👁 « Le chant des revenants » de Jesmyn Ward (Belfond, 2019)

Grande attente de ce dĂ©but d’annĂ©e avec Le nouveau de Tracy Chevalier, je me suis jetĂ©e dans ce roman pour me retrouver embourbĂ©e dans les eaux et les larmes du bayou, coincĂ©e dans la carlingue d’une voiture qui traine les plaies de ses hĂŽtes, envahie par des mĂ©moires douloureuses.


QuatriĂšme de couverture : « Seule femme Ă  avoir reçu deux fois le National Book Award, Jesmyn Ward nous livre un roman puissant, hantĂ©, d’une dĂ©chirante beautĂ©, un road trip Ă  travers un Sud dĂ©vastĂ©, un chant Ă  trois voix pour raconter l’AmĂ©rique noire, en butte au racisme le plus primaire, aux injustices, Ă  la misĂšre, mais aussi l’amour inconditionnel, la tendresse et la force puisĂ©e dans les racines.

Jojo n’a que treize ans mais c’est dĂ©jĂ  l’homme de la maison. Son grand-pĂšre lui a tout appris : nourrir les animaux de la ferme, s’occuper de sa grand-mĂšre malade, Ă©couter les histoires, veiller sur sa petite sƓur Kayla.

De son autre famille, Jojo ne sait pas grand-chose. Ces blancs n’ont jamais acceptĂ© que leur fils fasse des enfants Ă  une noire. Quant Ă  son pĂšre, Michael, Jojo le connaĂźt peu, d’autant qu’il purge une peine au pĂ©nitencier d’État.

Et puis il y a Leonie, sa mĂšre. Qui n’avait que dix-sept ans quand elle est tombĂ©e enceinte de lui. Qui aimerait ĂȘtre une meilleure mĂšre mais qui cherche l’apaisement dans le crack, peut-ĂȘtre pour retrouver son frĂšre, tuĂ© alors qu’il n’était qu’adolescent.

Leonie qui vient d’apprendre que Michael va sortir de prison et qui dĂ©cide d’embarquer les enfants en voiture pour un voyage plein de dangers, de fantĂŽmes mais aussi de promesses
 »


L’Ă©criture de Jesmyn Ward est envoĂ»tante comme un chant venu du fond des forĂȘts du sud des États-Unis, le chant de ceux qui ont une histoire teintĂ©e de chagrin, le chant qui demande justice pour les pĂšres et pour les fils, pour les mĂšres et pour les filles. Elle dĂ©crit une famille aux prises avec le meurtre d’un oncle encore adolescent, l’addiction aux drogues d’une mĂšre, l’amour intense des petits-enfants qui se protĂšgent et s’accompagnent l’un et l’autre, la maladie d’une grand-mĂšre qui s’est substituĂ©e Ă  la mĂšre pour que les petits survivent. Et un pĂšre, l’absent qui sort de prison.

Ce roman Ă  trois voix a un rythme parfait. Chacun de ces trois protagonistes (Jojo, Leonie et Richie) mettent Ă  nu leurs pensĂ©es, leurs Ă©motions et leurs colĂšres. Chacun a son regard sur la situation mais tous expiment une souffrance : de la disparition d’un proche, de ne pas ĂȘtre aimĂ© naturellement de ses parents, du racisme qui a scellĂ© le sort, des actes qui ont dĂ» ĂȘtre commis pour Ă©viter encore pire, de l’impossibilitĂ© d’atteindre l’autre rive.

Le racisme est au cƓur de ce roman qui, pourtant, aborde d’autres sujets (l’incarcĂ©ration, le deuil, la drogue, la maternitĂ©, la pauvretĂ©). Un racisme ancien qui remonte des souvenirs comme un racisme contemporain qui montre, comme le dit le fantĂŽme de Richie, que si le dĂ©cor a changĂ© ce qu’il y a derriĂšre est toujours pareil. Jesmyn Ward, dans ce roman court mais dense, en appelle aux priĂšres ancestrales et aux cƓurs innocents d’aujourd’hui pour que la mĂ©moire et l’Ăąme des victimes trouvent le repos et rejoignent le cours de la riviĂšre.

La poursuite de la dĂ©couverte de cette auteure dont j’ai adorĂ© l’Ă©criture se fait cette semaine avec Les moissons funĂšbres.

Pour en savoir plus

 

Et vous, quel roman de Jesmyn Ward recommandez-vous ?

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