« Battue » de Lilian Coquillaud et Marine Levéel (6 pieds sous terre, 2020)

D’un magnifique très grand format, ce roman graphique explore un sujet très intéressant : l’embrigadement dans un obscur groupuscule et la tentative d’enquête sur celui-ci, pour lever le masque porté par une organisation qui flirte avec les limites en public mais les dépasse probablament dès lors qu’il ne peut y avoir de preuves.

Présentation de l’éditeur : « Alors qu’elle mène une nouvelle vie, loin de sa contrée natale et de ses racines, Camille reçoit la visite d’Hassan, un ami d’enfance devenu journaliste. Des retrouvailles amères qui font ressurgir un passé qu’elle avait chassé depuis longtemps.

Hassan cherche à infiltrer la Grande Battue, chasse exclusive menée une fois l’an dans les montagnes de leur région par les Blanchistes, un groupuscule d’influence néo-païenne et réputé proche de l’extrême-droite. il voudrait mettre au jour ce mouvement et son idéologie, persuadé depuis toujours que cette chasse cache les complots ou les exactions qui permettraient de les dissoudre. Camille, fille repentie d’un Blanchiste, pourrait l’aider dans sa mission. Très froide, la jeune femme prend rapidement congé de son vieil ami : elle ne veut plus se pencher sur cette part de son histoire. Les hasards de la vie, avec la mort de son père, figure tutélaire de ce mouvement, se chargeront de brouiller ses plans et la feront replonger dans ce passé haï qu’elle avait fui enfant, grâce à sa mère. »

Alors que Camille a mis des années à se libérer de son passé et que la mort de son père l’y ramène en pensées, Hassan, un ami d’enfance, revient dans sa vie. Il est journaliste et enquête sur les Blanchistes, groupuscule présumé d’extrême droite dont le père de Camille était jusqu’alors le meneur. Son idée : faire re-rentrer la jeune femme dans ce milieu à l’occasion de la Grande battue annuelle afin d’obtenir des informations que seules les personnes admises possèdent. Des informations qui pourraient faire tomber l’organisation, en dévoilant ses vraies motivations. Une rencontre quelque peu intéressée mais qui repose sur une complicité perdue qui a comptée et sur l’envie de mettre un terme à l’impact de démons personnels.

Camille va s’engager dans cette Grand battue et c’est à travers elle que nous allons découvrir l’organisation des Blanchistes et leur mode opératoire, leur habile mode de séduction utilisant la nature et son pouvoir exaltant, les frustrations personnelles et le manque de valorisation individuelle, le pouvoir du groupe et l’orgueil de chacun, la construction d’une fierté territoriale et le besoin de compter au regard des autres et de l’histoire.

Sous-couvert de principes qui semblent ne pas être problématiques, le cheminement à tavers les forêts et les montagnes va peu à peu dévoiler une perversité que je vous laisse découvrir. Ce récit ne sera pas sans rappeler, à la fin, certains groupes existants en France (pourtant moins discrets) et qui échappent globalement à la justice malgré la violence de leurs démarches et des finalités de celles-ci.

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Et vous, quelles oeuvres dénonçant des idées extrêmistes recommandez-vous ?

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« Formica » de Fabcaro (6 Pieds Sous Terre, 2019) #RLBD2019

La rentrée littéraire concerne aussi la bande-dessinée et les romans graphiques alors je ne peux résister à vous faire partager certaines de mes dernières lectures en la matière. Nous commençons avec le nouveau méfait de Fabcaro, qui était très attendu et sur lequel j’ai sauté sans la moindre hésitation. Il faut dire que le menu avait de quoi nous faire saliver.


Quatrième de couverture : « C’est dimanche, c’est le jour du repas en famille, tout le monde est ravi de se retrouver ensemble autour de la table. Alors que tout est prévu pour faire de ce rendez-vous un moment d’amour et de partage surgit tout à coup la question à laquelle personne n’avait pensé : De quoi on pourrait parler ? Formica est construit comme une pièce de théâtre, avec une unité de lieu et de temps, et découpé en trois actes. Tragique. Mais pas que… »


C’est devenu automatique, dès que la sortie d’un nouveau Fabcaro est annoncée, je suis sur le qui-vive. Bon, je suis moins sérieuse concernant les chroniques, il y en a plusieurs qui sont passées à la trappe, je dois vous l’avouer. Mais toujours est-il que depuis des mois j’attends cette parution. Alors quand le moment de le dévorer est arrivé, je n’ai pas pu m’empêcher de ressentir une déception. La situation de départ est digne d’une très bonne comédie, avec Fabcaro, on se dit qu’il y a de la matière pour construire un discours impertinent où chacun en prend pour son grade, et pourtant, je suis restée sur ma faim. La magie n’a pas pris et je n’ai pas réussi à ressentir le spontanéité des livres précédents (ce qui, au passage, est énorme vu le travail que doit demander chaque planche). J’ai eu le sentiment que le dosage n’était pas très précis et parfois c’était trop gros, presque surdosé. J’ai manqué de surprise en fait. Et quand j’aurais pu l’être, je n’étais pas plus convaincue que ça.

Mais attention, j’ai malgré tout des qualités à reconnaître à ce roman graphique ! La situation est d’une telle banalité que nous avons déjà vécu au moins une fois ce genre de moments gênants : ne rien avoir à se dire et avancer dans un repas au malaise généralisé. Et on connaît aussi des personnes qui peuvent dire des choses bien gênantes lors des repas, quand ça glisse dangereusement vers les questions politiques et les dernières infos passées dans le JT… Les personnages sont complètement largués et certaines répliques valent le détour. Mais malgré ça, je crois que je n’ai pas été la lectrice la plus sensible qui soit à cette nouvelle proposition de Fabcaro. Je pense aussi que je suis plus sensible à ses formats courts, ce qui impacte indéniablement la construction du récit et son rythme. C’est pas bien grave, ce livre trouvera son public, j’en suis certaine, et de mon côté je vais attendre le prochain avec la même impatience, rien n’a changé entre nous, promis !

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Et vous, quand est prévu votre prochain repas de famille ?

« Zaï Zaï Zaï Zaï » de Fabcaro (6 pieds sous terre, 2015)

Après avoir découvert Le discours de Fabrice Caro et en ayant lu nombre de chroniques élogieuses de son travail d’auteur de bande-dessinée l’heure est arrivée de me jeter à l’eau.


Quatrième de couverture : « Les filles, c’est papa… Écoutez, je ne rentrerai pas à la maison ce soir… et peut-être même pendant quelques jours… Vous avez peut-être déjà regardé les infos… Je veux que vous sachiez que votre papa n’est pas un bandit…

Un auteur de bande dessinée, alors qu’il fait ses courses, réalise qu’il n’a pas sa carte de fidélité sur lui. La caissière appelle le vigile, mais quand celui-ci arrive, l’auteur le menace et parvient à s’enfuir. La police est alertée, s’engage alors une traque sans merci, le fugitif traversant la région, en stop, battant la campagne, partagé entre remord et questions existentielles. Assez vite les médias s’emparent de l’affaire et le pays est en émoi. L’histoire du fugitif est sur toutes les lèvres et divise la société, entre psychose et volonté d’engagement, entre compassion et idées fascisantes. Car finalement on connaît mal l’auteur de BD, il pourrait très bien constituer une menace pour l’ensemble de la société.

Voici le nouveau récit choral de l’imparable Fabcaro, entre road movie et fait divers, l’auteur fait surgir autour de son personnage en fuite, toutes les figures marquantes – et concernées – de la société (famille, médias, police, voisinage…) et l’on reste sans voix face à ce déferlement de réactions improbables ou, au contraire, bien trop prévisibles. »


Je ne suis pas du genre à rire à gorge déployée en lisant chez moi, encore moins en public. Mais ce livre, du début à la fin, m’a fait m’esclaffer dans le train (j’espère d’ailleurs que cela a été une bonne promotion du livre auprès des usagers environnants). Cela faisait donc longtemps que je n’avais pas autant ri en lisant et ça fait un bien fou ! Cela faisait aussi une éternité que je n’avais pas eu Joe Dassin dans la tête et le plaisir est un peu moins fou, pour le coup.

L’histoire joue sur de l’humour absurde et en même temps fait du lien avec certains comportements que l’on croise dans la société (qu’on les reconnaisse ou qu’on les assume plus ou moins…). Fabcaro grossit certains traits et propose des situations qui oscillent entre le réel et l’absurde, plus drôles et étonnantes les unes que les autres. Le dessin m’a certes un peu moins convaincue mais je ne peux lui enlever son adéquation avec le ton adopté, l’ensemble fonctionne donc finalement très bien. J’ai trouvé très intelligente cette histoire qui semble ahurissante dans le sens où l’on peut remplacer certaines données pour la rendre réelle et d’autant plus inquiétante dans notre fonctionnement actuel.

Si je devais formuler une déception ce serait que l’on quitte cette histoire bien trop vite, j’aurais voulu encore en lire et encore rire un bon moment. Pour cela, je pense que la meilleure solution est de lire les livres déjà parus de Fabcaro et de ne pas manquer ceux à venir.

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Et vous, quel livre de Fabcaro avez-vous préféré ?