
Si j’achète presque tous les livres édités par les éditions de L’Antilope, je peux mettre un moment avant de les lire. Celui-ci, impossible de le mettre de côté pendant des semaines. Tout dans sa présentation m’appelait : une famille meurtire par la Shoah, une quête à la fois familiale et intime, une approche originale dans l’expression de la transmission des traumatismes.
Quatrième de couverture : « Dans la croyance populaire juive, le dibbouk est l’âme d’un mort qui vient s’incarner dans le corps d’un vivant. Ici, la narratrice est obsédée par une quête familiale. Son père, rescapé de la Shoah, a laissé un témoignage dans lequel il raconte comment, lors de sa déportation, il a été séparé de sa fille. Qu’est-elle devenue ? Elle a disparu à jamais. Mais la narratrice, elle, se laisse peu à peu envahir par le dibbouk de cette sœur. Elle n’a de cesse, dès lors, de se lancer à la recherche de Mariette.
Un roman plein d’humour sur un sujet sensible. »
Quand on m’annonce un roman construit de façon originale sur la Shoah, autant dire que je porte une attention particulière à la maison d’édition qui le propose (cela dit, je le fais même quand aucune originalité n’est annoncée). Ici, aucun doute, aucune hésitation, la fiabilité des éditions de L’Antilope est pleine et entière. Si vous ne la connaissez pas, je ne peux que vous inviter à découvrir son très beau catalogue.
Rassurée sur ce point, j’ai été passionnée par la lecture ce roman – basé sur une histoire personnelle et des interrogations bien réelles – qui m’a beaucoup émue et dont l’approche originale est menée avec justesse et maîtrise.
La narratrice sait que son père a perdu sa femme et sa fille – à peine âgée de quelques semaines – en 1942. Un sujet extrêmement douloureux dont il ne fallait pas parler pour le protéger. Jusqu’au jour où elle va oser poser la question à son père qui lui confiera un prénom : Mariette. A partir de cette précieuse information ainsi que des entretiens menés pour la Spielberg Foundation, la narratrice va se tourner vers différentes options pour obtenir des réponses et se retrouver. Car, depuis un moment, elle a le sentiment de ne plus s’appartenir vraiment, ou plutôt de partager son corps et son esprit avec quelqu’un d’autre : un dibbouk.
L’aspect métaphysique ne part jamais trop loin, l’incertitude nous pousse à nous interroger en permanence jusqu’à nous faire percevoir intelligemment le poids des absents pour les générations nées juste après la guerre, de parents rescapés de la Shoah. Entre les vies qui n’ont pas pu être vécues, les destins volés par la haine et la culpabilité d’être née après les épreuves vécues par ses parents, la narratrice va découvrir ce qui a été, ce qui aurait pû être pour revenir à ce qui est et ce qui a le droit d’être.
Un autre aspect intéressant que révèle cette quête est la personnalité des parents de la narratrice et les stigmates qu’ils portent : affirmer ou cacher le fait d’être juif, toujours s’attendre à ce que le pire se reproduise, se préparer au retour de la haine.
Ce roman est effectivement surprenant, rythmé et émouvant sans être dénué d’humour. Un livre auquel je ne cesse de repenser en me disant en boucle à moi-même : c’est tellement bien pensé !
Je vais prochainement me replonger dans le sujet de la transmission des traumatismes familiaux et des générations d’après avec Venir après. Nos parents ont été déportés de Danièle Laufer (Editions du Faubourg, 2021).
Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Tu vas t’abîmer les yeux
Et vous, connaissez-vous cette belle maison d’édition ?
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