« En montant plus haut » d’Andrea Salajova (Gallimard, 2018)

Je me suis tournée vers ce roman pour approcher la Tchécoslovaquie communiste des années 1950 ainsi que la mise en littérature de la lutte pour la liberté sous un régime autoritaire. Un sujet que je vais sûrement approfondir dans les mois à venir.

Quatrième de couverture : « Tchécoslovaquie, 1955. Le pouvoir communiste en place charge Jolana Kohútová d’une mission aussi difficile que délicate : mettre au pas un village de montagne rétif à la collectivisation des terres agricoles. On lui adjoint dans cette tâche un de ses vieux amis de la résistance au nazisme, un Tzigane aussi suspect qu’elle aux yeux du régime. Ils savent l’un et l’autre que cette mission est une mise à l’épreuve, qu’ils ne peuvent la refuser et qu’ils seront sous surveillance. Leur liberté et leur vie sont en jeu. A moins de réussir à convaincre le village, comment pourront-ils échapper au piège tendu par les commissaires politiques lancés à leurs trousses ? »

Quel est le prix de la liberté ? Jolana Kohútová va devoir se poser la question à plusieurs reprises. Envoyée dans des champs de pommes de terre au milieu de nulle part pour son opposition au régime, elle se fait une raison sur sa situation précaire. Jour après jour, elle s’épuise dans les champs, parmi d’autres femmes qui se méfient d’elles, certaines bienveillantes, d’autres provocantes et acquises au système. Cette vie, jamais elle ne s’est battue pour, et pourtant elle fit partie de la résistance durant la Seconde Guerre mondiale. La liberté d’après guerre a un goût amer.

Un jour, une voiture arrive, elle contient un homme et un message à l’attention de Kohútová. Lui, Olšanský, est presque un fantôme du passé. Brimé comme Kohútová, discriminé car Tzigane, il l’a retrouvée pour lui proposer un accord : soumettre un village à l’idéologie et aux principes de mutualisation des terres du parti pour prouver leur fiabilité et ainsi recouvrir une liberté de mouvements. Quitter les champs pour vivre des rêves qui n’étaient jusqu’alors plus imaginables. En venant la chercher sous la surveillance de membre du parti, il ne lui laisse en fait pas vraiment le choix.

L’essentiel du roman va alors se dérouler dans un village isolé et récalcitrant à la mutualisation. Pour mener à bien la mission, il va falloir désamorcer les résistances, convaincre à tout prix. Entre surveillances, manigances et pressions, Andrea Salajova explore un labyrinthe inextricable dont l’issue est la liberté. Mais sa propre liberté vaut-elle de soumettre tout une communauté ? Est-on libre quand on joue le jeu de l’oppresseur allant à l’encontre de nos convictions profondes ?

Entre les enjeux des deux amis du passé, les villageois qui oscillent entre leurs volontés propres, la menace et l’autorité des gros exploitants, les membres du parti qui observent, il y a aussi de jeunes gens convaincus par la politique du régime. Les yeux et les oreilles sont partout, le risque est permanent mais le temps et les échanges font que l’empathie ne peut pas rester endormie.

En plus d’une rélfexion sur la liberté individuelle et les libertés collectives, sur l’autoritarisme, Andrea Salajova nous parle de la liberté d’une femme qui affronte regards en biais, remarques désobligeantes et actes violents. Une femme qui témoigne aussi de l’histoire alors extrêmement récente, la Shoah. J’ai beaucoup apprécié son caractère indépendant, combatif malgré elle, qui refuse les carcans de façon épidermique. Un caractère aussi admiré par Olšanský bien qu’il le fasse souffrir tout au long du roman. Une relation qui m’a tenue en haleine tant elle était complexe et douloureuse, désespérément suspendue.

Un livre intéressant et prenant dont on n’arrive pas à imaginer l’issue tant le piège se met en place pour se refermer petit à petit. Un roman qui confirme que la liberté a un prix que l’on peut oublier en temps paisibles.

Sur l’aimable invitation de Patrice du blog Et si on bouquinait un peu ?, cette chronique rentre dans le challenge Le mois de l’Europe de l’Est. N’hésitez pas à le découvrir !

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Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Passage à l’Est !

Et vous, quel•s roman•s sur cette période conseillez-vous ?

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9 réflexions sur “« En montant plus haut » d’Andrea Salajova (Gallimard, 2018)

  1. C’est un livre qui est bien rangé sur nos étagère en attendant son tour :-). Pour répondre à ta question, je crois que « Giboulées de soleil » de Lenka Hornakova-Civade pourrait être une bonne idée de lecture pour continuer sur cette période. Je pense aussi à Josef Skvorecky (il faut que je demande à mon épouse, qui en connaît beaucoup plus que moi !)
    Sinon, si tu le souhaites, n’hésite pas à nous rejoindre pour notre « Mois de l’Europe de l’Est » en le mentionnant dans ton billet. Ce livre pourrait en faire partie !

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    • « Giboulées de soleil » vient de trouver sa place dans ma liste ! ^^ Merci beaucoup pour cette suggestion ! J’ai regardé la bibliographie de Josef Skvorecky et je me note « Miracle en Bohême » et « Une chouette saison ». Je vais regarder pour les trouver en occasion ! 🙂

      Super pour le mois de l’Europe de l’Est, je vais ajouter une mention dans l’article ! J’irai aussi voir les livres lus dans ce cadre.

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  2. Je viens ici par curiosité, après avoir vu le lien chez Patrice. C’est un roman qui, malgré un bémol sur le fond, m’avait aussi plu, pour le caractère cinématographique de l’écriture, et pour le caractère de l’héroïne tout court! Comme je l’avais chroniqué sur mon blog, je me permets d’indiquer le lien ici pour meubler la section « ils/elles l’ont lu »: https://passagealest.wordpress.com/2019/06/22/andrea-salajova-en-montant-plus-haut/

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    • Tu as tout à fait raison de me communiquer ce lien vers ta chronique, je l’ajoute tout de suite ! 🙂 Je suis allée la lire, je comprends le bémol, c’est vrai que l’élément déclencheur est un peu bizarre. Je pense que sur l’ensemble je ne connais pas assez bien le sujet pour avoir un réel regard critique sur le faits. Mais quelle héroïne libre ! 🙂

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