👁 ❀ « Taqawan » d’Éric Plamondon (Quidam Ă©diteur, 2018)

Taqawan, c’est une histoire de saumon, une histoire des Indiens mi’gmaq, une histoire d’injustice. Je pourrais rĂ©sumer ce livre de cette simple phrase mais ce ne serait pas vraiment rendre justice Ă  la richesse de ce roman inscrit dans une histoire rĂ©elle qui remonte Ă  un passĂ© qui pourrait ĂȘtre qualifiĂ© d’hier, Ă  1981.


QuatriĂšme de couverture : « Ici, on a tous du sang indien et quand ce n’est pas dans les veines, c’est sur les mains.

Le 11 juin 1981, trois cents policiers de la sĂ»retĂ© du QuĂ©bec dĂ©barquent sur la rĂ©serve de Restigouche pour s’emparer des filets des Indiens mig’maq. Emeutes, rĂ©pression et crise d’ampleur : le pays dĂ©couvre son angle mort.

Une adolescente en rĂ©volte disparaĂźt, un agent de la faune dĂ©missionne, un vieil Indien sort du bois et une jeune enseignante française dĂ©couvre l’immensitĂ© d’un territoire et toutes ses contradictions. Comme le saumon devenu taqawan remonte la riviĂšre vers son origine, il faut aller Ă  la source


Histoire de luttes et de pĂȘche, d’amour tout autant que de meurtres et de rĂȘves brisĂ©s, Taqawan se nourrit de lĂ©gendes comme de rĂ©alitĂ©s, du passĂ© et du prĂ©sent, celui notamment d’un peuple millĂ©naire bafouĂ© dans ses droits. »


Ce rĂ©cit est constituĂ© de nombreux petits chapitres qui font avancer l’histoire Ă  travers des faits historiques, sociĂ©taux et des histoires sur la culture indienne. L’injustice est au coeur de cette histoire, qu’elle soit gĂ©nĂ©ralisĂ©e envers un peuple ou qu’elle soit dirigĂ©e vers des individus, dans leur chair.

Nous sommes confrontĂ©s Ă  diffĂ©rentes rĂ©actions face Ă  l’action de QuĂ©bec, ceux qui soutiennent les forces de l’ordre dans leurs dĂ©monstrations de violence, ceux qui ne peuvent l’accepter, ceux qui abusent.

Je m’attendais Ă  plus de passages sur la rĂ©serve et sa rĂ©sistance, c’est en rĂ©alitĂ© l’histoire d’OcĂ©ane qui va prendre une terrible ampleur. Nous basculons alors dans une autre dimension dans laquelle la justice d’un État ne fait pas son travail alors l’homme va se faire justice. Si je suis trĂšs attachĂ©e Ă  l’importance de la justice officielle, je ne vais pas cacher que la vengeance peut aussi ĂȘtre savoureuse dans la fiction (je ne me cache pas d’ĂȘtre une grande fan de la trilogie de la vengeance de Park Chan-wook par exemple).

J’ai Ă©normĂ©ment aimĂ© ce roman ! Je ne peux pas le dire autrement. Il est Ă  la fois abordable et complexe, car nous touchons une histoire peu connue mais qui a une raisonnane au-delĂ  de la GaspĂ©sie. L’Ă©criture est belle, sachant se faire aussi tranchante que tendre et protectrice. Le livre contient tellement de citations possibles qu’il est difficile de choisir, mais j’en prends une malgrĂ© tout, qui a un sens global pour la thĂ©matique de ce mois de mai :

« Des Indiens, ce sont des Indiens. On les a appelĂ©s comme ça parce qu’on croyait ĂȘtre arrivĂ© en Inde. Mais non, on Ă©tait arrivĂ© en AmĂ©rique. Avec le temps, on s’est mis Ă  les appeler AmĂ©rindiens. Plus tard, on dira des autochtones. Avant ça, on les a souvent traitĂ©s de sauvages. On les a surnommĂ©s comme ça, des hommes et des femmes sauvages. Il faut se mĂ©fier des mots. Ils commencent parfois par dĂ©signer et finissent par dĂ©finir. Celui qu’on traite de bĂątard toute sa vie pour lui signifier sa diffĂ©rence ne verra pas le monde du mĂȘme oeil que celui qui a connu son pĂšre. Quel monde pour un peuple qu’on traite de sauvages durant quatre siĂšcles ? »

Je ne vais pas en dire plus car j’aurais vite fait de dĂ©voiler un peu trop de l’histoire et de vous en gĂącher un peu le plaisir de la lecture. Je finirai juste sur cette phrase de prĂ©vention : le diable se pare souvent des airs les plus bienveillants. À vous le suspens !

Pour en savoir plus

Et vous, l’avez-vous dĂ©jĂ  dĂ©vorĂ© ?

8 réflexions sur “👁 ❀ « Taqawan » d’Éric Plamondon (Quidam Ă©diteur, 2018)

  1. « Taqawan, c’est une histoire de saumon » En lisant ça, j’ai cru mal comprendre au point que je l’ai relu une deuxiĂšme fois, aha.

    Ca m’a l’air d’ĂȘtre un trĂšs beau livre ! De toute façon, je crois que je vais prendre tes articles sur des bouquins de ce genre comme rĂ©fĂ©rence 😀

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    • Hehe ! L’air de rien, tu apprends des choses sur le saumon. Je ne sais pas quel effet ça fait de sortir des anecdotes en soirĂ©e, mais tu vois d’un autre oeil le filet dans ton assiette (aucun rapport avec le vĂ©gĂ©talisme, juste sur la vie du poisson).

      C’est en effet un livre que j’ai beaucoup aimĂ©, mais il aussi dur sans ĂȘtre malsain. Je ne sais pas trop comment l’expliquer mais l’auteur n’en fait pas des tonnes : certains faits sont ignobles et il n’en rajoute pas en dĂ©crivant Ă  outrance.

      Ouh je ne sais pas du tout si les livres de ce genre que je lis font rĂ©fĂ©rence, mais c’est tout le mal que je souhaite Ă  celui-ci car il mĂ©rite d’ĂȘtre lu ! 🙂

      Merci beaucoup à toi ! 😀

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  2. Je remercie monsieur Éric Plamondon auteur de Taqawan de m’avoir permit de contribuer Ă  ce roman par des dictons et autres textes tirĂ©s de mon site Mi’kma’ki http://www.astrosante.com/traduction_nessutmasewul.html

    Merci aussi aux autres collaborateurs, Alanis Obomsawin (textes tirĂ©s du documentaire « Les Ă©vĂ©nements de Restigouche »), Danielle Cyr et Marie-Bernard Young (pour l’orthographe mi’kmaw), Earle Lockerby (textes tirĂ©s de l’article « Ancient Mi’kmaq Customs; A Chaman Revelations» (The Canadian Journal of Native Studies, vol. XXIV, no 2, 2004), RenĂ© Levesque (extrait de la confĂ©rence de presse du 25 juin 1981).

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