
Dragoslav Mihailović est né en novembre 1930 – bon anniversaire à lui ! – et, à l’âge de dix-neuf ans, fut envoyé dans un camp de rééducation du fait des purges titistes. De ce roman, paru en 1968 en Yougoslavie, une pièce de théâtre sera tirée et censurée après la première représentation. Des propos qui ont donc chatouillé et dérangé le pouvoir en place. Vous vous en doutez : ma curiosité est piquée !
Quatrième de couverture : « Dès sa publication, en 1968, ce roman a reçu en Yougoslavie un succès significatif. L’auteur nous entraîne dans les quartiers périphériques de Belgrade avec ses jeunes voyous, dans le monde de la rue où la violence a ses lois et se teinte souvent d’un curieux romantisme. Avec un naturel qui semble parfois toucher à la désinvolture, Mihailović nous apprend quel fut le cadre réel dans lequel toute une génération tenta de vivre au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale.
Ce récit plein d’une vie naïve et violente est écrit dans une langue savoureuse. »
Les quatrièmes couverture restent à jamais figées dans l’époque de publication des livres qu’elles représentent et c’est bien le cas avec celle-ci. Car du curieux romantisme annoncé il y a surtout une profonde violence – notamment à l’encontre des femmes – que montre et dénonce l’auteur lui-même en même temps qu’il décrit des attitudes et considérations clairement sexistes et courantes, ancrées dans une époque.
Personnellement, le fait qu’un texte colle à son époque ne me pose aucun souci, bien au contraire. Ce fut le cas ici. Evidemment certains passages dérangent, mais ce serait une erreur de vouloir les effacer ou les cacher sous le tapis. Car ils nous disent : voici ce que furent les années d’après-guerre en Yougoslavie au coeur des quartiers populaires ; voici comment un auteur positionné contre la dictature communiste de Tito a choisi de les raconter. Du coup, je trouve le résultat aussi intéressant que, parfois, malaisant.
Venons-en aux faits, à l’histoire ! Nous rencontrons Liouba, le narrateur, en Suède où il a émigré et fondé une famille. De son présent il en vient à nous dévoiler les raisons de sa fuite de Yougoslavie. Nous allons alors y découvrir un quotidien rude, violent, cru pour ne pas dire sordide et rendu un tant soit peu palpitant par la chasse aux gonzesses ainsi que par la boxe.
Dans cet environnement à l’ambiance déjà viciée, le régime communiste du maréchal Tito va faire sentir son pouvoir et briser une famille comme une autre, à l’image de l’arbre qui cache la forêt. C’est bien en filigrane que la répression politique est amenée, ce n’est pas le sujet central mais il est tellement visible malgré tout. Il saute aux yeux et à la gorge par les conséquences que doivent subir les individus compromis – ou non.
Liouba part pour l’armée, il va y développer ses aptitudes de boxeur et devenir un champion alors qu’un drame a lieu. Comme si la situation n’était pas assez navrante, la vengeance va s’exprimer. Et de quelle façon ! Là, je passe pour un monstre mais j’adore les histoires de vengeance dans la fiction.
Dragoslav Mihailović nous parle de plusieurs deuils dans ce roman : celui de proches, celui de promesses d’avenir, celui d’un pays, celui du passé. Dans une langue populaire et truculente, Liouba nous raconte son histoire et sa vie, lui qui est malade de son exil, malade de sa Yougoslavie perdue.
Un roman qui en appelle d’autres pour que je me fasse un avis un peu plus précis sur l’auteur et son univers littéraire. Malheureusement, je n’ai pas trouvé d’autre traduction française de son œuvre. Si elle témoigne de la vie sous la dictature du maréchal Tito, se fait à la fois chronique sociale et critique politique, j’espère que des titres jusqu’ici oubliés des maisons d’édition feront un jour leur apparition. En tout cas, je suis contente d’avoir fait cette découverte un peu vintage. Ce ne sont pas les envies qui manquent face au catalogue des éditions Gallimard !
Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Pas d’autres chroniques trouvées pour le moment.
Et vous, aimez-vous dénicher des romans oubliés ?
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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Magnifique chronique avec une belle réflexion sur les quatrièmes de couverture. Un livre tout à fait singulier que je note.
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Excellente idée de lecture. Pour répondre à ta question, oui, j’aime également beaucoup découvrir des titres oubliés. J’ai sur ma liste par exemple « Les Boussardel » de Philippe Hériat. Prix Goncourt, adapté au cinéma, mais quasiment impossible à trouver aujourd’hui
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