« Si la mort t’a pris quelque chose rends-le. Le livre de Carl » de Naja Marie Aidt (Editions do, 2020)

La lecture de ce livre demande calme et totale disponibilité d’esprit. Il demande d’être vraiment avec les mots de l’auteure car ce qu’elle a écrit vient de sa douleur, de sa difficile reconstruction, et elle mérite notre attention pleine et entière.

Quatrième de couverture : « En mars 2015, Naja Marie Aidt a perdu son fils de vingt-cinq ans, Carl, dans un tragique accident. Le livre qu’elle a écrit fait la chronique des premières années qui ont suivi cet appel téléphonique qui l’a dévastée en tant que mère et en tant que femme.

C’est à la fois un récit sobre de la vie après la perte d’un enfant — la façon dont le chagrin change le rapport à la réalité, aux proches, au temps — et une exploration de la puissance de la langue et de la littérature, à partir de nombreux textes qui évoquent le deuil, la perte et l’amour. »

Naja Marie Aidt a malheureusement vécu le pire qu’un parent puisse vivre : perdre un enfant. La vie voudrait qu’on les fasse grandir, qu’on les protège, qu’on les aime et qu’à leur tour ils vivent leur vie et avancent, qu’ils répondent ou non à ce qu’on imaginait qu’ils deviendraient, mais, quoi qu’il en soit, qu’ils nous survivent.

Ce texte à la structure singulière reflète le séisme, la violence de l’épreuve et la vie qui doit continuer alors que ça paraît impossible quand demain n’arrive plus à exister. Vivre sans Carl, vivre avec son immense absence, survivre jour après jour. Naja Marie Aidt tresse ses notes et souvenirs familiaux, des mots de Carl, des citations littéraires et la précision bouleversante des trois jours de mars 2015, les jours de la mort de Carl, indélébiles.

Entre spiritualité et refus de spiritualité, impossibilité des mots, perte du sens et refuges littéraires auprès d’auteurs ayant vécu une épreuve similaire, Naja Marie Aidt rend ce que la mort lui a pris : elle nous parle à la fois de Carl (je retiens notamment son sourire solaire) et elle met des mots sur les moments qui ont suivi la déchirure, le moment qui a fait que plus rien ne sera plus jamais pareil, ce moment qui dit qu’il y avait un avant et qu’il n’y a désormais qu’un après.

Ces trois jours terribles de mars reviennent régulièrement et se dévoilent peu à peu, s’entrecoupent, se reconstituent. Comme si, l’espace d’un instant, on partait voyager dans les souvenirs, s’affranchissant un peu du présent. Ne serait-ce que quelques minutes. Mais la réalité rappelle les pensées à elle avec une cruauté intacte. Trois jours éternellement au présent.

Les nombreuses citations d’auteur•e•s, comme des bouées, m’ont donné le sentiment que si la littérature peut parfois sembler dérisoire, elle se révèle aussi, quand le moment est venu, une aide précieuse. Quand les mots ne viennent plus, des auteur•e•s peuvent prêter les leurs, ils peuvent aussi nous faire nous sentir moins seul•e•s. A mes yeux, ce livre de Naja Marie Aidt est à la fois un hommage à son fils dont elle immortalise des instants et l’amour qu’elle lui porte au passé comme au présent, le témoignage d’un cheminement de deuil ainsi qu’une façon de s’allier aux voix littéraires qui ont parlé de la perte d’un enfant, comme un geste de compassion pour tous les parents confrontés à cette épreuve inimaginable et dont on voudrait pouvoir préserver toute l’humanité.

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