👁 ❤ « La note américaine » de David Grann (Globe, 2018)

Cette lecture s’est imposée d’elle-même dans le cadre de ma thématique sur la culture Indienne. Après avoir lu des ouvrages sur les guerres du 19ème siècle, sur la culture ancestrale des peuples d’Amérique du Nord, sur une affaire contemporaine au Canada, je souhaitais revenir dans les terres américaines et sur un autre type de crime, plus sournois, qui s’avère purement effroyable.


Quatrième de couverture : « 1921. Les guerres indiennes sont loin. Leurs survivants ont, pour la plupart, été parqués dans des réserves où ils végètent, misérables, abandonnés à leur sort.

Une exception à cette règle : le peuple osage. Il s’est vu attribuer un territoire minéral aux confins de l’Oklahoma. Or ces rochers recouvrent le plus grand gisement de pétrole des États-Unis. Les Osages sont millionnaires, roulent en voitures de luxe, envoient leurs enfants dans les plus prestigieuses universités et se font servir par des domestiques blancs. Le monde à l’envers.

Un jour, deux membres de la tribu disparaissent. Un corps est retrouvé, une balle dans la tête. Puis une femme meurt empoisonnée. Et une autre. Plus tard, une maison explose. Trois morts. Qui commet ces assassinats ? Qui a intérêt à terroriser les riches Osages ? Les premières enquêtes, locales, sont bâclées, elles piétinent. C’est pourquoi, après une nouvelle série noire, ce dossier brûlant est confié au BOI (Bureau of Investigation, qui deviendra le FBI en 1935). À sa tête, un très jeune homme. Son nom est Hoover, Edgar J. Hoover. Il veut deux choses. La première : faire toute la lumière sur cette sombre affaire, et il s’en donne les moyens, enquêteurs hors pair, méthodes rigoureuses de police scientifique, mise en fiche de la moindre information. La seconde : le pouvoir. Surtout le pouvoir. Et ce premier coup d’éclat va le lui offrir sur un plateau. »


David Grann est journaliste. Il s’est intéressé à l’affaire des Osages et a accumulé multitude de documents d’archives sur le sujet afin d’écrire ce livre extrêmement documenté. Il a également rencontré des descendants de victimes qui lui ont permis de réaliser l’ampleur de l’affaire, bien plus grande que les compte-rendus judiciaires des tabloïds.

Ce récit, de non fiction donc, revient sur une série d’assassinats sur le territoire des Osages, dans l’Oklahoma. Cette tribu est arrivée sur ces terres après avoir été chassée des siennes et par malheur pour les américains suprémacistes, elles recouvrent de grandes richesses. C’est ainsi que les membres de la tribu vont louer des terres pour l’exploitation pétrolière et vont devenir riches. Cette richesse, qui s’accumule sur de nombreuses années, n’est cependant pas à la disposition des familles propriétaires des terrains. Non, chaque Osage dépend d’un curateur qui gère son argent. L’ambiance est posée, la colère est montée dès le début de ce livre.

Des corps sont peu à peu découverts, les héritages se déplacent. Seuls peuvent hériter la famille du défunt jusqu’au jour où il n’y a plus de famille. Vous me suivez ? C’est un environnement noyé sous les complots et la corruption que nous allons découvrir, à chaque fois plus étonnés et outrés par les rouages de cette machine à broyer. Le récit se construit en trois temps : les assassinats et les premières recherches locales de coupables, l’arrivée du Bureau (avant d’être appelé FBI) pour reprendre le dossier et amener les coupables devant la justice, l’auteur qui revient en 2012 sur ces terres ensanglantées.

« Un éminent membre de la tribu dit les choses encore plus franchement : Je me demande si ce jury considère qu’il s’agit bien ici de meurtres et non de maltraitance sur des animaux. »

La machination est tellement bien construite qu’il n’est en rien difficile pour David Grann de nous faire emprunter de fausses pistes et de nous accrocher à de faux espoirs, tout comme les familles à l’époque. Les trois parties du livres révèlent chacune un aspect de cette tragédie, de ce massacre passé sous silence pour la plus grande partie. En 2012, des corps ressortent encore des placards.

Le livre est passionnant, captivant, riche de photographies d’archives qui nous emmènent dans ces terres arides et éloignées. Il est aussi terrifiant dans sa conclusion (que je vous laisse découvrir) que dans son constat actuel : cette histoire est oubliée, elle ne subsiste que dans la descendance des familles qui ont été touchées, pour le dire simplement : toutes les familles osages de ce territoire.

« Elle se tut un instant puis me rappela ce que Dieu avait dit à Caïn après le meurtre d’Abel : La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu’à moi. »

C’est pour moi un vrai coup de cœur, un livre fort, qui décrit les nombreux protagonistes avec une plume plus que vraie (j’ai absolument adoré la personnalité de Tom White), qui remet les choses à leur place, refusant que le temps efface les preuves et formate les mémoires.

Pour finir, Martin Scorsese devrait adapter ce film pour le cinéma, autant dire que je trépigne d’impatience ! ♥

Pour en savoir plus

 


Ils/Elles l’ont aussi lu et chroniqué : Lire dit-elle • Actu Du Noir • Bonnes feuilles et mauvaise herbe • Garoupe • Action-suspenseEncore du noir !


 

Et vous, avez-vous envie de découvrir cette histoire ?

9 réflexions sur “👁 ❤ « La note américaine » de David Grann (Globe, 2018)

  1. Très bizarrement La note américaine ne m’a pas marquée autant que je l’aurais cru. Je veux dire par là que j’étais à peine étonnée des complots crasseux attentés envers les Osages (je crois que je n’ai vraiment aucune foi ni confiance envers les américains blancs, ils m’apparaissent tous comme une belle bande de ***, mais ça doit être l’effet Trump). Et puis j’ai un peu peiné à accrocher au style de l’auteur, vraiment trop sec. C’est dommage car le propos reste tout de même édifiant !

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    • Je comprends ce que tu veux dire, j’ai perdu encore pas mal de naïveté (j’ai une énorme jauge) et si le postulat de départ ne m’étonnais pas c’est l’ampleur et la banalité des complots qui m’a choquée. Genre, c’est normal. De là à projeter de tuer ses propres enfants. Pour le coup, ça a dépassé mon entendement ! ^^’ Je comprends aussi que tout le monde n’accroche pas au style de l’auteur. Je suis d’autant plus curieuse de voir comment ce texte sera adapté à l’image. 🙂

      Totalement d’accord avec toi, quoi qu’il en soit de la forme, ce livre est en effet édifiant ! Et nécessaire, c’est trop facile d’oublier.

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  2. Ce livre a l’air effroyable ! Une histoire que je ne connais pas du tout (qu’est-ce que je connais en fait ? /tousse/), et sachant que j’ai toujours de l’espoir pour beaucoup de choses, tout en étant très pessimiste, je sens que ce livre va me choquer, aha.

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    • Si ça peut te rassurer, pas grand monde ne connait cette histoire (moi non plus je n’en avais jamais entendu parler) et c’est un constat présent dans le livre : même aux Etats-Unis c’est totalement oublié, et à l’époque des meurtres, seule une partie a été constatée et médiatisée, alors…

      Je te confirme que je suis tombée de haut, je vais finir par perdre toute naïveté…

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