👁 « Anna Politkovskaïa. Journaliste dissidente » de Francesco Matteuzzi et Elisabetta Benfatto (Steinkis, 2016)

Traduit de l’italien par Marie Giudicelli.

Le 7 octobre 2006, en fin d’après-midi, Anna Politkovskaïa est froidement assassinée dans la cage d’escalier de son immeuble. Après des années de menaces répétées, l’exécution a eu lieu. Depuis, aucun coupable n’a été désigné. Ce qui est sûr, c’est qu’Anna Politkovskaïa gênait les plus hautes instances, celles-là mêmes qui ne craignent rien… sauf les journalistes et écrivain·e·s.

Présentation de la maison d’édition : « Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus que de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie.

Cette phrase d’Albert Londres était pour Anna Politkovskaïa une ligne de conduite.

Née à New-York, enfant privilégiée de la Nomenklatura, la jeune Anna choisit le journalisme. L’année 1999 marque un tournant. Elle couvre le conflit en Tchétchénie pour Novaïa Gazetta et met, dès lors, le pied dans un engrenage qui va conduire à son assassinat sept ans plus tard.

C’est en Tchétchénie que débute le récit de ce roman graphique, hommage à une journaliste courageuse et à une femme déterminée qui fut et reste la voix de la Russie qui résiste. »

Les faits que met régulièrement au jour Anna Politkovskaïa sont sidérants, à peine croyables et égratignent directement Vladimir Poutine et les gouvernements. Pour eux, cela ne peut pas durer. Parmi les journalistes il y a les bons, ceux qui veulent du bien à leur pays et ne cherchent pas à le décrédibiliser, et il y a les mauvais, ceux qui s’en prennent à lui et le critiquent. Les mauvais, il faut les faire taire : de l’intimidation à l’assassinat, il y a à la fois le choix des armes et l’impunité des commanditaires.

Pour le pouvoir russe, Anna Politkovskaïa était une mauvaise journaliste car elle faisait son travail, recherchait, vérifiait l’information et écrivait ce qu’elle voyait, ce qui était tangible. Que ça plaise ou non. Généralement la deuxième option.

Depuis la prise de pouvoir de Vladimir Poutine une explosion d’assassinats de journalistes a été constatée.

Ce roman graphique est un hommage au courage d’Anna Politkovskaïa en plus de revenir sur certaines affaires marquantes qu’elle a couvertes et révélées dans la presse : des prises d’otages, des attentats et la deuxième guerre de Tchéchénie. Le récit se clôt sur un entretien très riche entre Francesco Matteuzzi et Paolo Serbandini, qui a connu la journaliste.

Plusieurs des livres d’Anna Politkovskaïa sont encore disponibles, de quoi me rendre curieuse et poursuivre ma découverte de cette femme qui ne voulait ni se taire ni s’en laisser conter par les gouvernements russes.

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Et vous, quel·s livre·s sur des journalistes menacé·e·s ou assassiné·e·s conseillez-vous ?

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👁 « Prête-moi une fenêtre » & « Ce peu de vie » de Hala Mohammad (Bruno Doucey, 2018 ; Al Manar, 2016)

Lors de la préparation de ce mois thématique, plusieurs recueils de poésie se sont imposés à moi. Comme une évidence. Ces deux recueil d’Hala Mohammad en font pleinement partie et, depuis que je les ai lus, je les ouvre et les réouvre régulièrement. Je découvre et redécouvre sa voix, faite de lumière pour éclairer les ombres. Ce deux recueils sont présentés dans une édition bilingue arabe-français.

Née à Lattaquié, en Syrie, en 1958, Hala Mohammad a été amenée à fuir son pays pour trouver refuge en France.

« Ce peu de vie »

Quatrième de couverture : « Les papillons / Emigrant avec les familles / Sur les ballots / Sur les fleurs des robes des filles / Dans les poches des grands-mères / Dans les supplications des mères, / A la frontière / Ils ont ôté leurs couleurs / Et sont entrés dans leur exil / Photo souvenir / En noir et blanc. »

Premier recueil de Hala Mohammad publié en français, vingt-cinq poèmes qui disent l’absence, les lieux quittés, les joies passées, les violences qui perdurent dans la patrie perdue. L’autrice mêle aux mots emprunts de douceur, aux espaces de l’enfance et de la maison, la réalité crue. Elle crée un espace qui se déchire entre espoir et quotidien qui le malmène.

Un recueil qui nous parle d’humanité et de la Syrie dévastée. Parfait pour une première découverte de l’autrice et pour découvrir, en même temps, la maison d’édition Al Manar que je ne connaissais pas.

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« Prête-moi une fenêtre »

Présentation de l’éditeur : « La maison a beaucoup changé après ton départ… Les mots par lesquels s’ouvre le recueil d’Hala Mohammad laissent entendre qu’il y a un avant et un après, un ici et un ailleurs. Plus encore, un billet aller qui ne donne à l’exilée que peu d’espoir de retrouver indemne le pays qu’elle a laissé derrière elle. De poème en poème, l’auteure cartographie l’absence et son cortège de chagrins. Une révolution orpheline. La guerre. Les routes de l’exil. Les dures conditions de vie des gens qui ont parfois tout perdu mais qui continuent à vivre et à aimer. Car ce sont eux qui intéressent la poète-documentariste qui progresse caméra au poing. Avec un sens inné du court-métrage, elle défie la peur et nous livre un texte d’une force rare contre la géographie de la tyrannie. Sois la bienvenue, Hala : cette maison d’édition aux fenêtres ouvertes sur le monde est la tienne ! »

C’est avec le même ton que Hala Mohammad compose ce second recueil avec les éditions Bruno Doucey. A la fois dans l’évocation personnelle et tournée vers l’autre, l’autrice nous parle de son quotidien, de ses souvenirs, de ses proches, de l’adaptation à une nouvelle vie qui crie l’absence, de ce qui ne passe jamais, de la guerre, de la tyrannie, de l’effort pour l’oubli ne serait-ce que quelques minutes, d’autres personnes déracinées, des disparu·e·s.

C’est un recueil extrêmement dense et percutant. Certains poèmes sont gravés en moi, notamment lorsqu’elle parle d’être une gardienne de cimetière – ce dernier n’étant pas celui qu’on s’imagine – ou lorsqu’elle dépose des fleurs sur des tombes, au hasard, espérant que quelqu’un en déposera une sur celle de sa mère, sous l’olivier, en Syrie. Ce sont des pensées à la fois quotidiennes, que chacun·e de nous peut saisir, et en même temps complexes que partage Hala Mohammad.

On sent puissamment la déchirure et les voyages mentaux qu’elle réalise dans la maison de son enfance, probablement détruite depuis. Elle pense à la porte, au seuil, aux murs, aux détails qui faisaient un lieu réconfortant et unique pour elle, dans lequel ont déambulé des êtres chers. Ces pensées ont eu beaucoup d’écho chez moi, alors même que je ne peux en aucune manière comparer mon parcours au sien. Mais là est aussi la puissance de l’universalité de certaines expériences, comme celle des chansons de l’enfance qui s’inscrivent, se tatouent, en nous pour la vie.

Si j’ai été plus sensible à certains aspects qu’à d’autres, chaque poème est fort et porte une voix que je vous invite à lire et dire à voix haute à votre tour, pour qu’elle s’envole librement et qu’elle touche, peut-être, d’autres personnes encore. De mon côté, je vous donne rendez-vous très vite pour vous reparler de cette autrice, même s’il m’est toujours difficile de rassembler mes idées pour vous parler de poésie.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas de chroniques trouvées pour le moment.

Et vous, quelle est votre dernière découverte poétique ?

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❤ « La route de Beit Zera » de Hubert Mingarelli (Stock, 2015 ; Points, 2016)

Quand j’ai un petit coup de mou, que je n’ai envie de rien, j’ai une solution : m’aménager un moment en tête à tête avec Hubert Mingarelli. Là est aussi la force de la littérature, permettre des moments d’humanité et de partage au-delà du temps et de l’espace, faire que certains·es auteurs·trices nous remettent sur pieds quand nous en avons besoin.

Quatrième de couverture : « Stépan vit seul avec sa chienne non loin de Beit Zera, depuis que son fils Yankel est parti se cacher à l’autre bout du monde. Il rêve au bonheur qu’il aurait à le retrouver et se souvient de l’époque où il contrôlait les Palestiniens à la frontière, incapable de soutenir leurs regards noirs. Jusqu’au jour où l’un d’eux, un garçon nommé Amghar, s’aventure chez lui et bouscule sa solitude… »

J’ai eu besoin d’Hubert Mingarelli récemment et j’ai eu un nouveau coup de coeur pour cet auteur qui a définitivement une place à part dans mon coeur de lectrice (j’espère chaque mois l’annonce de la parution d’un roman posthume, tout va bien).

Plusieurs relations sont au coeur de ce roman vibrant : Stépan et son fils Yankel qui a dû s’exiler, Stépan et sa chienne aujourd’hui affaiblie, Stépan et son ami de jeunesse Samuelson, Stépan et le jeune garçon Amghar, Amghar et la chienne. Traverse le récit en filigrane, Hassan, victime d’une ambiance composée de tensions et de peurs. Victime du conflit israélo-palestinien représenté ici à hauteur d’hommes et d’enfants, par le prisme des blessures, des absences et de ce qui ne peut être réparé.

L’auteur nous propose une histoire qui reprend certains de ses thèmes récurrents : la paternité et la filiation, la rupture et l’absence, les blessures intimes qui se lient aux blessures des lieux, les silences et les voix retenues, les difficultés et les subtilités dans les rapports aux autres, le lien que peut nouer l’humain avec la nature et les animaux. La chienne a ici une place centrale et on ressent avec puissance la force des expériences que l’auteur a pu vivre lui-même avec cet animal.

Roman sur la peur, la violence issue des discriminations et son impact sur les vies individuelles, il parle aussi du deuil. Mais c’est sans compter sur une lampe torche dans la nuit, qui éloigne l’obscurité. Cette lumière qui vient donner un peu d’espoir.

On pourrait résumer l’intrigue en quelques phrases mais ce serait un affront à la délicatesse et à la précision des mots et des émotions d’Hubert Mingarelli. Par son écriture réduite à l’essentiel tout devient puissant et marquant, et la magie opère.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Depuis le cadre de ma fenêtre

Et vous, quel·le est votre auteur·trice préféré·e ?

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❤ « Un enfant » de Thomas Bernhard (Gallimard, 1984 ; réed. 2016)

A l’occasion des 90 ans de la naissance de Thomas Bernhard (le 9 février 1931) et des 32 ans de sa disparition (le 12 février 1989), j’ai souhaité découvrir cet auteur décrit souvent comme l’enfant terrible des lettres autrichiennes. Ce fut une forte rencontre littéraire.

Quatrième de couverture : « Né discrètement en Hollande où sa mère va cacher un accouchement hors mariage, Thomas Bernhard est bientôt recueilli par ses grands-parents qui vivent à Vienne. La crise économique des années trente les force à s’établir dans un village aux environs de Salzbourg où l’enfant découvre avec ravissement la vie campagnarde. Le grand-père, vieil anarchiste, doit aller s’installer à Traunstein, en Bavière. Le jeune Thomas se familiarise avec le monde de la petite ville, commence à s’émanciper, fait l’école buissonnière et ses premières escapades à vélo. Il découvre aussi le national-socialisme et la guerre aérienne.

Le monde enchanté de l’enfance n’est pas celui pourtant du petit Thomas. Persécuté par ses maîtres, souffrant du complexe de l’immigré et du pauvre, il a plusieurs fois la tentation du suicide, tentation qui plus tard hantera aussi l’adolescent et le jeune homme. »

Je cherche, je cherche encore et je ne trouve pas un sujet qui ne m’a pas émue à la lecture de cette autofiction. Thomas Bernhard nous parle de son enfance avec un mélange de naïveté et de clairvoyance qui rend son personnage central, lui-même, extrêmement attachant. On a envie de protéger ce petit garçon : de l’école, du mépris des maîtres, des moqueries des camarades, du fantôme du père, du mal-être qui lui inspire des envies suicidaires, des punitions qui témoignent de l’éducation d’alors et d’un rapport complexe avec sa mère, de son époque.

S’engager dans la lecture de Thomas Bernhard c’est accepter de ne rien contrôler et d’approcher parfois un grand désespoir. Du moins, c’est comme cela que je l’ai vécu. Mais c’est aussi ressentir des sensations décrites avec une justesse impressionnante : je pense notamment à l’extase suivie de l’infinie détresse lors d’une excursion à vélo qui ouvre ce roman. Nous sommes à la fois sur un réalisme cru et un retour à l’enfance qui fait appel à l’infinité des possibles, l’amour inconditionnel, absolu et entier dont seuls sont capables les enfants. Un amour douloureux quand il est mal donné et/ou mal rendu.

Impossible de parler d’amour dans ce texte sans évoquer l’admiration et l’affection qu’a le petit Thomas pour son grand-père. Ce lien qui les unit est magnifiquement fort, les rendant complices au-delà des bêtises (dits crimes) même si le vieil homme ne parvient pas toujours à venir en aide à l’enfant. Le grand-père est celui qui ose dire à l’enfant, celui qui lève le rideau sur les choses quand les autres adultes veulent le laisser baisser, celui qui attire l’attention sur les petites choses de la vie, celui qui fait naître les questions sans forcément donner de réponses, celui qui éveille au monde un garçon qui n’y trouve pas sa place. Pour Thomas, son grand-père est sa seule sécurité.

L’auteur nous parle des amitiés fondatrices perdues, des différentes ruptures dans le temps de l’enfance, de ses traumatismes intimes, familiaux, sociaux, de sa solitude, de l’arrivée puis de l’ancrage du nazisme, de son mélange de peur et d’aversion pour le collectif, pour la masse qui peut être source du meilleur mais aussi du pire.

J’ai été très impressionnée à la fois par le style de Thomas Bernhard et par les souvenirs qu’il choisit de ressusciter, de faire revivre dans ces pages et qui ont fait vibrer quelque chose en moi. Ce petit Thomas, j’ai tant de fois voulu le prendre dans mes bras et lui dire que tout ira bien, qu’on ne lui fera plus de mal. Et pourtant ce n’est jamais larmoyant, loin de là. Vous entendrez à nouveau parler de cet auteur sur le blog, L’origine est déjà en attente de lecture sur ma table de nuit et j’ai hâte de pouvoir découvrir Les Mange-pas-cher ainsi que Place des Héros.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Papillon par mots et par vont

Et vous, connaissez-vous cet auteur ?

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« Hommes sous verre » de Sarah Rose Etter (Editions do, 2016)

Je poursuis le Mois des nouvelles avec ce recueil dont les personnages principaux sont des femmes confrontées à des situations en tension, nous faisant passer par un panel d’émotions impressionnant en peu de pages, en peu de mots. Sarah Rose Etter possède un réel talent pour transmettre l’état d’esprit de ses personnages et pour créer des ambiances.

Quatrième de couverture : « La plupart des femmes qui racontent les histoires à la fois belles, terrifiantes et totalement bizarres de ce livre, vivent dans des mondes régis par la logique vertigineuse des cauchemars, luttant contre des situations incontrôlables. Elles ont des relations tendues avec les hommes de leur vie ― père, amant, mari. La plupart de ces hommes souffrent d’une forme de névrose. Et dans leur tentative de prendre soin d’eux, la plupart de ces femmes donnent tout. »

Initialement parues séparées dans des revues, les huit nouvelles de ce recueil se concentrent sur des jeunes filles et des femmes dans des situations réalistes ou surréalistes. Mais toujours des hommes ont un impact sur elles, tendre parfois – rarement -, négatif souvent.

La langue de Sarah Rose Etter est libre, directe et poétique. Elle se rapproche parfois de l’incantation comme dans le texte un peu obscur mais étonnamment troublant qu’est Remèdes.

Parmi ces textes, trois concernent un personnage nommé Cassie. Est-ce le même personnage qui grandit et fait l’expérience de moments qui le changent ? Les trois Cassie sont-elles des filles-femmes différentes dans un même corps ou sont-elles trois corps et trois vies distinctes ? Le fait est qu’elles explorent une évolution : de la candeur déchue, de la violence physique des hommes qui s’approprient sont corps à sa propre appropriation des hommes. [Marée de koalas ; Soirée langues ; Hommes sous verre]

Cinq textes m’ont particulièrement marquée :

Marée de koalas qui nous fait découvrir l’attente et les rêves d’une petite fille qui a entendu parler d’une marée de koalas et qui l’attend avec une immense impatience mais qui sera confrontée à un choc nié par les adultes, nié par ce père qu’elle admire tant. Pas protégée, pas réconfortée.

Gâteau qui a presque réussi à me dégoûter de tout acte de gourmandise (et pourtant, manger est l’une de mes passions). Cette nouvelle crée un profond malaise et un vrai sentiment de dégoût en même temps que nous soutenons la femme au cœur de cette histoire qui se sacrifie pour son mari malsain au possible. Lui, il est parfaitement bien dans son égoïsme et son plaisir personnel. Six pages. Six pages suffisent à Sarah Rose Etter pour nous glacer le sang et nous nouer l’estomac.

Soirée langues, ou quand un père livre sa fille, que les choses ne se déroulent pas comme prévu et que ton corps de jeune femme ne t’appartient plus face au désir collectif qui ne se contrôle pas. Tu n’existes plus en tant que personne mais en tant que corps, objet des désirs des autres.

Père poulet : un père ne va pas bien, sa fille ne va pas bien non plus. Lui s’est enfermé sous un masque de poulet suite à un drame, elle voudrait bien qu’il retrouve son visage pour ne plus se sentir seule. Enfermé dans sa souffrance, il n’a pas de force pour deux. Un acte de la jeune fille les feront se rapprocher dans l’épreuve commune qu’ils doivent surmonter et mieux se comprendre. A la lecture, nous croyons qu’un jour ils se feront à nouveau face à visage découvert.

Chair à mari nous propose une illustration extrême, métaphorique, d’un homme qui perd tout ce qu’il a construit avec sa femme. Un besoin incontrôlable et irrépressible l’habite et c’est le début d’un cycle aussi infernal qu’étourdissant qui se clôt sur un constat plus qu’amer.

Vous l’aurez sûrement compris, ce recueil ne peut absolument pas laisser indifférent•e et montre des femmes souvent prêtes à tout pour l’autre ou qui doivent digérer les actes et les réactions des hommes qui les entourent. Elles aiment, elles affrontent les névroses, elles se sacrifient souvent et nous font réagir. Sarah Rose Etter est une auteure dite de fiction expérimentale, la lecture de ce recueil est très clairement une expérience.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : La Tanière de la renarde

Et vous, êtes-vous prêt•e•s à plonger dans des mondes névrotiques ?

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« La différence invisible » de Julie Dachez et Mademoiselle Caroline (Delcourt, 2016)

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Je commencerai cet article en remerciant ma collègue qui m’a prêté ce roman graphique dont j’entendais parler depuis longtemps. Sa lecture a été très émouvante et m’a appris beaucoup de choses sur l’autisme, ce que soit sur sa réalité mais aussi sur les a priori liés.

Quatrième de couverture : « Marguerite a 27 ans, en apparence rien ne la distingue des autres. Elle est jolie, vive et intelligente. Elle travaille dans une grande entreprise et vit en couple. Pourtant, elle est différente. Marguerite se sent décalée et lutte chaque jour pour préserver les apparences. Ses gestes sont immuables, proches de la manie. Son environnement doit être un cocon. Elle se sent agressée par le bruit et les bavardages incessants de ses collègues. Lassée de cet état, elle va partir à la rencontre d’elle-même et découvrir qu’elle est autiste Asperger. Sa vie va s’en trouver profondément modifiée. »

Ce roman graphique est une forme de témoignage de Julie Dachez et cela se sent. Les situations ont une précision émotionnelle qui m’ont tout simplement bouleversée. Marguerite vit la vie sociale avec difficulté, les interactions sont épuisantes et stressantes, le bruit permanent la vide de toute énergie, son quotidien doit être extrêmement réglé pour éviter tout imprévu, source d’angoisse. Tout cela, il faut la connaître pour le savoir. Alors des jugements sur certaines réactions peuvent être vite faits. Mais même en la connaissant, certaines personnes n’arrivent pas à comprendre son besoin de solitude, de confort, de silence. Marguerite se sent mal, depuis toujours elle ressent ce décalage que ce soit dans sa vie personnelle ou professionnelle.

Un jour, une occasion se présente à elle de passer des tests relatifs aux troubles du spectre de l’autisme. Alors, les résultats vont tomber comme une libération : le droit d’être soi, de comprendre sa différence, de l’accepter, de l’aimer, de s’aimer et de prendre soin de soi en écoutant ses besoins. Mais elle va aussi réaliser que le mot autisme est accompagné de nombreuses idées préconçues dans son entourage, qu’il va falloir combattre avec patience et pédagogie.

C’est cette histoire ainsi que des informations concrètes sur l’autisme que nous propose ce roman graphique salutaire.

Si j’ai beaucoup aimé les propos j’ai moins apprécié les illustrations, mais il s’agit là d’un avis purement subjectif. Elles sont agréables, mais j’ai une préférence pour les styles graphiques plus singuliers.

Je ne peux que conclure cette chronique en soulignant l’intérêt de cette publication, sur l’importance de traduire pour le plus grand nombre la réalité d’une vie et les erreurs de jugements liés à l’autisme. Ces textes nous font nous comprendre et donc nous rapprocher en laissant de côté, je l’espère, les jugements hâtifs.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Bar à BDSab’s pleasuresA propos de livres…La Case de l’oncle WillChroniques littérairesDes livres, des livres !Enlivrez-vous !Le livroblogDélivrer des livresLa bibliothèque du DolmenLes billets de FannyLa malle aux livresMicMélo littéraireGirl kissed by fireMon coin lectureD’autres vies que la mienneEchappéesBouquinbourgMyPrettyBooksA portée de plume…AkayanaTu vas t’abîmer les yeuxUne vie, des livresAngélique AliceChat’PitreEnna lit, Enna vit !La demoiselle aux cerfsDans la bibliothèque de CallysseLe Blog de LutrolleDu temps pour nousLire par EloraLoeildem • Le Nez dans les BouquinsLe Capharnaüm éclairéL’Encre BleueLes Miss Chocolatine bouquinentLes bullettes colorées


 

Et vous, quels livres sur l’autisme ou d’autres syndrômes méconnus recommanderiez-vous ?

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❤ 👁 « Comment j’ai rencontré les poissons » d’Ota Pavel (Editions do, 2016)

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Cette chronique est le résultat d’un voyage aussi doux qu’intense, au bord des rivières tchèques et en compagnie d’un enfant attachant. Cela faisait longtemps que je devais m’y engager et, à peine fini, j’ai commencé à faire la liste des personnes à qui j’ai envie de l’offrir. C’est un livre comme ça, que l’on aime et que l’on veut faire découvrir.

Quatrième de couverture : « Les poignantes histoires de ce livre, classique de la littérature tchèque, composent la tendre chronique d’un homme qui se souvient de son père, géant captivant et charmeur aux yeux de l’enfant qu’il était. En apparence elles reconstituent la vie de sa famille, avec en arrière-plan l’histoire de l’Europe centrale au XXe siècle, mais elles sont en réalité beaucoup plus que cela : ce sont des méditations sur la vie et la survie, la mort et la mémoire, l’humour, la justice et la compassion. »

Le petit Otto Popper (nom de naissance de l’auteur) nous parle de son enfance dans la région de Prague avec une langue qui rappelle la force de l’instant et avec un ton parfois espiègle. En quelques mots, ce livre est une superbe évocation de l’enfance, de l’admiration d’un garçon pour son père, de l’amour des poissons, de l’impact de la guerre et de l’antisémitisme sur une famille qui traverse le XXe siècle. Mais le talent de l’auteur c’est de nous parler de fragments de mémoire qui l’ont marqués en nous émouvant autant qu’en nous faisant rire.

J’ai eu un immense attachement pour ce narrateur, à la fois enfant et adulte, qui nous parle de son père, personne au caractère exhalté et vendeur hors-pair qu’il admire énormément, de sa mère et de sa patience infinie, de son oncle Prosek, grand tendre réfugié derrière une attitude distante, du peintre Nechleba et d’autres encore. Car ce récit kaléidoscopique nous fait croiser le chemin de personnes qui ont marqué Ota Pavel et ils nous marquent à notre tour.

Ces rencontres se produisent souvent en lien avec la pêche. On nous parle des rivières, des différents poissons qui la peuplent, des rêves de pêches miraculeuses, du courant et des pluies, des déceptions et des victoires. Ces moments ont suivi l’auteur à chaque étape de sa vie – et l’enfance est riche en étapes. Ils ont été des moments de partage avec le père, des blessures mais aussi des opportunités de survie.

Ota Pavel a été un journaliste sportif reconnu mais va peu à peu développer des symptomes dépressifs et paranoïaques. L’écriture lui a été vivement conseillée pour améliorer son état, alors qu’il était en hôpital psychiatrique. La beauté qui ressort de ce texte traduit une immense sensibilité. Pour citer le préfacier, Mariusz Szczygiel : « Seul un grand dépressif pouvait écrire le livre le plus antidépressif du monde. » Après cela, comment ne pas se plonger dans la lecture ?

Ce roman est sorti en poche dans la collection Folio chez Gallimard début mars. Vous avez donc le choix entre les deux formats si vous voulez vous faire plaisir ou l’offrir.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Les liseusesAux vents des mots


 

Et vous, allez-vous rejoindre la rivière et son flot de souvenirs ?

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« Les délices de Tokyo » de Durian Sukegawa (Albin Michel, 2016)

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Cela fait plusieurs semaines que ce roman apparaît à nouveau sur les blogs et chaînes booktube et vous m’avez donné envie de le sortir de ma bibliothèque, dans laquelle il avait un peu été abandonné. Mais, si vous avez été nombreux•ses à l’adorer, je suis restée de l’autre côté de l’échoppe, assoupie sous le cerisier en fleurs.

Quatrième de couverture : « Écouter la voix des haricots : tel est le secret de Tokue, une vieille dame aux doigts mystérieusement déformés, pour réussir le an, la pâte de haricots rouges dont sont fourrés les dorayaki, des pâtisseries japonaises. Sentarô, qui a accepté d’embaucher Tokue dans son échoppe, voit sa clientèle doubler du jour au lendemain, conquise par ses talents de pâtissière. Mais la vieille dame cache un secret moins avouable et disparaît comme elle était apparue, laissant Sentarô interpréter à sa façon la leçon qu’elle lui a fait partager.

Magnifiquement adapté à l’écran par la cinéaste Naomi Kawase, le roman de Durian Sukegawa est une ode à la cuisine et à la vie. Poignant, poétique, sensuel : un régal. »

Il y avait pourtant beaucoup d’éléments qui auraient pu rendre ce roman passionnant et très émouvant. Mais rien n’a pris avec moi : des personnages un peu trop lisses, des considérations tantôt trop immatures, tantôt trop tournées vers la métaphysique des haricots, des absences d’empathie presque caricaturaux. Les rebondissements sont apparus alors que je m’y attendais, les passages qui se voulaient émouvants étaient tellement gonflés de bons sentiments que j’ai décroché à chaque fois.

Et c’est vraiment dommage parce que le cœur du roman avait un réel potentiel : le fait que deux êtres que rien ne prédispose à se rencontrer, ni à avoir des points communs, apprennent à s’apprécier et s’apportent dans des moments difficiles ; le fait que l’on parle de discrimination à outrance, du regard inquisiteur de la population, de la mise à l’écart abusive et injuste d’une partie de la population par l’Etat ; le fait de montrer que les secondes chances peuvent exister.

Il y avait de quoi offrir un texte fort mais, pour moi, le résultat n’est pas à la hauteur des sujets abordés. Je crois qu’il est beaucoup trop démonstratif et quand on me dit tout, comme parfois je me suis sentie face à un exposé froid et très peu incarné, je perds complètement la potentielle force des sous-entendus et de la zone des non-dits.

Bref, vous aurez compris sans mal que cette lecture n’a pas été une réussite me concernant, mais au vue des nombreux retours positifs, je vous invite à lire d’autres chroniques. Il n’y a pas de raisons pour que vous passiez à côté d’une belle découverte sous prétexte que je me suis infiniment ennuyée.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Les univers parallèles de MillinaBougnette BooksWeRead&CreateStoriesLucy in the skyBrikabulUn peu de futilitéDouceur de livreLes plumes qui papotentLes blablas de CledesolLa novela vue par SophieLe blog de YukoMa barbe rouilleLa lectrice compulsiveDans ma bibliotêteDerrière ma porte, un monde…Poppy la mangeuse de livresLe blog de Laurent B.Les lectures de LéonAu Bonheur de Madame


 

Et vous, quel autre roman de cet auteur conseillez-vous pour me faire changer d’avis ?

❤ « Orange – Tomes 1 à 5 » d’Ichigo Takano (Akata, 2014-16)

Voilà qui est fait ! J’ai eu les yeux rouges et le nez qui coule mais j’ai enfin découvert la série Orange ! On m’avait prévenu que j’allais adorer mais que j’allais aussi beaucoup pleurer. Je confirme les deux points. C’est un manga qui, bien qu’infiniment triste par moments, nous porte sur le chemin de l’espoir en nous glissant à l’oreille : tant que tu peux agir tout est encore possible.


Quatrième de couverture : « Un matin, alors qu’elle se rend au lycée, Naho reçoit une drôle de lettre… une lettre du futur ! La jeune femme qu’elle est devenue dix ans plus tard, rongée par de nombreux remords, souhaite aider celle qu’elle était autrefois à ne pas faire les mêmes erreurs qu’elle. Aussi, elle a décrit, dans un long courrier, les évènements qui vont se dérouler dans la vie de Naho lors des prochains mois, lui indiquant même comment elle doit se comporter. Mais Naho, a bien du mal à y croire, à cette histoire… Et de toute façon, elle manque bien trop d’assurance en elle pour suivre certaines directives indiquées dans ce curieux courrier. Pour le moment, la seule chose dont elle est sûre, c’est que Kakeru, le nouvel élève de la classe, ne la laisse pas indifférent… »


Un groupe d’amis de lycée, un nouvel élève, une rencontre… et une enveloppe ! Tout commence presque normalement, si ce n’est que Naho reçoit une lettre de son elle du futur qui lui demande de changer des évènements à venir pour ne pas avoir de regret dans le futur. Des regrets qui relèvent de questions de vie ou de mort. C’est ce qui va guider tous les tomes de ce manga avec passion, tension mais aussi beaucoup de douceur. Car nous sommes ici pour parler d’amour : celui qui nous fait tenir debout, celui qui nous pousse à protéger à tout prix, celui qui nous brise car nous fait avoir des remords ou des regrets, celui qui nous fait peur aussi, car l’amour pour un garçon ou une fille est parfois un monde inconnu et terrifiant (surtout à l’adolescence). Et si nous étions maladroits ? Et si nous faisions du mal ?

Si nous suivons six personnages, trois se détachent plus particulièrement : Naho, Kakeru et Suwa. Les trois autres amis sont agréables mais se positionnent plus en soutien qu’en acteurs de l’intrigue, voire en éléments humoristiques qui ne sont pas pour me déplaire pour aérer mes yeux humides après certains passages. Il y a là un équilibre très agréable et c’est sans compter la force de personnalité modelée pour Suwa. Une générosité qui fait chaud au coeur et qui rend cette lecture positive même quand l’intrigue ne semble pas évoluer vers une fin optimiste. C’est la pierre angulaire de l’histoire qui va faire passer le bonheur des autres avant le sien, réalisant aussi qu’aimer c’est vouloir voir l’autre heureux.

Il m’est extrêmement difficile de revenir sur cinq tomes sans vous en dévoiler trop, et je sais qu’il a déjà été lu par beaucoup alors je me retrouve dans un drôle d’exercice. Mais une chose est sûre : entre la force de l’amitié et un triangle amoureux abordé sans regard malsain – c’est tout le contraire et ça fait du bien – ce manga est une pépite à laquelle je ne changerais rien. Amitié, amour, deuil, culpabilité et résilience : c’est une course après la vie qui vous coupera le souffle et vous fera gonfler le coeur.

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Et vous, avez-vous une série coup de coeur à conseiller ?

« S’enfuir : récit d’un otage » de Guy Delisle (Dargaud, 2016)

Cela faisait un long moment que j’avais envie d’enfin découvrir le travail de Guy Delisle et, après avoir hésité une éternité pour savoir lequel je dévorerais en premier, j’ai jeté mon dévolu sur celui-ci. Et je crois que j’ai bien fait car j’ai plus que jamais envie de poursuivre ma découverte de cet auteur.


Quatrième de couverture : « En 1997, alors qu’il est responsable d’une ONG médicale dans le Caucase, Christophe André a vu sa vie basculer du jour au lendemain après avoir été enlevé en pleine nuit et emmené, cagoule sur la tête, vers une destination inconnue. Guy Delisle l’a rencontré des années plus tard et a recueilli le récit de sa captivité – un enfer qui a duré 111 jours. Que peut-il se passer dans la tête d’un otage lorsque tout espoir de libération semble évanoui ? »


Les enlèvements de personnes en lien avec des ONG sur les terres en tension ou en guerre ne sont pas nouveaux et sont toujours d’actualité. Ce livre se concentre sur l’enlèvement de Christophe André, sur le déroulement de son enfermement comme sur l’impact que celui-ci a eu sur lui. L’espoir, toujours lui, n’est pas pour rien dans le fait que Christophe André ait réussi à tenir 111 jours coupé de tout. Mais il peut être à double tranchant, l’espoir déçu fait prendre le risque de devenir fou, de ne plus se battre.

L’attente. Interminable. Penser à autre chose, se concentrer sur des souvenirs, se recentrer sur des données fiables pour tenir et ne plus voir le temps défiler. Le temps, cette seule donnée à la fois connue et en même temps incertaine. Depuis combien de temps ? Ne pas perdre le fil des jours qui passent, rester conscient de la durée pour ne pas perdre notion de tout. Alors Christophe André va tout faire pour se souvenir de la date des jours, seule donnée qu’il peut encore maîtriser, pour réussir à se situer quelque part alors qu’il ne connaît ni la raison de son enlèvement, ni l’endroit où il se trouve, ni ce que ses ravisseurs ont prévu de faire de lui. La peur de la mort, de l’exécution. L’attente du sauvetage, de l’intervention de la France, durant plus d’une centaine de jours. Rien ne se passe. Les négociations, sans fin. La recherche du compromis. L’attente encore. Et l’occasion.

Guy Delisle retranscrit avec talent les doutes et les interrogations de Christophe André, en même temps que sa force et son courage. Et alors qu’une porte s’ouvre et que l’air touche à nouveau le corps et le visage, la nouvelle question qui se pose est : méfiance ou confiance ? Entre le récit d’une expérience qui dépasse le temps et les frontières et l’histoire d’un conflit que je connais peu (qu’il me faudrait connaître plus) : j’ai été conquise. On sent le long travail que ce livre a demandé, qui se dévoile avec franchise et respect.

Le succès et la réputation de ce roman graphique sont grandement mérités, ce fut une forte découverte et j’ai désormais hâte de découvrir plus encore cet auteur qui, pour ne pas me déplaire, s’est beaucoup intéressé à des questions historiques et géopolitiques, notamment en Asie. *Joie*

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : La bibliothèque de CélineAlibilivre • Bandes dessinées – le blogEchappéesAlex mot-à-motsBouquinbourgL’antre d’une curieuse grignoteuse  • Le goût des livresDes bulles d’air…Le Capharnaüm éclairéLe sentier des motsMademoiselle Maeve lit des livresAux Bouquins GarnisSin CityBookenstockLes lectures de CaroJulie lit au litLa bibliothèque de NouketteBdmétriqueComme dans un livreGirl kissed by fireBar à BD


 

Quel est l’immanquable de cet auteur, selon vous ?

❤ « Armstrong : l’extraordinaire voyage d’une souris sur la Lune » de Torben Kuhlmann (Nord-Sud, 2016)

C’est au détour d’une ballade chez mon libraire que je suis tombée sur cette pépite. Des illustrations à couper le souffle qui rappellent Edward Hopper et Norman Rockwell, une histoire intelligente et instructive qui ne manque pas non plus d’humour.


Quatrième de couverture : « Amérique, 1950… une petite souris passionnée et curieuse observe la lune à travers son télescope. La lune est-elle vraiment un fromage, comme on le prétend ? Elle décide de tirer cette affaire au clair, une fois pour toutes. Inspirée par une souris pionnière qui a traversé l’Atlantique (voir le précédent livre, Lindbergh), cette souris décide qu’elle sera la première à poser ses petites pattes sur la lune. »


Dans ce récit richement illustré (je vous invite à savourer chaque détail de chaque page), nous suivons une petite souris qui ne rêve que d’une chose : poser ses pattes sur la Lune. Les hommes ne l’ont pas encore réalisé et peut-être qu’ils ne seront pas les premiers à y arriver… Une rencontre va apprendre à notre héroïne que les souris ont un passé d’exploratrices aérospatiales. Il ne lui en faudra pas plus pour qu’elle insiste et qu’elle expérimente pour réaliser ce rêve, courageuse et infatigable aventurière. Des péripéties vont venir rythmer le défi qu’elle se sera lancé à elle-même alors que les humains cherchent eux aussi à conquérir l’espace durant la Guerre Froide. Une histoire passionnante qui ravira les petits comme les grands, idéale pour rêver puis découvrir les évènements marquants de la conquête spatiale en fin d’ouvrage.

En conclusion ce livre est une très belle découverte et je n’ai qu’une envie (et l’un de mes adoramonstres aussi) : découvrir celui inspiré de la performance de Lindbergh ! Vous cherchez beau un livre amusant, attendrissant et instructif ? Foncez sur celui-ci, vous ne serez pas déçus, les enfants non plus !

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : La littérature jeunesse de Judith & Sophie


 

Et vous, êtes-vous prêts à explorer l’espace avec cet adorable compagnon ?

❤ 👁 « Ai Weiwei : histoire d’une arrestation » de Barnaby Martin (Globe, 2016)

Attrapez ce livre et vous ne le lâcherez plus avant de l’avoir fini. Les mots de Barnaby Martin s’accordent à ceux d’Ai Weiwei, la narration porte les entretiens menés en 2011. 2011, l’année au cours de laquelle l’artiste dissident chinois va être arrêté, emprisonné et relâché sous surveillance policière.


Quatrième de couverture : « Octobre 2010. Ai Weiwei expose plusieurs millions de graines de tournesol peintes à la main dans le grand hall de la Tate Gallery à Londres.

Son œuvre émeut des millions de visiteurs car elle illustre la lutte qu’il mène contre les abus du régime totalitaire le plus puissant du monde. Avril 2011. La police secrète chinoise l’arrête : Ai Weiwei est emprisonné et condamné à un isolement complet pendant plus de deux mois. À sa sortie, le gouvernement chinois l’accuse d’évasion fiscale et le somme de payer un million de pounds dans les quinze jours. Juillet 2011. Barnaby Martin se rend à Pékin quelques jours après la libération conditionnelle de l’artiste assigné à résidence.

Les entretiens qu’il mène secrètement avec Ai Weiwei dans son atelier permettent de dresser un portrait rare fondé sur le témoignage inédit du plus célèbre artiste et dissident chinois. »


Barnaby Martin propose un livre dense qui montre la Chine de l’intérieur, même plus de ce qui est parmi le plus interne du système : la police secrète et les enlèvements arbitraires.

Si l’emprisonnement d’Ai Weiwei est au coeur de ce livre, il n’omet pas de parler de son enfance, marquée par les répressions politiques sur les civils, puis de son adolescence et son besoin de quitter la Chine pour découvir l’art contemporain occidental, et enfin de sa carrière et de ses engagements. Barnaby Martin parle autant de la société chinoise que d’art contemporain et quand vous mélangez les deux c’est absolument passionnant ! Car l’art est un mode d’expression que le système veut pouvoir contrôler.

Ai Weiwei est motivé par la vérité et la dénonciation des abus du pouvoir chinois. Il a une vision incroyable et une force qui ne peut laisser indifférent à la lecture. Je suis infiniment admirative même si je ne comprends pas tout son travail (loin de là). Son engagement pour les enfants victimes du tremblement de terre et de la corruption au Sichuan, son analyse du système policier chinois, son humanité et son espoir (parfois fatigué) pour la démocratie et les droits de l’homme, tout cela m’inspire un profond respect. Un respect renforcé par l’humilité qu’il exprime dans le fait d’avoir été libéré rapidement, ce qui n’a pas été le cas d’autres dissidents. Là encore, ce livre offre de nombreuses nouvelles pistes de lectures et de culture.

Si l’un des sujets abordés dans cette chronique vous intéresse lancez-vous, car vous découvrirez de l’intérêt pour tous les autres. Vraiment un grand coup de cœur et une découverte marquante.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas de chronique trouvée pour le moment.


 

Et vous,
quelles personnalités dissidentes admirez-vous ?

« Vous n’aurez pas ma haine » d’Antoine Leiris (Fayard, 2016)

Ce livre, c’est de l’amour, énormément d’amour, de la pudeur et la force de vivre pour un petit bonhomme trop petit pour comprendre que sa maman ne rentrera pas mais déjà assez grand pour sentir le manque. Ce manque qui restera. Cette absence engendrée par des hommes pourris par la haine.

Merci à La plume critique qui m’a rappelé, grâce à sa chronique, l’importance de cette lecture.


Quatrième de couverture : « Antoine Leiris a perdu sa femme, Hélène Muyal-Leiris, le 13 novembre 2015, assassinée au Bataclan. Accablé par la perte, il n’a qu’une arme : sa plume.

À l’image de la lueur d’espoir et de douceur que fut sa lettre Vous n’aurez pas ma haine, publiée au lendemain des attentats, il nous raconte ici comment, malgré tout, la vie doit continuer. C’est ce quotidien, meurtri mais tendre, entre un père et son fils, qu’il nous offre. Un témoignage bouleversant.

Ancien chroniqueur culturel à France Info et France Bleu, Antoine Leiris est journaliste. Vous n’aurez pas ma haine est son premier livre. »


Cette haine, Antoine Leiris n’en veut pas. Dans le flot de l’émotion qui a suivi les attentats du 13 novembre 2015, il publie un texte extrêmement fort et qui va à l’encontre de nombreuses réactions vengeresses, terreau fertile des extrêmismes. Non, il ne choisira pas la haine. Il ne pardonnera pas non plus. Mais il ne laissera pas gagner les instigateurs de la mort de ce jour noir, il ne leur cèdera pas son humanité. Car la haine c’est la solution de facilité. Car la haine c’est un raccourcis. Car la haine c’est jouer le jeu de l’assaillant. Car la haine engendre la haine. Il est de ceux qui cassent la chaîne. Parce qu’Hélène, son épouse et la mère de son fils, ne peut être associée à la haine.

Ce témoignage est précieux car il porte en lui un lendemain. Il doit tenir sur ses pieds pour un enfant qui a toute sa vie à vivre même si elle est déjà amputée. On ne peut transmettre la haine à un enfant, on se doit de l’aider à affronter chaque jour, ce n’est pas pareil. Cela, Antoine Leiris le dit avec un amour tellement fort que notre coeur ne peut que se serrer : de compassion, de soutien et de respect.

Du soir des attentats puis jour après jour, ce jeune papa va raconter les épreuves. L’attente, ce moment où l’on ne sait rien et où l’amour est à la fois vivant et mort. L’annonce. La famille. La morgue. Les autres. Bébé Melvil. La journée à tenir. L’enterrement. Les lendemains. Deux bonhommes qui doivent continuer leur chemin sans oublier leur soleil, mais qui doivent apprendre à vivre sans.

Difficile, oui, mais tendre, ce livre est une déclaration d’amour et d’humanité.

Pour en savoir plus • Paru au format poche en 2017

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : La plume critiqueLa librairie d’HélèneLes Coups de Coeur de CamilleMarionBooks&TravelsLa Plume DémasquéeChez LionellirelanuitoupasLire, c’est boire et mangerLes chroniques littéraires d’AnaïsCreezzy SireadbooksUne femme et des livresBettierose BooksSin CityMatilda, Hermione et moiMes belles lecturesPromenons-nous dans les livresMy Pretty BooksLe blog de YukoMots pour motsLes lectures de LilyA propos de livresComme dans un livre


 

Et vous, quel livre sans haine conseillez-vous contre la haine ?

❤ 👁 « Le mari de mon frère – Tome 1 » de Gengoroh Tagame (Akata, 2016)

Les actualités sont d’une tristesse affligeante. Le 17 mai portait avec lui la journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie et a mis en lumière une augmentation significative des agressions et attaques homophobes recensées par rapport à 2017. Les coups blessent, les mots aussi, la bêtise s’enlise.

Je ne suis pas en avance mais mieux vaut publier un peu plus tard que prévu que de ne rien publier. C’est pourquoi j’ai choisi ce manga qui m’a énormément émue et en même temps beaucoup fait rire. C’est selon moi la force de ce récit de Gengoroh Tagame, en plus de son sens de la pédagogie.


Quatrième de couverture : « Yaichi élève seul sa fille. Mais un jour, son quotidien va être perturbé… Perturbé par l’arrivée de Mike Flanagan dans sa vie. Ce Canadien n’est autre que le mari de son frère jumeau… Suite au décès de ce dernier, Mike est venu au Japon, pour réaliser un voyage identitaire dans la patrie de l’homme qu’il aimait. Yaichi n’a alors pas d’autre choix que d’accueillir chez lui ce beau-frère homosexuel, vis-à-vis de qui il ne sait pas comment il doit se comporter. Mais ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants ? Peut-être que Kana, avec son regard de petite fille, saura lui donner les bonnes réponses… »


L’histoire se construit autour de quatre personnages : deux hommes et une enfant ; un être aimé décédé récemment que nous découvrons à travers les souvenirs des deux hommes. Mike était son mari, au Canada. Yaichi était son frère jumeau. Le premier l’a connu jusqu’à la fin, le second l’a connu au début de sa vie mais a ensuite perdu le contact. La jeune Kana, elle, n’a jamais connu cet oncle qui aujourd’hui vient, d’une certaine manière, animer leur existence à tous.

Quand Mike arrive au Japon, il va trouver un foyer dans celui de Yaichi et de sa fille. Entre différences de caractères, différences de cultures et préjugés, un quotidien un peu mal à l’aise va s’installer. Mais c’est sans compter l’innocence, la curiosité et la spontanéité de Kana, qui va permettre de briser, petit à petit, les a priori. Car à son age, Kana n’a pas conscience du poids de la société et des normes qu’elle impose, elle vit sa vie d’enfant et pose des questions à cet oncle qu’elle adore déjà, tout simplement.

Si l’on pense, adulte, que les questions ne doivent pas être posées au risque de paraître bêtes, les enfants osent tout et ils sont alors les plus sages. Poser des questions sur ce que nous ne comprenons pas, car nous ne le vivons pas, c’est bien la plus simple des manières de comprendre l’autre – ou du moins d’essayer, ce qui relève déjà de l’exploit pour certains.

Ce mélange d’une histoire de deuil amoureux, de famille décomposée et d’ouverture d’esprit, voilà une bien belle recette pour un manga réussi. Croisons les doigts pour qu’il soit lu par le plus grand nombre et que les statistiques de la haine, pour une fois, reculent.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Hanae part en livreCats & BooksLes explorations de LoupitChronicroqueuse de LivresLectures d’ALa Bibliothèque de JujuLa Bibliothèque de MahoLivre est-ce de la nuitJukebox CornerLa Ménagerie Du LivreGang of OtakettesNina a luLes écrits de Julie • De la plume au cliclmreverLes tribulations d’une bibliothécaire


 

Et vous, est-ce aussi une série qui vous a plue ?

« Le retour de la bondrée » d’Aimée de Jongh (Dargaud, 2016)

Je me suis récemment inscrite sur le site de lecture en ligne spécialisé dans la littérature graphique : Izneo. Ce livre est le premier sur lequel je me suis jetée, enthousiasmée autant pa sa couverture sublime que par ma lecture précédente d’Aimée de Jongh avec L’obsolescence programmée de nos sentiments.


Quatrième de couverture : « L’histoire de Simon, jeune libraire au bord de la faillite, marqué par un événement dramatique, va devoir faire face à ses souvenirs. Entre rêve et réalité, entre passé et présent, un récit intimiste et touchant en noir et blanc, réalisé par une jeune et talentueuse auteure néerlandaise, Aimée de Jongh. Récompensée en 2015 par le Prix Saint-Michel (Bruxelles). »


C’est l’histoire d’un événement présent qui fait ressurgir des souvenirs enfouis du passé. Des souvenirs enfermés, cloisonnés, cachés dans une boîte mentale hermétique. Simon va dès lors être confronté à sa jeunesse et à sa violence, étouffé dans la culpabilité du processus du et si… Et si j’en avais parlé avant que ça ne dégénère ? Et si je n’étais pas intervenu ? Et si j’avais pu tout dire après coup ? Et si j’étais responsable ?

Son échappatoire et sa passion d’enfance, l’ornithologie, le reprend, comme un pont entre le passé et le présent. D’un vol d’aile, le voyage se fait dans son esprit. Les visages, les lieux et le moment. Ce moment qui te dit que rien ne sera plus comme avant.

Dans un mélange de réalité, de rêve et de souvenirs, Aimée de Jongh nous propose un voyage mental blessé qui, s’il reste singulier, peut faire écho à nos propres blessures d’enfance (qu’elle qu’en soit la taille) qui parfois reviennent se conjuguer au présent sans que l’on puisse les contrôler. Elle questionne les notions de responsabilité, de promesse et de fidélité à l’enfant que nous avons été.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Une vie, des livres


 

Et vous, connaissez-vous cette plateforme de lecture en ligne ?

👁 « Le grand incendie » de Gilles Baum et Barroux (Les Éléphants, 2016)

Poursuivons notre voyage dans le travail de Barroux avec cet album qui me faisait envie depuis un petit moment. Nous retrouvons avec plaisir Gilles Baum avec ce récit publié avec le soutien d’Amnesty International. Enfin, cette chronique me permet de parler d’une bien belle maison d’édition : les Éditions des Éléphants.


Quatrième de couverture : « Une fable orientale où la force des mots renverse la tyrannie.

Du haut de son palais, le Sultan jubile. Les livres de son royaume brûlent à ses pieds. Bientôt, toutes les traces du passé auront disparu. Ne restera que sa propre histoire.
Un jour, un enfant recueille une page qui a échappé au brasier. Malgré sa peur, il se met à recopier sur les murailles du palais les mots qui y sont écrits. Petit à petit, la foule l’imite et ensemble, ils réécrivent des pans entiers de leur culture, de leur histoire, avant que ceux-ci ne disparaissent des mémoires. Leur poids fera tomber le palais, le Sultan, et la tyrannie.

Un conte poétique qui souligne l’importance de s’unir pour résister et défendre des droits aussi essentiels que la liberté d’expression. »


Les livres sont jetés au feu. Les mots viennent à manquer et les histoires s’effacent. Le Sultan a demandé à ce que ce voile noir de suie couvre la mémoire et la force des mots. Car ils sont porteur d’espoir, d’opposition, de rébellion au totalitarisme. Les mots forgent la pensée. Mais la pensée pour son peuple, il n’en veut pas, il veut s’assurer un pouvoir plein et entier.

Quand un garçon s’approche de la grande ville et trouve dans les cendres une feuille avec des inscriptions encore lisibles – Ô merveille, un jardin parmi les flammes ! – il ignore qu’il va déclencher une grande réaction collective qui fera tomber les murs du palais.

Aujourd’hui encore des murs se construisent et, quand ils ne sont pas physiques, ils sont amenés à se construire dans les esprits. Chaque jour qui passe les mots ont leur importance. Un album à offrir, à partager et à commenter avec les enfants, car leurs mots ont de la force et leur regard sur le monde qui les entoure est précieux. Les enfants, je trouve, ont une sensibilité particulière vis-à-vis des injustices.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas de chronique trouvée pour le moment.


 

Et vous, aimez-vous cette maison d’édition ?

« J’adore la mode mais c’est tout ce que je déteste » de Loïc Prigent (Grasset, 2016)

Ce livre, trouvé au hasard de mes déambulations chez Emmaüs, m’a tout de suite intrigué. J’adore les vêtements et regarder les créations depuis mon confort provincial, l’univers de la mode moins car justement trop excessif et coupé du monde. Alors, face à cette proposition de pépiements, je n’ai pas pu résister.


Quatrième de couverture : « Voici les saisons de couture de Loïc Prigent. Depuis 2011, celui qui est le plus influent documentariste de la mode tient un compte twitter (@LoicPrigent) qui fait grincer des dents tout le milieu de la mode et rire tous les autres (et parfois le milieu lui-même). Laissant ses oreilles traîner dans les défilés et les studios, il y recueille les bons mots, les rosseries, les énormités, les béatitudes et les coups de griffe des participants de ce petit cercle qui gouverne le goût du monde entier. Mannequins ? Attachés de presse ? Créateurs ? Qui parle ? Ecoutez-les, orchestrés par Loïc Prigent, porte-voix de cette nouvelle comédie humaine. Il y invente un nouveau genre littéraire : le pépiement.

Ne pleure pas. Pense à ton maquillage.

– C’était bien ton dîner?
– J’ai dit que des trucs que j’avais déjà dits et écouté que des conversations que j’avais déjà entendues.

– Quel jour on est ?
– Mais comment veux tu que je le sache ?

J’ai tellement faim, je pourrais manger.

A coup sûr, le livre le plus drôle des années 10. Et, qui sait, le plus poétique ?

Le livre est le choix des meilleures phrases de ces cinq années, auxquelles Loïc Prigent a ajouté un grand nombre d’inédits. »


J’ai à la fois beaucoup ri et suis tombée de ma chaise en lisant les petites phrases glanées sur ces différentes années, lors de défilés et entre différents acteurs du monde de la mode. C’est extrêmement imagé et c’est parfois tellement poussif que ça en devient génial. D’autres fois, c’est tout simplement triste. C’est aussi cette ambivalence qui est exprimée dans les mots, jamais attribués précisément à leurs auteurs (à chacun de formuler ses hypothèses) : celle du luxe qui peut faire rêver mais qui porte aussi un costume oppressant de règles d’apparat, de principes qui sont hors de la réalité.

C’est un petit livre qui se lit du début à la fin comme par petites touches dans n’importe quel ordre, c’est donc un livre auquel le lecteur donne sa propre vie. Le contenu enlève son voile de fantasme à ce milieu si particulier qui, s’il brille facilement, se fâne bien vite aussi.

Un moment agréable, un livre qui ne manquera pas de faire réagir tous ses lecteurs et un ensemble impressionnant d’expressions et de remarques bien senties. Mention spéciale à la série de phrases On ne dit pas… qui revient régulièrement dans le livre et qui m’a particulièrement fait sourire.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Cultur’elle


 

Et vous, voulez-vous adorer et détester la mode avec ce livre ?

« Celui-là est mon frère » de Marie Barthelet (Buchet/Chastel, 2016)

Encore un achat un peu au plaisir du hasard d’Emmaüs qui m’a beaucoup plu ! De l’amour fraternel à la défiance, du soutien à la confrontation.


Quatrième de couverture : « En te voyant, j’ai pensé que tu étais revenu pour moi, puis que tu avais vieilli. Je me trompais. Déjà tu souhaitais repartir. Et ce n’était pas tant que tu avais vieilli, tu étais transformé – défiguré, allais-je dire, par la brûlure d’une foi neuve. J’ai aussi cru que je délirais. Mais ton nom susurré par tous ceux qui étaient présents a craquelé le silence. J’ai compris que je n’étais pas le seul à te voir. Que c’était vrai. Que c’était toi.

Un jeune chef d’État reçoit la visite de son frère tant aimé, disparu dix ans plus tôt. La brève joie des retrouvailles cède très vite la place à l’amertume et à l’indignation : celui qui est revenu a changé. Il est désormais l’Ennemi. À cause de lui, le pays va s’embourber dans une crise sans précédent.

Celui-là est mon frère, premier roman de Marie Barthelet, est un véritable conte qui déroule, avec sensibilité, le récit envoûtant d’une affection mortelle. »


Nous découvrons l’enfance du protagoniste principal, devenu chef d’État, dont le frère aimé est parti sans jamais redonner de nouvelles. Ce frère revient un jour, annonçant clairement son positionnement de défiance vis-à-vis du pouvoir en place.

Pourquoi cette défiance ? Car depuis des générations une partie de la population est discriminée. Alors que le chef d’État perpétue cette discrimination, le frère, adopté petit mais appartenant à cette communauté, vient demander l’égalité des droits.

Nous entrons alors dans l’esprit du chef qui est bouleversé par le retour de ce frère qu’il a tant aimé, qu’il aime toujours autant qu’il le déteste de revenir en ennemi. Des deux, c’est le frère qui était le mieux placé pour gouverner, mais cette place lui était interdite. Il est aujourd’hui meneur de la communauté opprimée. Cette oppression vient d’une trahison passée et de l’assassinat d’une partie de la famille à la tête de l’État plusieurs générations auparavant. Depuis, toute cette population paie.

La situation finale, absolument dramatique, invite à se questionner sur le goût du pouvoir et le goût de la vengeance, sur la stigmatisation et le sens réel de la fraternité qui ne doit pas être une exception. Une forte découverte.

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Et vous, connaissez-vous ce roman ou cette auteure ?

« Les pleurs du vent » de Medoruma Shun (Zulma, 2016)

Si je lis souvent sur la guerre, la Seconde Guerre mondiale en particulier, je lis peu sur le déroulement de cette guerre en Asie. Ce livre a été l’occasion à la fois d’approcher ce conflit d’un point de vue japonais mais aussi de découvrir une plume aussi subtile que percutante.


Quatrième de couverture : « Jusqu’à présent, personne n’avait jamais eu l’idée de parler sérieusement du crâne qui pleure à quelqu’un d’extérieur au village. D’abord parce que le sentiment d’avoir une dette envers ceux qui étaient morts à la guerre interdisait aux survivants de parler à tort et à travers des disparus, mais surtout parce que quiconque entendait la triste lamentation du vent ne pouvait qu’être saisi de stupeur.

Tout commence par un jeu d’enfants au pied de l’ancien ossuaire, sur l’air de chiche qu’on grimpe sur la falaise, pour aller voir de plus près le crâne humain qu’on aperçoit d’en bas, et qui gémit sous le vent. De toute la bande, seul Akira a le courage de monter. Et de tout le village, seul Seikichi, le père d’Akira, s’oppose à ce qu’un journaliste de la métropole tourne un reportage autour de la légende du crâne qui pleure, objet sacré, emblème des heures terribles de la bataille d’Okinawa…

Les pleurs du vent conte magnifiquement la paix retrouvée des âmes. »


Si le crâne qui pleure semble un peu oublié des habitants (si ce n’est que son chant fait partie des sons du quotidien) et peu connu des japonais, il rassemble autour de lui des histoires communes qui s’ignorent.

Pour le jeune Akira, approcher le crâne est une façon d’exprimer son courage au sein d’un groupe d’amis. Pour Seikichi il s’agit d’une part de passé qui ne passe pas – pas encore du moins. Pour Fujii il s’agit d’un devoir de mémoire qui dépasse les lignes bien définies entre mémoire personnelle et mémoire commune. Mais tous sont liés au crâne qui pleure.

Revenir sur la bataille d’Okinawa et décrire son impact sur trois personnes de deux générations différentes permet de prendre la mesure de la douleur et de la volonté de l’oubli. Si Seikichi et Fujii ont la guerre bien en mémoire, pour les plus jeunes l’ossuaire est un défi à leur courage, presque un jeu grave et non un espace de recueillement lié aux morts de l’île. Mais si le souvenir est essentiel, le sacrifice du bonheur n’est pas le prix à payer.

Une écriture qui glisse parfois presque vers la lisière du fantastique mais qui nous ramène toujours vers la réalité, là où les esprits sont aussi marqués que les corps et dont les mémoires ont besoin d’être libérées ou transmises pour pouvoir se reposer un peu.

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Les Apostilles


 

Et vous, avez-vous envie de découvrir le chant du crâne ?

❤ 👁 « De nos frères blessés » de Joseph Andras (Actes Sud, 2016)

Ce roman est monumental ! Il prend aux tripes autant qu’aux neurones et aborde autant les questions d’engagement pour une cause que l’on juge juste que le caractère abject de la peine de mort. Paru en format poche chez Actes Sud (collection Babel) le 22 août dernier, je ne peux que vous en recommander la lecture.


Quatrième de couverture : « Alger, 1956. Fernand Iveton a trente ans quand il pose une bombe dans son usine. Ouvrier indépendantiste, il a choisi un local à l’écart des ateliers pour cet acte symbolique : il s’agit de marquer les esprits, pas les corps. Il est arrêté avant que l’engin n’explose, n’a tué ni blessé personne, n’est coupable que d’une intention de sabotage, le voilà pourtant condamné à la peine capitale.

Si le roman relate l’interrogatoire, la détention, le procès d’Iveton, il évoque également l’enfance de Fernand dans son pays, l’Algérie, et s’attarde sur sa rencontre avec celle qu’il épousa. Car avant d’être le héros ou le terroriste que l’opinion publique verra en lui, Fernand fut simplement un homme, un idéaliste qui aima sa terre, sa femme, ses amis, la vie – et la liberté, qu’il espéra pour tous les frères humains.

Quand la Justice s’est montrée indigne, la littérature peut demander réparation. Lyrique et habité, Joseph Andras questionne les angles morts du récit national et signe un fulgurant exercice d’admiration. »


L’histoire de Fernand Iveton est une histoire malheureusement oubliée mais magistrale de démonstration sur la justice punitive pour l’exemple durant la guerre d’Algérie qui ne dit cependant pas encore son nom. Ce livre est le portrait d’un homme qui lutte pour l’indépendance de son pays natal, c’est également le portrait d’Hélène, sa femme, écrit avec une grande puissance.

Fernand Iveton a tenté de faire exploser une bombe. C’est un fait. Mais le positionnement de celle-ci avait été pensé pour ne faire aucun mort, aucun blessé et elle n’en aurait fait aucun. Le but était de déclencher une alarme dans l’opinion publique, pas de tuer. Elle n’explosera pas. Fernand sera arrêté et torturé afin de lui soustraire des informations et des noms.

Petit à petit, l’étau va se resserrer et Fernand finira par lâcher quelques bribes, des pistes, en tentant au maximum d’être sur la retenue, espérant avoir laissé assez de temps à ses compagnons de se cacher. Mais, s’ils seront aussi arrêtés, le cœur du récit se concentre sur les différents jugements de Fernand Iveton puis sur l’attente de la sentence et son application.

La bombe n’a fait aucun mort, elle n’a même pas fonctionné. La peine ne peut donc être la peine de mort. Impossible. Et pourtant. Entre des séquences du passé avec Hélène et le huis clos de la cellule des condamnés à mort, nous vivons avec le personnage central des moments qui font naître la révolte.

Avec ce livre, je découvre Joseph Andras et je ne peux que le conseiller aux amateurs d’Eric Vuillard. Pas tant sur le ton mais sur le focus historique qu’il nous propose. Une réussite qui laisse, bien entendu, un goût amer.

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