier ou à un genre, chaque personne le lisant sera porteuse des messages (sauf à quelques toutes petites exceptions près).
Ce sont de très belles promesses qui sont réunies dans ces albums, pour des pitchounes qui ont entre 18 mois et 4 ans (et même plus selon la sensibilité de chacun•e).
Et vous, quelle•s série•s d’albums pour les petits fait fondre votre coeur ?
Nous nous retrouvons pour un nouveau jour des petits avec un album qui accompagnera des enfants qui, malheureusement, doivent faire face à un deuil particulièrement difficile à comprendre et à accepter. Il y a des albums sur la perte d’un proche, de vieillesse, de maladie ; il y a des albums qui parlent de proches qui s’en vont et dont on peut garder des souvenirs. Je n’avais encore jamais lu d’album sur la perte d’un petit être que l’on n’a pas eu le bonheur de rencontrer, mais qu’on aimait déjà. Sur le deuil périnatal.
Présentation de l’éditeur : « Un jeune enfant trépigne d’impatience : il aura bientôt un petit frère ou une petite soeur. C’est avec un enthousiasme débordant qu’il aide sa famille à tout préparer pour le grand jour. Seulement, rien ne se déroule comme prévu… Au retour de l’hôpital, ses parents ont les mains vides et le coeur rempli de tristesse. Le bébé tant attendu est mort à la naissance. »
En commençant cet album je ne me doutais pas du tout de son sujet (la quatrième de couverture n’est pas aussi parlante que la présentation de l’éditeur ci-avant), autant vous dire que retenir mes larmes en public a été un exercice difficile. Je ne dévoile que très rarement les contenus des livres que je chronique mais dans le cas présent il me semble important de le faire afin de pouvoir le proposer en connaissance de cause aux enfants qui en auraient besoin.
Cet album me semble essentiel pour aider des petits à surmonter cette épreuve, ce deuil très particulier, pour accepter ce qui n’est pas juste, ce qui est rare mais arrive parfois, pour vivre leur chagrin et montrer qu’ils peuvent garder en eux, dans leur mémoire et dans leur coeur, ce bébé qu’ils ne connaîtront jamais. L’histoire montre aussi l’importance du temps, pour les adultes comme pour les enfants, avant d’aller mieux.
Un album nécessaire sur un sujet difficile à aborder avec les plus jeunes (à partir de 5 ans), pour les accompagner dans le deuil tout en leur permettant de parler avec les grands afin d’extérioriser certaines questions et certaines émotions, ainsi que pour ne pas se sentir seul•e•s face à la tristesse. Il peut être aussi adapté, je pense, pour parler de la perte d’un bébé en cours de grossesse.
Information complémentaire : une partie du prix de vente de ce livre sera reversée à l’organisme Parents orphelins.
Nous nous retrouvons ce mercredi pour une chronique jeunesse ! Un nouveau jour des petits – que j’espère pérenniser – qui vient avec un très bel album qui créera un beau moment de lecture pour les petits et les grands. Plein de bienveillance, Christian Robinson propose un texte et des illustrations qui communiqueront confiance et valorisation à celles et ceux qui n’entendent pas assez qu’ils•elles comptent, qu’ils•elles sont importantes.
Quatrième de couverture : « Qui que tu sois, le plus minuscule des petits êtres ou le plus grand, toi aussi, tu comptes. »
Dès la couverture, comment ne pas être attiré•e par cette petite fille qui regarde dans un microscope ? Une illustration qui n’a rien d’anodin et qui en dit long sur les intentions de l’auteur.
Avec une attention portée à la fois aux personnes, au monde et à toutes les petites créatures qui le peuplent, l’auteur nous invite à nous interroger sur ce qui fait la vie et sa valeur. Là où on nous incite à la performance, à la réussite via des principes de compétition, Christian Robinson rappelle que tu ne comptes pas uniquement pour tes succès et tes victoires mais pour tout ce que tu es : peut-être parfois plus lent que les autres, parfois à contre-courant, parfois agaçant, parfois isolé, parfois vulnérable, parfois perdu. Toi aussi, tu comptes.
Un message essentiel pour accompagner l’enfant dans sa construction, le rassurer alors qu’il se confronte chaque jour un peu plus à un monde qui peut faire peur, qui peut invisibiliser dans un paradoxe de surreprésentation individuelle. Il fait également voyager nos yeux et nos pensées dans les minuscules éléments qui composent notre planète, attirant notre attention sur le fait qu’elles aussi, elles comptent. Un souci pour l’environnement à protéger et à aimer, du plus petit organisme à la planète entière, dont l’humanité fait partie.
Ce très bel album me donne envie de découvrir sans tarder Terminus (Éditions des Éléphants, 2016), pour lequel Christian Robinson a mis en images le texte de Matt de la Peña.
Nous sommes mercredi, jour des petits et donc chronique d’album pour la jeunesse ! Avec La robe de Fatou les enfants vont pouvoir réfléchir sur les discriminations physiques et les moqueries liées, un vaste sujet toujours d’actualité et qui peut profondément blesser durant l’enfance, âge au cours duquel l’estime de soi trouve ses fondations.
Quatrième de couverture : « CHEVAL EN PYJAMA ! C’est ce que Rémi a crié ce matin, à l’école, quand il s’est fâché contre Fatou. La petite zébrelle est très triste. Pour la première fois, elle se sent différente des autres. Pourquoi est-elle la seule à avoir des rayures ? »
Qui n’a jamais été confronté à des moqueries au cours de l’enfance ? Peu de personnes je pense. Les enfants ne réalisent pas toujours la portée de leurs mots, ceux-ci parfois motivés par des émotions qui ne sont pas toujours simples à gérer : la frustration, la colère, la jalousie, l’envie, la culpabilité… Quand Fatou fait les frais d’un camarade mauvais perdant qui se moque de sa robe zébrée, les conséquences sur son amour-propre sont bien réelles. Elle réalise que tous ses camarades ont une robe unie mais pas elle. Le sentiment de différence fait mal quand il est ainsi pointé du doigt, mais qu’est-ce qu’une différence au juste ? Et Fatou, d’où lui viennent ses zébrures et leurs motifs ?
En plus de désamorcer les blessures liées aux moqueries, cet album a la qualité de montrer la richesse de la diversité, des différences et des petites choses qui, chez chacun de nous, témoignent de notre héritage personnel tout en modelant notre singularité. Personnellement, je cherche toujours d’où viennent mes dents du bonheur, mais j’ai appris à les aimer pour cette petite surprise qu’elles réservent aux autres quand je leur souris pour la première fois.
Cet album rappelle aussi à l’enfant que les adultes (parents ou proches) sont là pour rassurer et qu’il ne faut pas hésiter à parler de ce qui les rend tristes, qu’il ne faut pas rester seuls avec leur tristesse et leur incompréhension.
Entre une histoire intelligente et des illustrations très expressives au top de la mignonitude, ce très bel album saura rassurer et donner confiance en soi aux petits, leur permettra de mettre à distance certaines remarques tout en évoquant en miroir le respect de l’autre et sera également l’occasion d’échanger avec les grands. Je suis conquise !
Depuis sa parution je louche sur ce livre à mi-chemin entre album jeunesse et roman graphique jeune public. Je suis très sensible aux livres qui abordent les enfances blessées et les mauvais traitements dont sont victimes les enfants et mineur•e•s, c’est donc sans surprise que je me suis tournée vers ce titre.
Quatrième de couverture : « A une époque où les professeurs ont le droit de lever la main sur les élèves, le quotidien d’Élise ressemble à celui de n’importe quelle petite fille. Enfin presque… »
Intégralement réalisé en noir et blanc, conçu à partir des souvenirs de la grand-mère de l’auteur, nous faisons un saut dans le temps, à la fin des années 1940, alors que le respect physique des enfants n’était pas encore inscrit dans les textes. Le quotidien n’est pas toujours simple, chaque jour une angoisse la poursuit : les brimades dont elle est victime, avec ses camarades, à l’école.
L’institutrice d’Élise a des méthodes qui n’ont rien de pédagogiques mais tout de sadiques. D’humiliations en coups, Élise va essayer d’ouvrir les yeux de ses parents sur ce qui se passe entre les quatre murs de la classe. Mais comment faire porter une voix d’enfant face à celle des adultes ?
Heureusement, Élise peut compter sur son chien et ses autres animaux, avec lesquels elle a un lien très fort, pour panser ses journées. Mais beaucoup de choses vont se passer en peu de temps et Élise va à la fois se rendre compte de ce dont elle est capable et grandir.
Cet album jeunesse propose une immersion dans le monde de la bande dessinée pour les jeunes lecteurs•trices et la sensibilisation de ces mêmes jeunes aux injustices du quotidien, à la possibilité de les affronter et de changer les choses. Un bel hommage de l’auteur à l’enfance parfois maltraitée de sa grand-mère, qui montre aux enfants ce que l’école a pu être par le passé et qui transmet le sens de l’indignation et de la résistance.
Cela faisait longtemps que je n’avais pas chroniqué d’album jeunesse et le challenge coréen de Cristie m’en a redonné l’occasion. Cette oeuvre de Cho Won-hee est purement percutante et montre – presque sans texte – la brutalité et la barbarie du braconnage et des trafics liés.
Quatrième de couverture : « Cet album choc, couronné au festival de Bologne 2017, dénonce la violence faite aux animaux en prenant un parti pris très radical : ici ce sont les éléphants qui chassent les hommes, pour extirper de leurs bouches les dents dont l’ivoire viendra garnir les étals de commerces de luxe…
Présenté comme le cauchemar d’un enfant, ces grandes gouaches muettes, aux cadrages saisissants, tendent un terrible miroir à notre humanité. »
Je milite pour une littérature jeunesse qui dit les choses avec sincérité et qui prend les enfants au sérieux. Cet album le fait et montre, inversant les rôles, des éléphants armés et humanisés, chasser un enfant pour lui prendre ses dents. L’échange des positions entre chasseurs et proies est extrêmement efficace, les illustrations fortes et puissantes. J’ai moi-même été remuée par certaines planches.
L’histoire est simple mais sa force réside dans le sentiment qu’elle nous laisse et l’invitation qu’elle adresse à chaque lecteur : raconter le cauchemar du garçon, parler. Alors je vais l’amener à mes neveux cet été afin de pouvoir avoir leurs retours et ainsi compléter cette chronique qui manque de regards d’enfants, le public cible. Je peux cependant conseiller d’accompagner l’enfant à la première lecture de cet album qui soulèvera, je n’en doute pas, de nombreuses questions et des moments d’échanges. Quand la littérature sensibilise en même temps qu’elle se fait opportunité de partages qui font grandir les grands et les petits.
Une découverte très marquante dont chaque double page laisse une trace dans les esprits, pour ajourd’hui et demain.
J’attendais avec impatience la parution de cet album jeunesse car je connais la délicatesse de Gilles Baum et j’avais envie de la découvrir illustrée par Amandine Piu, toute aussi touchante dans ses traits et ses couleurs. Une réussite pour les petites lectrices et les petits lecteurs, mais aussi pour les grands qui en tourneront les pages pour l’histoire du soir (mais pas que).
Quatrième de couverture : « Mémé est énorme et elle n’est pas commode. Quand je vais chez elle, je traîne des pieds. Aujourd’hui elle a décidé d’enlever les roulettes de mon vélo. Quand, enfin, je fais un premier tour sans tomber, mémé a les larmes aux yeux. Alors, je comprends tout… »
Nous découvrons une petite fille un peu intimidée par sa mémé qui n’est pas la plus chaleureuse des mémés. Mais que se cache derrière cette rigidité qui fait parfois peur à la petite fille ?
Le jour est venu d’enlever les petites roues au vélo de la petite fille. Nos souvenirs (frais ou moins frais) remontent : la peur, la recherche d’équilibre et les chutes. Si ça peut vous rassurer, je suis toujours à la limite de la chute quand je monte sur cet engin. Mais, finalement, le vélo fini par tenir sur ses deux roues. Et, alors, mémé n’est plus si dure, elle est même émue aux larmes. Et à bien y réfléchir, on ne l’a jamais vue sur un vélo, mémé…
Deux histoires, deux générations éloignées mais proches dans un moment d’apprentissage symbolique de l’enfance. La détermination d’une grand-mère et l’amour d’une petite fille qui saura redonner le sourire à son aïeule créant ainsi une complicité.
Voilà ce que nous propose cet album, qui nous rappelle aussi que faire du vélo, pour les femmes, peut aussi être synonyme de lutte pour ses droits. Cette liberté d’aller et venir, de sentir le vent sur ses joues et de disposer de son corps dans l’espace public.
Un très bel album tout en douceur (d’une toute aussi belle maison d’édition lyonnaise) qui confie qu’il n’y a pas d’âge pour réaliser ses rêves et qu’il ne faut pas avoir peur de se lancer vers l’inconnu. Tu peux le faire.
Une des choses qui me définissent est que j’adore les lapins et tout ce qui a un petit museau hyperactif, de grandes oreilles et un petit pompon en guise de queue. C’est un peu mon animal totem (non, ne prenez pas peur). Donc quand j’ai croisé cet album je n’ai pas pu résister, j’ai pris appui sur mes pattes arrières et j’ai sauté dessus, avec une grâce (contestable) qui m’est propre.
Quatrième de couverture : « Adopté par une garenne de lapins à la mort de sa mère, un jeune lièvre grandit entouré d’affection mais avec des envies de liberté. Lorsqu’il croise le chemin d’un de ses congénères, il se laisse facilement convaincre de partir à l’aventure. Mais une fois cernés par les loups, parviendront-ils à se tirer de ce mauvais pas ? Pas tout seuls… »
J’ai déjà eu l’occasion de dire que les albums pour la jeunesse peuvent aussi s’adresser aux adultes et ça a été le cas de celui-ci car son message dépasse clairement les âges. Il est question du respect des besoins de l’autre et du fait que l’on projette parfois sur les personnes qui nous entourent des attentes et des réactions similaires aux nôtres, sans prendre conscience que ce qui nous convient ne leur convient pas toujours.
Bien entendu, ce n’est pas fait avec malveillance, mais on peut vite aborder le monde et les relations aux autres par notre unique prisme personnel et cet album nous invite à nous questionner sur ce dont les autres ont besoin et l’acceptation de ceux-ci, que nous les comprenions ou pas. C’est la sincérité des sentiments qui prône sur le fait de tout partager ou de tout comprendre.
Un message plein d’amour qui, je pense, saura trouver un écho auprès des plus jeunes mais aussi de toute la famille. En tout cas, j’ai reçu son message en pleine poire et il m’a fait réfléchir un bon moment. Le petit plus à cet album déjà magnifique dans son texte : des illustrations à couper le souffle, comme si nous aussi, aux côtés du beau lièvre, nous filions aussi vite que le vent.
Voilà un album qui n’a pas manqué de retenir mon attention avec sa couverture magnifiquement énigmatique. Et je dois dire qu’à sa lecture je me suis pris une jolie claque. Le propos est assez inattendu pour un album à l’attention de la jeunesse et en même temps, il parle de la condition parfois inhumaine du travail, de l’image que les autres nous renvoient de nous-même. Et tout cela, avec des illustrations à couper le souffle : gros coup de cœur graphique !
Quatrième de couverture : « Cigale travailler dans grand bâtiment. Employé saisie données. Dix-sept ans. Zéro maladie. Zéro faute. Dix-sept ans… Zéro promotion. Ressources humaines dire cigale pas humain. Pas besoin argent. Dix-sept ans. Cigale partir retraite. Zéro fête. Zéro merci. Patron ordonner nettoyer bureau. Cigale raconter histoire. Histoire bonne. Histoire simple. Même humain comprendre histoire. Tik Tik Tik ! »
Cigale est une cigale – il n’a pas d’autre nom – et on le lui rappelle assez lorsqu’il demande des droits légitimes. Mais quel besoin à une cigale si on la compare à un humain ? Pour le patron, aucun. Sur fond de discrimination, l’auteur nous parle de dévalorisation institutionnelle, d’exploitation, de déshumanisation du salarié. Même travail que ses collègues, si ce n’est plus, mais aucune considération. Car il semblerait que les statuts soient différents. Pourquoi donc ? Là est bien la question.
Les pages se tournent et sont assez difficiles. Il est question de maltraitance au travail, d’une vie de labeur au profit de personnes désignées comme supérieures, de harcèlement, de violences de la part des collègues, de brimades. Le logement insalubre, illégal, qu’occupe Cigale nous amène indéniablement à penser aux travailleurs invisibles, aux esclaves modernes que notre société feint de ne pas voir. Mais Cigale part à la retraite, enfin, après dix-sept ans de service. Le départ glace le sang, sur le bord du toit de l’entreprise. Finalement la cigale quitte l’apparence que l’on veut bien lui donner et, plus belle que jamais, prend son envol pour retourner dans sa forêt, de là où l’on se moque des humains et de leur folie.
Un album qui sensibilise sur la maltraitance où qu’elle soit, car les brimades et les discriminations ont malheureusement aussi leur place à l’école. J’irais bien, moi aussi, dans la forêt des cigales, rire un peu, rire beaucoup, en réponse à l’orgueil des petits humains saouls de petits pouvoirs. Un livre qui ose parler d’un sujet rarement abordé auprès des plus jeunes, qui confirme que l’on peut parler de tout aux enfants, en sachant choisir les bons mots et en sachant aussi où commencer et où s’arrêter. Chaque chose en son temps ne signifie pas ne rien dire. Protéger et éduquer ne signifie pas taire les choses douloureuses de notre monde étrange.
Cependant, parce que je suis un peu pénible, je regrette la façon dont l’auteur fait parler Cigale, on comprend ce que ça signifie mais je trouve ce procédé un peu maladroit. Et je dois reconnaître que je ne sais pas, personnellement, si j’arriverais à répondre aux questions des enfants face à ce livre. Je le garde en mémoire car il m’a secouée, mais il demande à être confronté au terrain, à décanter peut-être un peu plus dans ma tête aussi. En attendant, pour préciser mon avis sur le travail de l’auteur, je vais craquer sur Là où vont nos pères, sur lequel je louche depuis des mois.
Nous nous retrouvons aujourd’hui pour une nouvelle chronique dédiée à la rentrée littéraire des plus jeunes avec le nouvel album signé Barroux. Un livre à côté duquel je serais difficilement passée et qui donne aussi de la suite au mois thématique que j’avais consacré à cet auteur-illustrateur de talent.
Quatrième de couverture : « Il y a des cadeaux d’anniversaire qui dépassent tous les autres, des cadeaux extraordinaires qui rendent la vie plus belle. Denise en fait partie. Il va falloir s’occuper d’elle tous les jours. Avec amour.
Avec un pop-up final impressionnant et surprenant pour une chute mémorable ! »
Un petit garçon fête son anniversaire et reçoit en cadeau une magnifique plante verte. Malgré sa joie, il ne cesse de demander aux personnes autour de lui de s’en occuper car il a toujours quelque chose d’autre à faire ailleurs. Et, étrangement, chacun des protagonistes disparaît… Jusqu’à ce que…
Eh oui, Denise est magnifiquement verte mais aussi magnifiquement gourmande et, de ne pas en prendre soin, elle va chercher ce dont elle a besoin où elle peut. Une façon de rappeler que l’on doit prendre soin de ce que nous avons – ce qui demande aussi de prendre du temps pour le faire – mais aussi de demander et de dire les choses plutôt que de manger tout le monde (ou de faire des bêtises). La fin de l’histoire est embellie par un pop-up impressionnant qui fait sacrément son effet, nul doute qu’il saura surprendre les petits et les grands (personnellement j’avais les yeux ouverts au maximum). Une très jolie nouveauté colorée et amusante que j’ai hâte de faire découvrir au plus jeune de mes adoramonstres, qui n’est pas le dernier à courir au potager.